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Appel le 3 juillet 2003

APPEL POUR UNE ALTERNATIVE A GAUCHE

Nous sommes des militantes et militants politiques, associatifs ou syndicaux, des élu-e-s locaux, nationaux et européens. Nous décidons de créer une coordination permanente pour une alternative politique à gauche, résolument antilibérale. Nous appelons à ce que de telles coordinations se démultiplient localement.

La planète est menacée par la mondialisation capitaliste qui plonge des pays dans le chaos, menace l'existence de milliards d'individus et l'équilibre écologique. Ici, nous affrontons une offensive brutale contre les retraites, les services publics et, demain, l'assurance maladie. L'attaque se poursuit contre les chômeurs et les précaires. Tous les salariés - et en premier lieu les femmes - sont victimes de la concurrence généralisée et de la course au profit. Les petits agriculteurs disparaissent sous les coups d'une politique productiviste et exportatrice à tout prix, également ruineuse pour les paysans du Sud. Dans la phase actuelle du capitalisme, le vivant, la culture, l'éducation et toutes les activités humaines ont vocation à être transformées en marchandises. Dans le même temps, les discriminations fondées sur l'origine, le genre ou la sexualité sont renforcées par le retour de l'ordre moral et la dérive sécuritaire. Profit, contrôle social, guerre : nous refusons cet avenir. Face à cela, les mouvements s'amplifient, dévoilant de plus en plus nettement les enjeux de société chaque fois sous-jacents, rejetant massivement la logique libérale et les rapports de domination, portant haut l'exigence d'un autre monde. La mobilisation du printemps 2003 est étonnante par sa durée, nouvelle par sa jeunesse, riche de ses rencontres entre secteurs de la population qui habituellement s'ignorent. Le gouvernement est passé en force, mais n'est pas tiré d'affaire : la contestation reste soutenue par l'opinion publique et a permis une réappropriation large du débat politique. Pourtant, le mouvement social profond, qui ainsi se construit et s'affirme, vient régulièrement buter sur la détermination des pouvoirs en place, gouvernement et Medef associés. Il a besoin d'un prolongement politique.

La politique menée de 1997 à 2002 à l'initiative du Parti socialiste a été sévèrement rejetée, notamment parmi celles et ceux dont la situation sociale est insupportable. Il faut tirer un bilan lucide du 21 avril 2002 et des échecs de l'alternance depuis 20 ans. Face à la droite, nous affirmons notre refus complet de la pente du social-libéralisme et du bipartisme. Le rassemblement à gauche n'est possible que s'il propose un contenu social et politique rompant clairement avec le libéralisme. Il ne peut se réduire à des accords tactiques de sommet et doit être clairement enraciné dans la participation des citoyennes et citoyens à la définition de tout projet. L'accompagnement de la mondialisation capitaliste qui a dominé la politique du gouvernement de la gauche plurielle est une impasse. La gauche social-libérale, convaincue que le capitalisme est indépassable, est de ce fait même incapable de répondre aux aspirations populaires et aux enjeux de société. Ceux qui ont voulu les privatisations, les réductions d'impôt, la baisse des charges des entreprises, l'Europe telle qu'elle va, incarnent un courant politique dont la cohérence s'est affirmée à la tête de la social-démocratie européenne. Si nous ne faisons rien, c'est l'extrême droite qui, un jour, risque de troubler le jeu tranquille de l'alternance.

Pour que l'espoir revienne à gauche, il faut ouvrir une alternative politique qui rompe avec la politique classique : élisez-moi et vous verrez ce que je fais. La rupture doit porter sur le fond et sur la méthode. L'alternative à gauche, ce sont d'abord des propositions qui montrent que les politiques libérales ne sont pas les seules possibles ; c'est, au bout du compte, un projet social à dessiner collectivement. Cela ne peut se faire ni dans la soumission des organisations du mouvement social aux partis ni dans leur mutuelle ignorance. Un travail politique commun est nécessaire, pour lequel les uns et les autres sont également légitimes et que chacun prolonge dans son rôle propre. Les uns et les autres (syndicats, partis, associations, etc.) sont indispensables à la définition du projet comme à sa mise en oeuvre. L'alternative, c'est aussi une autre façon de faire, car la crise de la représentation politique est patente. Si l'on ne remet pas radicalement en cause l'éloignement de l'immense majorité de la population des processus d'élaboration, de décision et de contrôle, si les formations politiques ne changent pas de posture et de fonctionnement à cet égard, les propositions alternatives auront du mal à voir le jour ou resteront lettre morte. Face aux logiques institutionnelles, il est temps de favoriser de nouvelles pratiques démocratiques pour aider les habitants de notre pays à intervenir toujours plus, à s'organiser, à être les acteurs de leur vie. Rompre les isolements, soutenir les luttes, les faire entendre y compris dans l'arène institutionnelle qu'il faut profondément transformer: voilà l'objectif.

Pour construire cette alternative, nous décidons d'oeuvrer à la convergence de toutes celles et de tous ceux qui refusent de se résigner au capitalisme. Il ne s'agit pas de créer un nouveau parti, mais un cadre de débat et d'initiatives communes. Ni plus, ni moins. D'ores et déjà, les sensibilités que nous réunissons se côtoient régulièrement dans les mobilisations. Nous avons eu l'occasion de défendre des positions voisines pour les droits des femmes, les libertés, contre les discriminations et pour l'égalité des droits des migrants et des étrangers, pour les services publics, les 35 heures sans les concessions au Medef, les retraites, la défense et l'amélioration du droit du travail, l'augmentation des minima sociaux et des salaires, de nouveaux rapports NordSud, la défense du climat, des ressources en eau potable et de la biodiversité, contre le pillage des ressources naturelles, contre la guerre en Irak... Ce n'est pas mince. Ce n'est pas tout. Nous avons des différences et des divergences sur beaucoup de sujets importants que nous ne dissimulerons pas. Elles seront, au contraire, matière à débat public. Mais nous avons la conviction qu'elles n'empêchent pas que nous réfléchissions et agissions ensemble. C'est pourquoi nous décidons de nous coordonner, dans le respect des identités de chacun, pour le débat et pour l'action. Cette coordination permanente et souple n'a pas pour objet de se substituer aux organisations politiques existantes qui se réclament de la gauche anti-libérale. Mais il est nécessaire de constituer un lieu commun de confrontations et d'initiatives politiques. Nous y discuterons de ce qui fâche, mais nous consacrerons plus d'énergie encore à approfondir ce qui nous rapproche. Nous ferons connaître, chaque fois que possible, des prises de positions communes. Nous mènerons ensemble dès campagnes politiques. Nous discuterons de la manière d'inscrire cette démarche dans les élections de 2004. Nous chercherons toutes les occasions de rassembler des millions de personnes autour de « l'alternative à gauche ». Dans l'esprit de ce qui nous rassemble, nous organiserons des rencontres publiques dès la rentrée prochaine.

  Appel signé entre autres par de nombreux militants des Alternatifs

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