APPEL POUR UNE ALTERNATIVE A GAUCHE
Nous sommes des militantes et militants politiques, associatifs ou
syndicaux, des élu-e-s locaux, nationaux et européens. Nous décidons de
créer une coordination permanente pour une alternative politique à gauche,
résolument antilibérale. Nous appelons à ce que de telles coordinations se
démultiplient localement.
La planète est menacée par la mondialisation capitaliste qui plonge des
pays dans le chaos, menace l'existence de milliards d'individus et
l'équilibre écologique. Ici, nous affrontons une offensive brutale contre
les retraites, les services publics et, demain, l'assurance maladie.
L'attaque se poursuit contre les chômeurs et les précaires. Tous les
salariés - et en premier lieu les femmes - sont victimes de la concurrence
généralisée et de la course au profit. Les petits agriculteurs
disparaissent sous les coups d'une politique productiviste et exportatrice
à tout prix, également ruineuse pour les paysans du Sud. Dans la phase
actuelle du capitalisme, le vivant, la culture, l'éducation et toutes les
activités humaines ont vocation à être transformées en marchandises. Dans
le même temps, les discriminations fondées sur l'origine, le genre ou la
sexualité sont renforcées par le retour de l'ordre moral et la dérive
sécuritaire. Profit, contrôle social, guerre : nous refusons cet avenir.
Face à cela, les mouvements s'amplifient, dévoilant de plus en plus
nettement les enjeux de société chaque fois sous-jacents, rejetant
massivement la logique libérale et les rapports de domination, portant haut
l'exigence d'un autre monde. La mobilisation du printemps 2003 est
étonnante par sa durée, nouvelle par sa jeunesse, riche de ses rencontres
entre secteurs de la population qui habituellement s'ignorent. Le
gouvernement est passé en force, mais n'est pas tiré d'affaire : la
contestation reste soutenue par l'opinion publique et a permis une
réappropriation large du débat politique. Pourtant, le mouvement social
profond, qui ainsi se construit et s'affirme, vient régulièrement buter sur
la détermination des pouvoirs en place, gouvernement et Medef associés. Il
a besoin d'un prolongement politique.
La politique menée de 1997 à 2002 à l'initiative du Parti socialiste a été
sévèrement rejetée, notamment parmi celles et ceux dont la situation
sociale est insupportable. Il faut tirer un bilan lucide du 21 avril 2002
et des échecs de l'alternance depuis 20 ans. Face à la droite, nous
affirmons notre refus complet de la pente du social-libéralisme et du
bipartisme. Le rassemblement à gauche n'est possible que s'il propose un
contenu social et politique rompant clairement avec le libéralisme. Il ne
peut se réduire à des accords tactiques de sommet et doit être clairement
enraciné dans la participation des citoyennes et citoyens à la définition
de tout projet. L'accompagnement de la mondialisation capitaliste qui a
dominé la politique du gouvernement de la gauche plurielle est une impasse.
La gauche social-libérale, convaincue que le capitalisme est indépassable,
est de ce fait même incapable de répondre aux aspirations populaires et aux
enjeux de société. Ceux qui ont voulu les privatisations, les réductions
d'impôt, la baisse des charges des entreprises, l'Europe telle qu'elle va,
incarnent un courant politique dont la cohérence s'est affirmée à la tête
de la social-démocratie européenne. Si nous ne faisons rien, c'est
l'extrême droite qui, un jour, risque de troubler le jeu tranquille de
l'alternance.
Pour que l'espoir revienne à gauche, il faut ouvrir une alternative
politique qui rompe avec la politique classique : élisez-moi et vous verrez
ce que je fais. La rupture doit porter sur le fond et sur la méthode.
L'alternative à gauche, ce sont d'abord des propositions qui montrent que
les politiques libérales ne sont pas les seules possibles ; c'est, au bout
du compte, un projet social à dessiner collectivement. Cela ne peut se
faire ni dans la soumission des organisations du mouvement social aux
partis ni dans leur mutuelle ignorance. Un travail politique commun est
nécessaire, pour lequel les uns et les autres sont également légitimes et
que chacun prolonge dans son rôle propre. Les uns et les autres (syndicats,
partis, associations, etc.) sont indispensables à la définition du projet
comme à sa mise en oeuvre. L'alternative, c'est aussi une autre façon de
faire, car la crise de la représentation politique est patente. Si l'on ne
remet pas radicalement en cause l'éloignement de l'immense majorité de la
population des processus d'élaboration, de décision et de contrôle, si les
formations politiques ne changent pas de posture et de fonctionnement à cet
égard, les propositions alternatives auront du mal à voir le jour ou
resteront lettre morte. Face aux logiques institutionnelles, il est temps
de favoriser de nouvelles pratiques démocratiques pour aider les habitants
de notre pays à intervenir toujours plus, à s'organiser, à être les acteurs
de leur vie. Rompre les isolements, soutenir les luttes, les faire entendre
y compris dans l'arène institutionnelle qu'il faut profondément
transformer: voilà l'objectif.
Pour construire cette alternative, nous décidons d'oeuvrer à la convergence
de toutes celles et de tous ceux qui refusent de se résigner au
capitalisme. Il ne s'agit pas de créer un nouveau parti, mais un cadre de
débat et d'initiatives communes. Ni plus, ni moins. D'ores et déjà, les
sensibilités que nous réunissons se côtoient régulièrement dans les
mobilisations. Nous avons eu l'occasion de défendre des positions voisines
pour les droits des femmes, les libertés, contre les discriminations et
pour l'égalité des droits des migrants et des étrangers, pour les services
publics, les 35 heures sans les concessions au Medef, les retraites, la
défense et l'amélioration du droit du travail, l'augmentation des minima
sociaux et des salaires, de nouveaux rapports NordSud, la défense du
climat, des ressources en eau potable et de la biodiversité, contre le
pillage des ressources naturelles, contre la guerre en Irak... Ce n'est pas
mince. Ce n'est pas tout. Nous avons des différences et des divergences sur
beaucoup de sujets importants que nous ne dissimulerons pas. Elles seront,
au contraire, matière à débat public. Mais nous avons la conviction
qu'elles n'empêchent pas que nous réfléchissions et agissions ensemble.
C'est pourquoi nous décidons de nous coordonner, dans le respect des
identités de chacun, pour le débat et pour l'action. Cette coordination
permanente et souple n'a pas pour objet de se substituer aux organisations
politiques existantes qui se réclament de la gauche anti-libérale. Mais il
est nécessaire de constituer un lieu commun de confrontations et
d'initiatives politiques. Nous y discuterons de ce qui fâche, mais nous
consacrerons plus d'énergie encore à approfondir ce qui nous rapproche.
Nous ferons connaître, chaque fois que possible, des prises de positions
communes. Nous mènerons ensemble dès campagnes politiques. Nous discuterons
de la manière d'inscrire cette démarche dans les élections de 2004. Nous
chercherons toutes les occasions de rassembler des millions de personnes
autour de « l'alternative à gauche ». Dans l'esprit de ce qui nous
rassemble, nous organiserons des rencontres publiques dès la rentrée prochaine.
Appel signé entre autres par de nombreux militants des Alternatifs
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