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Carnet de bord 27 Janvier

EN DIRECT DU FORUM SOCIAL DE NAIROBI



Jour-1 - 7ème FSM

Demain commence le 7ème Forum Social Mondial. Après une édition asiatique, 4 sud-américaines et une édition polycentrique (Mali, Venezuela et Pakistan), le forum se tient pour la première fois dans le sud de l'Afrique à Nairobi, la capitale du Kenya.

La ville a mauvaise réputation. Lonely Planet, le Gault et Millau du tourisme de masse, lui a même décerné le prix de la ville la plus dangereuse d'Afrique. En général, les étrangers, quand ils ne sont pas réfugiés de Somalie, d'Ouganda ou du Rwanda, ne viennent ici que le temps d'un transit avant d'aller taquiner le lion en safari ou bronzer sur la côte.

Grillages et barreaux à tous les étages, barbelés protégeant les squares, policiers en nombre, bâtons en bois à la main, vigiles partout. Au premier abord, la ville pourrait effectivement se résumer à un portrait de paranoïa sécuritaire. Mais ce n'est qu'une partie de la réalité de Nairobi.

En banlieue, les quartiers riches, fermés à la circulation des non-résidents, ressemblent à leurs homologues brésilens ou vénézuelliens : de jolies villas, de grands espaces, du barbelé, de belles plantes exotiques, des barbelés, des gardiens, de petites rues paisibles ... et des barbelés.

Le centre ville est bien plus populaire et vivant. Une foule permanente marche du matin au soir, énormément de costumes trois pièces et de tailleurs traversent la ville, pas ou si peu de boubous. Elle paraît dynamique sans non plus sembler exploser en tout sens comme certaines capitales du sud en plein développement. Elle ne parait d'ailleurs pas si pauvre, cette ville, si l'on n'attarde pas son regard sur les petits groupes d'enfants, le nombre d'estropiés et de malades. La nuit, il n'y a plus qu'eux dehors et les guides concluent : "prenez le taxi, on ne se promène pas de nuit à Nairobi".

C'est ici que se prépare le forum. Pour l'instant, c'est bien discrètement : quelques papiers dans la presse nationale, quelques professionnels du tourisme au fait de cette manne financière (le prix des hôtels vient de doubler en 24 heures !), mais pas d'affiches ou banderolles omniprésentes (comme à Caracas ou Porto Alegre), pas de graffitis comme à Mumbai. Doucement, l'information circule. Dans la rue, on nous salue "welcome, World Social Forum guys !". Un sourire, un geste. Quelque chose de touchant.

Ce matin la marche d'ouverture du forum amènera de la lointaine banlieue au centre les 80000 inscrits du forum, et sans doute d'autres manifestants kenyans, au nom de la paix (10 kilomètres de manif, tout de même !). Quant au forum, il faut attendre encore pour en connaître la teneur. Mais la proximité avec la Somalie et la situation sanitaire du pays sont telles que les questions de la guerre, de la religion et du sida seront assurément très présentes cette année.



Jour-2 - MANIFESTATION

Il y a comme une tradition propre aux forums sociaux mondiaux: commencer par un cafouillage, un raté, du retard. Ainsi, à chaque forum depuis le premier à Porto Alegre, le programme a été disponible de plus en plus tard. A Bombay et à Caracas, se furent des réunions déplacées ou annulées au dernier moment à Bamako.

Pour ce forum Kenyan, c'est la manifestation d'ouverture qui fait les frais des problèmes d'organisation. Organisés ce matin à 10Km du centre ville, annoncée nulle part, avec un programme pas encore imprimé, la manifestation d'ouverture a accumulé les handicaps. Nous étions donc peu nombreux à ce rassemblement à la lisière d'un quartier très populaire de la banlieue de Nairobi, ou du moins, moins nombreux que le nombre d'inscrits aux forums pouvaient nous le laisser espérer. Une bonne partie des militants altermondialistes étrangers étant encore dispersés en ville à la recherche d'infos. Malgré cette dimension exceptionnelle, cette mobilisation a concerné quelques éléments constants des ouvertures. il fut jeune, dynamique et populaire avec un très fort ancrage local. En rapport avec l'actualité de cette région, la guerre du Darfour et en Somalie, le thèmes était la paix. il y avait donc beaucoup de drapeau "pace".

Néanmoins, les forces les plus présentes furent des groupes confessionnels Kenyan, venus en groupe de quartiers populaires de Nairobi ou en bus de province, des groupes structurés autour d'une paroisse, d'une association cultuelle ou d'une des multiples sectes chrétiennes qui se développent au Kenya, ils reprenaient les slogans altermondialistes mâtinés de références bibliques. Cette présence était d'autant plus frappante que les syndicats et les partis Kenyans n'avaient simplement pas de cortèges! Doit-on comprendre que les seules structures collectivisées impliquées dans le forum sont confessionnelles? Sans doute pas! Mais leur présence, sans commune mesure avec les autres forums dans cette manifestation et dans le programme, est en tout cas notable. Les autres cortèges Kenyans étaient surtout environementalistes ou de défense des plus pauvres (associations des Sans, de bidonvilles...) et de lutte contre le SIDA. Si des délégués d'autres pays africains étaient bien présents, seuls les sarahouis et une association de Soweto (Afrique du sud) avaient de véritables cortèges avec dromadaires sous les sarahouis s'il vous plaît! (Les mêmes qu'à Bamako?)

Côté asiatique, outre quelques drapeaux syndicaux coréens, une délégation indienne était assez importante (en particulier les Dalits, caste regroupant les indiens les plus pauvres). Si les Brésiliens étaient très présents (ils ont 500 délégués inscrits au forum), les autres sud américains étaient bien discrets (en particulier nous n'avons vu ni Boliviens ni vénézuéliens). Ajoutons pour l'Amérique du Nord, des québécois venus aussi en nombre. Quant aux européens, si l'on reconnaissait deci-delà un drapeau de Rifondazione, quelques T-Shirt militants suédois ou de militants Allemands, Anglais ou Espagnols en petit nombre, seules les sectes trotskystes anglaises, venues en nombre ont pu former un cortège. Côté Français, ajoutons quelques drapeaux de la CGT, 4 drapeaux des Alternatifs et deux militants verts.

Arrivés en centre ville, nous avons retrouvés beaucoup d'autres militants altermondialistes venus compléter leurs inscriptions. A en croire Edward Oyugi, président du comité d'organisation il y avait hier d'inscrits 50 000 Kenyans et 20 000 ressortissants des pays de l'Afrique de l'Est (Tanzanie, Ouganda) et 10 000 participants du reste de l'Afrique. Ajoutons 2 000 européens et le même nombre de Sud américains. Voilà les gros contingents de ce forum.

Oyugi est surtout inquiet des problèmes de trésorerie. Après avoir réduit de moitié le budget du forum pour rentrer dans le budget correspondant aux aides promises, les organisations n'ont finalement reçu que la moitié de ce nouveau budget. Une compagnie privée de téléphonie mobile, embarqué dans l'aventure au titre de "mécène" a quant à elle, "oublié" ses engagements à décorer la ville de banderoles aux couleurs du forum.

Voilà donc une ouverture de forum des plus ordinaires avec des organisateurs dépassés sur l'ampleur de la tâche et une manif d'ouverture vivante, dynamique et populaire. Il y avait aussi quelque chose de poignant pour nous à voir ces manifestants kenyans courir un petits trôts en chantant des chansons de lutte des Sud Africains.

Tout comme le "El pueblo unido" des manifestations lors des forums sud américains, ou les références à Gandhi des participants du FSM indien, nous manifestions au son d'un des éléments constitutifs d'un imaginaire mondial des luttes...
Enfin, sur 10 Km au pas de course, tout de même!



Jour-3 - ENFIN LE FORUM

Après les cafouillages que nous décrivions hier, la machine du Forum s'est mise en branle. Des participants nombreux et d'origines variées, des premiers débats de qualité, à la fois de nouveaux thèmes et la continuité des débats entamés les années précédentes. Le Forum est organisé autour du stade avec toute une série de chapiteaux à l'extérieur pour accueillir stands et débats, et, à l'intérieur un ingénieux système de découpage des tribunes, permettant de multiplier les espaces de débat.

Seul point noir évident, et quel point noir, la faible participation des Kenyans : en dehors des réunions organisées par les associations confessionnelles, ils sont quasiment absents des autres ateliers.

En creusant un peu, on constate que les syndicats et partis kenyans n'ont pas réussi à (voulu ?) mobiliser leurs militants. Une autre raison saute aux yeux, celle-là ; les prix ! Le prix de l'inscription, les coûts des transports jusqu'à ce stade excentré à 10 Km et les tarifs pratiqués pour l'alimentation et la boisson ; pour une petite bouteille d'eau par exemple, l'équivalent d'1 euro !

C'est ce qui a poussé le Kengo (Kenya Network of grassroots organizations, Réseau kenyan des organisations de base) a organiser, en plein centre ville, sa propre réunion, le "Bunge la Mawananhi" (Parlement du peuple) durant toute la période du Forum. Nous nous y sommes rendu en fin d'après-midi. La proportion entre Kenyans et étrangers s'est tout à coup inversée, les Alternatifs étant les seuls européens présents. Des échanges humainement et politiquement forts : une grande colère de ne pas pouvoir participer à un Forum dont ils attendaient beaucoup et en même temps, une grande attente de ce qui s'y passait et de savoir ce que nous en pensions. Les participants du parlement du peuple ont dénoncé une confiscation du Forum par les élites kenyanes. Pour eux, ces "docteurs" ou "spécialistes" qui animent des ONG ne représentent pas une société civile ou des mouvements politiques opposés au pouvoir institutionnel, ce sont les mêmes qui siègent au parlement et profitent du Forum pour faire leur campagne électorale. Nous avons rencontré là un autre visage de Nairobi, pauvre, politisé en colère et curieux. Nous y retournons bien sur demain.

Un petit d'oubli d'hier concernant la manifestation : un dialogue déstabilisant avec des scouts, réfugiés au Kenya et orphelins de génocidaires rwandais. Ils regrettaient l'attitude hostile du gouvernement rwandais actuel vis-à-vis de la France, douloureux rappel du rôle de la France lors du génocide.



Jour-4 - FSM

Comme nous vous le disions dans la 3ème lettre, il y avait des tensions quant à l'accès au forum pour les kenyans. Une manifestation de protestation a eut lieu devant la tente restaurant où se retrouvent journalistes et "pipole", en face de l'entrée principale et à proximité de la salle de presse.

Partis ensuite en manif autour du stade , il y a eut quelques incidents et 4 arrestations. Hier donc nous sommes allés devant le poste de police ... ils ont été libéré sous la pression, mais ils ont gagné bien plus que cela : depuis hier matin le forum est ouvert à tous ...

Ce qui fait aussi le bonheur des petits marchands ambulants. A propos de marchands, deci-delà, quelques bondieuseries sont proposées aux participants du Forum. Il faut dire que les associations confessionnelles catholiques, certes très investies socialement dans les bidonvilles et dans l'assistanat en général, sont très présentes. Une messe a même été célébrée hier après-midi dans une des grandes tentes autour du stade !

La qualité des débats évoquée hier se confirme et, plus encore, par la concrétisation tangible de réseaux internationaux. Les tribunes des ateliers sont visiblement réellement internationales, montrant que des rendez-vous ont été pris par delà les continents.

Du point de vue du contenu, il semble qu'une sorte de consensus ait été atteint sur la centralité de la lutte contre le "néo-libéralisme". Celà se traduit par une demande croissante d'actions coordonnées au niveau international. Une autre demande, venant des femmes d'Afrique par exemple, est que les femmes occidentales, maintenant qu'elles connaissent la réalité des pays les plus pauvres, agissent pour influencer les politiques de leurs gouvernements, ce qui leur parait plus efficace que de venir soutenir des actions dans leur pays. Cette demande se retrouve aussi au niveau de l'annulation de la dette, ou sur les luttes syndicales.



Jour-5 - LA VEILLE DE LA FERMETURE DU FORUM

"Peut-être n'était-ce pas le bon pays pour faire un forum international". C'est l'interrogation que Christophe Aguiton, membre du Comité international des forums mondiaux, nous avait fait partagé au matin du 2ème jour des débats. Il n'était pas le seul à s'interroger tant le forum, malgré la qualité du programme et le nombre d'intervenants étrangers, semblait loin du chaudron de la révolution bolivarienne, des mobilisations de masse indiennes ou de la dynamique brésilienne. Le forum avait bien commencé. Mais y manquait la population de Nairobi et les forces progressistes.

Quelque chose de pourri au royaume des MauMau

Il faut d'abord chercher les raisons de cette faible participation dans l'absence des mouvements politiques et syndicaux kenyans, sans doute imputable à la situation politique du pays. Pendant de longues années, le pays a payé le prix fort de la confrontation est-ouest. Moi, le président autoritaire du pays, qui n'a du son exceptionnelle longévité qu'à l'appui sans faille des USA et de la Grande Bretagne, a su empêcher l'émergence de tous les mouvements d'opposition. A sa chute, fruit du désinvestissement américain après l'effondrement soviétique, le Kenya s'est retrouvé avec un paysage politique dévasté : des syndicats corporatistes et corrompus, une opposition progressiste laminée et étêtée, et surtout une redéfinition du paysage politique et syndicale hors des classiques clivages historiques.

Deux décénnies plus tard, le syndicalisme tarde à se réformer et les différenciations politiques tiennent plus, au mieux, d'opposition corruption / anti-corruption ou népotisme / pluralisme, que de la confrontation de projets politiques. Bref, la gauche kenyanne tarde à apparaître. A l'approche de la date d'ouverture du forum, la plupart des hommes politiques kenyans étaient plus soucieux du début de la campagne législative que de l'altermondialisme. Quant aux syndicats, il ont en majorité tout simplement ignoré l'événement. Ne restait donc, parmi les forces significatives impliquées dans la préparation du forum, que de nombreuses ONG et les multiples églises du pays. Or, si certains groupes confessionnels, tels les courants issus de la théologie de la libération, font depuis le début partie du paysage altermondialiste, d'autres réseaux ou organisations, telles les Franciscains, les églises méthodistes, les réseaux luthériens africains, n'ont pas démontré de réelle proximité avec la charte du FSM. Leur statuts, légitime au demeurant, "d'organisation de base" n'aurait en aucun cas du leur permettre de prendre part au forum. La confusion était telle qu'un groupe anti-avortement (et même anti-contraception) a pu obtenir un stand, à la grande colère des participants étrangers. L'appel final de l'assemblée des mouvements sociaux à condamné d'ailleurs cette présence.

Mais, bien plus que la faible présence organisée kenyanne, c'est le nombre réduit des participants kenyans qui frappait aux premiers jours du forum. Alors que traditionnellement, ce sont les locaux qui font le gros des participants, ils étaient ici largement minoritaires. Le prix d'entrée du forum y était pour beaucoup, mais surtout, les transports hors de prix pour atteindre le lieu du forum, ainsi que les prix pratiqués pour se restaurer sur place, interdisaient l'accès au FSM aux classes les plus populaires de Nairobi. Après avoir organisé un forum "parallèle" dans un parc du centre ville - forum auquel les altermondialistes occidentaux on été trop peu nombreux à participer, les mouvements de base de Nairobi ont tenté d'imposer la gratuité d'accès du forum pour les Kenyans. C'est avec l'aide des participants étrangers (en particulier de militants italiens ayant pratiqué une "réappropriation citoyenne" de 2000 cartes d'accès au Forum) que les kenyans ont pu faire sauter le verrou social des grilles d'entrée, sauvant ainsi l'âme même de l'événement. Alors - et alors seulement - le forum commença à exister au Kenya.

Un forum mondial planétaire

Si la présence des kenyans a pu être problèmatique, celle des organisations africaines était indiscutable. Du Magrebh à l'Afrique du Sud, des délégations de tous les continents avaient répondu présentes.

Après les africains, ce sont les européens (et en particulier les français) dont la présence s'est avérée conséquente. De fortes délégations sud-américaines étaient aussi venues comme à chaque forum ; les brésiliens et les canadiens francophones étaient présents en nombre. Les pays organisateurs des précédents forum avaient aussi envoyé de fortes délégations du Mali, du Vénézuella et de l'Inde. Des délégations Sri Lankaises, Bangladeshies et Pakistanaises complétaient la délégation du sous-continent indien. Des sud-coréens, des vietnamiens et des chinois composant aussi la délégation asiatique. La présence, elle aussi en nombre, des mouvements civiques état-uniens est aussi à souligner (en particulier les réseaux construits après le désastre de l'ouragan Katrina et l'incapacité du gouvernement US à répondre à l'urgence sanitaire). Ajoutons des délégués du monde arabe, du Liban et de Palestine. Seuls, et comme à chaque forum, les pays d'Europe de l'est et de l'ex-URSS brillaient par leur absence.

Verbatim

De part son nombre et sa diversité, le forum couvrait l'ensemble des questions abordées par l'altermondialisme. S'il est impossible de synthétiser des centaines de réunions, on peut se risquer à pointer quelques tendances.

Le SIDA et la dette

Comme celà était prévisible en Afrique, des thématiques ont sinon émergé, au moins se sont imposées à tous, telles que l'annulation de la dette, le SIDA et la question du néo-colonialisme (à noter que cette question semble être bien plus portée par les pays de l'ère d'influence de la France que des ères d'influence des autres pays occidentaux).

La question des droits des minorités sexuelles, si elle n'était pas nouvelle au forum, semblait être une révolution dans un pays qui jusqu'à présent refusait d'imaginer que des africains puissent être homosexuels.

Le climat et la guerre

D'autres thématiques continuent à s'imposer de forum en forum :
- les questions agricoles (rapport nord / sud, accès à la terre, souveraineté alimentaire ...)
- l'environnement (le changement climatique, les OGM, l'eau ...)
- L'impérialisme (en particulier US) et la guerre
- les accords économiques internationaux
- le féminisme (autonomisation et émancipation)


Mais pas l'autogestion ...

Si les questions démocratiques ont été largement abordées, ce fut avant tout pour parler des droits élémentaires ... La question d'une démocratie renforcée ou de l'autogestion n'était abordée que par les européens et les sud-américains.

Réalité africaine oblige, la répression des mouvements sociaux a été moins abordée que la question plus générale de l'accès aux droits de l'homme et la question syndicale et du droit du travail souvent réduite au problème du travail informel.

La question de la critique des média, a elle aussi été ramenée à la seule question de l'existence de média alternatifs. Enfin, si les voisins somaliens, ougandais, tanzaniens ou du Zimbabwe étaient présents en masse, nous n'avons pas vu une seule réunion concernant le génocide rwandais.

Tout cela fit un forum riche et, finalement, une réussite politique. Difficile de savoir ce qu'en tireront les kenyans. Reste que ce FSM aura encore renforcé la construction d'un espace mondial de contestation de l'ordre néo-libéral planétaire.



Jour-6 - PETIT A PETIT, L'ALTERMONDIALISME GRANDIT

En 2001, lors de la cérémonie d'ouverture du premier forum, Olivio Dutra, alors gouverneur de l'état du Rio Grande do Sul, avait prévenu : nous nous sommes engagés dans un processus de délégitimisation de l'idéologie libérale et la construction d'un projet alternatif crédible. Il s'agit d'un long processus. Il nous faudra dix ou vingt ans pour aboutir". 7 ans après, le forum n'a pas à rougir de ses avancés :

. Le processus du forum est maintenant rodé, et malgré toutes les limites inhérentes à un système aussi compliqué, tous les forums ont bien eu lieu, rencontrant à chaque fois une participation populaire large et une grande mobilisation internationale. C'est d'autant plus remarquable que la nature même du processus (structure très horizontale, tournante, avec une forte autonomie des organisateurs de chaque forum) est en soit un véritable défi.

. Le premier objectif du forum, la remise en cause de la fatalité libérale, est atteint : l'idée qu'un "autre monde est possible" est maintenant très largement partagée par les participants des forums et même plus largement.

. La transformation de l'anti-mondialisation en altermondialisme est aussi un acquis inestimable.

. Ajoutons l'élargissement politique et géographique (Amérique Latine, Europe, Asie, Afrique anglophone et francophone) et thématique (forum des élus, de l'éducation, des acteurs locaux, de la justice ...)

. Enfin, plus difficilement mesurable, la constitution d'un réseau a permis la popularisation et l'élargissement de plusieurs sujets tels que la question de l'eau comme bien commun, du climat, de la démocratie active, de l'anti-impérialisme post-11 septembre ...

Auto-organisation et horizontalité contre réflexes léninistes.

Depuis le premier forum, une tentation de donner un débouché rapide aux FSM en ne gardant que 3 ou 4 points qui font (feraient) consensus et en sacrifiant la diversité et la dimension profondément pluraliste des forums menaçait le devenir même des rencontres : la montagne accouchant d'une souris. Après l'échec de la captation des forums autour des "24 points de convergences de Porto Alegre", puis de l'initiative "Bandung, 50 ans après" à Bamako, les promoteurs de cette idée semblent avoir abandonné de réduire le forum à quelques points "essentiels".

Enfin, une évolution sensible nous semble à souligner : alors que, lors des premiers forums, une majorité des ONG défendaient des projets humanitaires sectoriels, et des organisations, associations, partis et syndicats portaient un projet plus radical de confrontation au capitalisme, l'équilibre des forces semble s'être durablement inversé au profit du second groupe. Ainsi le travail d'expertise et d'échange de savoir est petit à petit remplacé par la préparation de campagnes communes.C'est en cohérence avec cette évolution mouvementiste (l'assemblée des mouvements sociaux est d'ailleurs devenu le centre du forum) que le rendez-vous 2008 ne rassemblera pas des délégués en un seul lieu, mais permettra à tous les altermondialistes de participer à une semaine d'action mondiale sur toute la planète aux mêmes dates.

En 2009, le forum retrouvera sa forme initiale soit dans le sud de l'Europe (à Barcelone ou en Italie) soit au Brésil (à Bahia) ou en Afrique francophone (Dakar tient la corde dans cette hypothèse).

Il n'est pas surprenant que le forum se projette dans l'avenir sur plusieurs années, tant son avenir semble assuré par la dynamique et la richesse de cette rencontre.

Petit à petit, le mouvement altermondialiste se construit.

La délégation des Alternatifs au FSM de Nairobi, Alain, Mathieu, Nathalie

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