Jacques Chirac a 73 ans,
et Jean-Marie Sarkozy se prépare :
POUR QUEL AVENIR ?
Les mutations économiques et sociales qu’entraîne la mondialisation conduisent à
des transformations politiques et institutionnelles profondes. Le maintien de l’ordre
ou plus précisément l’instauration d’un nouvel ordre national et mondial, devient
la fonction première des Etats. La comparaison avec le fascisme vient facilement
à l’esprit, mais c’est d’autre chose dont il s’agit. Les peuples sont menacés
de nouvelles formes de dominations, de tyrannies, de guerre.
La mondialisation du Capital se traduit, en effet, par de graves régressions
des droits politiques et sociaux.
Cette mondialisation et ses excès
financiers conduisent à une mise en concurrence directe et exacerbée des
travailleurs du monde entier. De ce fait, le système durcit ses modes de
domination. Cette détérioration des rapports sociaux, encadrée et même
très souvent amplifiée, par les institutions, débouche sur une profonde crise
de société. L’organisation sociale, les représentations collectives,
issues du siècle dernier, se défont. La précarisation, la marginalisation
de pans entiers de nos sociétés ont pour conséquence le repli sur
des comportements individualistes, sur des consommations compensatoires
voire ostentatoires.
Les effets de cette précarisation et marginalisation sont renforcés par l’absence
d’une vision claire et crédible des changements radicaux qu’appellent les
mutations actuelles. Dans ces conditions, le délitement des formes
antérieures de sociabilité, des liens sociaux, favorise le retour de l’irrationnel,
la montée des mysticismes, des fondamentalismes, des racismes.
Ces identités de substitution servent ainsi de justification à la mise
en place d’un appareil sophistiqué de surveillance et de répression,
national et mondial, par ailleurs très utile au *maintien de l’ordre*.
Sous cet angle une comparaison entre Bush-Sarkozy est instructive.
Ni l’un, ni l’autre ne tentent de dissimuler que le compromis keynésien
est fini.
Sans état d’âme, ils favorisent la réduction ou en tout cas
la stagnation du niveau de vie du plus grand nombre ; ils mettent à mal
les dispositifs de protection sanitaire et sociale. Dans le même temps
ils multiplient les cadeaux fiscaux pour les possédants et les aides
financières ou politiques aux trusts. Cela ne manque pas de se
traduire par des révoltes ou des incivilités, dès lors on accroît la rigueur
des tribunaux, on ouvre de nouvelles prisons.
Il faut que les nouvelles « classes dangereuses » se tiennent à leur place
dans les ghettos qui leur sont affectés. Il ne suffit pas à la droite
dite libérale de criminaliser la pauvreté, il lui faut aussi la stigmatiser.
Et là il faut reconnaître que la couleur de la peau, le nom ou l’accent
sont des signes bien utiles pour que ce sous-prolétariat soit facilement identifié,
par la police, la justice, le patronat et … les imbéciles.
La manœuvre est parfaite lorsque les circonstances historiques ou politiques
leur permettent de désigner un ennemi d’autant plus inquiétant qu’il
serait omniprésent. Ce fût, en d’autres temps, la criminelle
stigmatisation des juifs ; n’est-ce pas aujourd’hui la tentation
de l’illuminé qui siége à Washington à l’encontre des musulmans,
arabes notamment ? Les milieux populaires, conscients des manipulations
des règles démocratiques, la légitimité des institutions et des
gouvernements est remise en cause. Un consensus relatif peut se
constituer autour du drapeau en opposant le «eux» et le «nous»
Sarkozy se distinguerait-il ici de l’exemple états-unien ?
N’a-t-il pas favorisé, comme bien d’autres ministres de l’intérieur avant lui,
l’organisation et la francisation du culte musulman ? C’est là une vieille
méthode de police ; mieux vaut reconnaître et encadrer certains groupes
hétérodoxes que d’ignorer leurs pratiques. Mais cette politique doit
être replacée dans une tentative plus générale : « réformer»
les lois sur la laïcité, dialoguer avec les églises - voire les instrumentaliser -,
leur donner une fonction accrue de «corps intermédiaire», et ainsi conforter
leur capacité d’encadrement social. Sarkozy ne va pas jusqu’à ouvrir ou clore
ses discours en se référant à un dieu, mais il donne une importance croissante
aux «valeurs» dans lesquelles les couches les plus traditionalistes peuvent se reconnaître.
Ceci s’inscrit dans une politique répressive globale, comme l’illustre
sa réponse aux révoltes des banlieues.
Jean Jacques Boislaroussie
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