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Source : AFP 19 novembre

LES URUGAYENS ONT VOTE CONTRE LA PRIVATISATION DE L'EAU


Le 31 octobre, les Uruguayens ne se sont pas seulement choisi un nouveau président. Ils ont aussi décidé par référendum, avec une majorité proche des deux tiers des voix, d’inscrire dans la Constitution que l’eau appartient au domaine public et qu’elle ne peut donc être privatisée.

La réforme établit également comme principes fondamentaux que les services d’eau potable et d’assainissement sont une prestation exclusive et directe par l'Etat et qu’il est nécessaire de promouvoir une politique de l'eau solidaire, de participation des citoyens et décentralisée. Les bassins hydrographiques devraient être considérés comme des unités de base. Jusqu’à présent, à notre connaissance, seule l’Afrique du Sud avait inscrit dans sa Constitution que l’accès à la nourriture et à l’eau est un droit fondamental [ « Everyone has the right to have access to ­(…) sufficient food and water (…)», art.27,1b ].

Précédent historique

Mais, comme le note l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, «c’est la première fois dans l’histoire du monde qu’un vote populaire s’oppose à la privatisation de l’eau et confirme que l’eau est un droit de tous.» «C’est un précédent historique dans la défense de l'eau» font également savoir la bonne centaine d’associations civiles qui de par le monde soutenaient les promoteurs de cette réforme regroupés dans une Commission nationale de défense de l'eau et de la vie. «Ce référendum n'est pas anodin», écrit Frédéric Dubois sur le site du Centre des Médias Alternatifs du Québec, « [il] entraînera probablement des temps houleux pour les multinationales qui se bousculent au portillon de la gestion de l’eau potable, des eaux usées et souterraines. Dans le secteur de l’eau, cela signifie une probable expropriation (avec compensation) des entreprises privées déjà actives sur le terrain et la réaffirmation juridique de la propriété publique sur la ressource.»

Ras-le-bol national

Pour comprendre ce refus de la privatisation de l’eau, il faut savoir qu’il existe un vaste mécontentement populaire à l'encontre des entreprises concessionnaires qui se voient reprocher des tarifs sept ou dix fois plus élevés qu'auparavant et des services pas toujours satisfaisants. Exemple: en pleine saison touristique 2002, les services sanitaires de l’État, suite à la découverte de bacilles fécaux, avaient recommandé de faire bouillir l'eau fournie par Uragua. À noter aussi que la notion de service public est très ancrée en Uruguay: en 2002, les Uruguayens avaient déjà rejeté une privatisation même partielle de la compagnie de téléphones Antel, puis, en 2003, refusé lors d'un autre référendum une association même minime de la compagnie de raffinage et de distribution de carburants Ancap avec des capitaux étrangers.

Flou juridique?

Flou juridique? Le nouveau parlement devra s’atteler à la rédaction d’une loi d’application. Car le texte de la Constitution laisse la porte ouverte à diverses interprétations quant à la possible abrogation des concessions accordées, en 1992, à Uragua et Aguas de la Costa, filiales de sociétés espagnoles (Bilbao et Barcelone). Aux opposants qui affirmaient que cette réforme servirait par exemple à exproprier les retenues d’eau pour l’élevage du bétail ou à interdire l'exportation de l'eau en bouteilles (contrôlée par géants Nestlé et Danone), l’un des rédacteurs du projet élaboré par la Commission nationale de défense de l'eau et de la vie a rétorqué que c’était là une manière de semer la confusion puisque le texte constitutionnel fait exception des eaux de pluie et des sources naturelles, dans la mesure où elles ne soient pas surexploitées. Pour calmer les esprits énervés par ceux qui estimaient que la récupération de ces concessions devrait se faire sans tarder, le nouveau président Tabaré Vazquez avait, pendant la campagne électorale, déclaré que "la réforme n'aura pas de caractère rétroactif et que les concessions seront respectées si les entreprises remplissent leurs engagements". En cas de retrait des concessions, les sociétés concernées seraient indemnisées, non pour leur manque à gagner, mais seulement pour les investissements non amortis.

B.W.

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