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Livres 21 août

DES LIVRES POUR CONSTRUIRE UNE AUTRE EUROPE


Le référendum sur le traité constitutionnel a suscité un large débat et a rempli les devantures des librairies. Quelques livres sont parus courant mai donc un peu tard pour en faire un compte-rendu mais ils restent encore d'actualité car les débats ne sont pas terminés. Nous aurons besoin de continuer à agir pour une Europe autre que celle que veulent nous concocter les tenants du libéralisme.

Georges Debunne, ancien secrétaire général de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) et ancien président de la Confédération européenne des syndicats (CES) porte un regard sans complaisance sur les orientations de l'Union européenne et sur la Charte européenne des droits fondamentaux (1). Il appelle à la résistance « politique et syndicale de la gauche européenne » contre cette « course à l'abîme dirigée par le capitalisme ». Il décrit son combat de syndicaliste mené depuis 1944 pour construire une autre Europe et pour bâtir un contre-pouvoir syndical au niveau européen. Il sonne l'alarme en appelant la CES a mené une stratégie offensive dès maintenant pour faire aboutir la « Convention collective européenne » pour réaliser le « consensus social » dont l'Europe a besoin. Il considère que « les syndicats d'aujourd'hui ne peuvent pas être une courroie de transmission des seuls intérêts capitalistes » et que la CES ne peut se contenter d'être défensive. Face au péril du modèle social des Etats européens, il refuse de « laisser notre avenir entre les mains de la technocratie européenne » et formule 6 exigences pour sauvegarder les acquis sociaux.

Louis Weber qui participe aux travaux de l'institut de recherches de la FSU s'efforce de répondre aux questions du poids des politiques économiques libérales en Europe si le traité est adopté, les conséquences sur les services publics, sur les droits fondamentaux en Europe, sur l'éducation et la formation, sur la laïcité (2). L'éducation serait au « service de la compétitivité, au prix d'une transformation profonde des missions, des méthodes et de l'organisation des systèmes d'enseignement.» Sur la laïcité, la FSU conteste l'importance « tout à fait extraordinaire » faite aux Églises qui est donné à leur participation et ceci « sans aucune comparaison avec ce qui est offert aux autres composantes de la société civile. » Favorable à une réorientation des politiques de l'Union européenne, la FSU formule des mesures d'urgence et une nouvelle orientation des politiques économiques et sociales.

Le Syndicat national unifié des impôts aborde le thème rébarbatif et impopulaire des impôts (3) qui est essentiel car il s'agit de la répartition des richesses. Face au dumping, aux paradis fiscaux, à l'évasion fiscale, aux délocalisations, le SNUI prône une véritable harmonisation fiscale pour éviter de telles dérives. Pour défendre les services publics et les solidarités, il faut nécessairement défendre leur financement et donc plaider en faveur d'une autre contestation de la politique fiscale. Le SNUI propose la mise en place d'un serpent fiscal européen pour réduire les écarts de fiscalité à l'image du serpent monétaire européen qui limitait les écarts de fluctuation entre monnaies. Il reposerait sur une contribution commune volontaire pour financer les politiques publiques communes et les besoins sociaux, les impôts directs devant être le pivot central des systèmes fiscaux.

Douze économistes aux profils hétérogènes, membres du conseil scientifique d'ATTAC, de partis politiques ou d'associations diverses, se rassemblent pour exprimer leur vision de la construction européenne, leurs désillusions et leur espoir d'une Europe sociale et politique à construire (4).

Les principales politiques européennes se caractérisent par la recherche de la concurrence plutôt que la coopération. Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi et Damien Sauze sont conduit à une certaine désillusion à l'égard de la construction européenne car la situation est éloignée de l'Europe sociale, démocratique et solidaire avec les pays pauvres que l'on nous avait promise. Jean Gadrey considère que le traité s'inscrit dans la continuité du tournant libéral des années 1980 qui ont marqué un tournant décisif en faveur du marché. Pour Christophe Ramaux, le traité nie la notion d'intérêt général pour lui substituer celles de politiques économiques limitant les droits sociaux et faisant des chômeurs les premiers responsables de leur situation. Michel Husson développe la menace du traité sur les services publics qui les soumet à la concurrence. Pour Liêm Hoang-Ngoc, le traité favorise les entreprises privées au détriment des entreprises publiques et des mutuelles et promeut le libre échange sans restrictions. Pour Frédéric Lordon, la construction européenne est bâtie sur la haine de l'Etat, une haine bête, méchante et dangereuse qui ne comporte aucun mécanisme de solidarité entre les Etats. Pour Bruno Théret, la solidarité au sein de l'Europe est souhaitable et nécessaire pour éviter d'aggraver les inégalités au sein des pays et d'alimenter la violence sociale. Jacques Mazier propose d'accroître le budget communautaire, de développer la coordination des politiques économiques nationales et de demander à la BCE de s'occuper de l'emploi. Bruno Amable et Stefano Palombarini veulent infléchir la construction européenne en promouvant un modèle qui défendrait nos spécificités en matière de services publics, de protection sociale et de protection de l'emploi.

1. A quand l'€urope sociale ?, par Georges Debunne ( Editions Syllepse, 2005)

2. Une constitution contre l'Europe ?, par Louis Weber ( Editions Syllepse/ Nouveaux Regards, 2005)

3. Pour un serpent fiscal européen, de la concurrence à l'harmonisation, SNUI ( Editions Syllepse, 2005)

4. Douze économistes contre le projet de Constitution européenne, sous la direction de Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi, Damien Sauze (L'Harmattan, 2005)


René Seibel

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