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Revue de presse Juillet 2008


- 10 juil. Dauphiné Libéré : Fuite d'uranium à Bollène
- 10 juil.Réseau "Sortir du nucléaire" : pourquoi l’Autorité de sûreté nucléaire a-t-elle attendu plusieurs heures avant de donner l’alerte ?
- 17 juil. Le Nouvel Obs : Cherche poubelles nucléaires désespérément
- 4 juil. Le Monde : Les biocarburants coresponsables de la crise alimentaire, selon la Banque mondiale
- 7 juil. Le Monde : L'Union européenne fait marche arrière sur les biocarburants
- 11 juil. Le Monde : Les faucheurs d'OGM détectent du maïs transgénique interdit chez un petit agriculteur
- 24 juil. AJIS : Les nomades du nucléaire
- 30 juil. La Depeche : les arretes anti OGM dans le collimateur de la prefecture de l Aveyron

FUITE D'URANIUM À BOLLÈNE « Une communication incohérente »
(Le Dauphiné Libéré -10/07)



Officiellement, les dernières mesures et analyses des rivières, des plans d'eau et des nappes phréatiques sont rassurantes, mais pas pour la Criirad ni pour le réseau "Sortir du nucléaire" qui portent des accusations graves, tant sur la fuite elle-même que sur l'attitude d'Areva NC soupçonnée de "rétention délibérée d'information".

« Les citoyens bollénois ont été traités comme s'ils étaient peu de chose... »



Du côté des élus des communes directement concernées, tous prévenus entre 13h 15 et 13h 30 mardi, la gestion de l'affaire prend une tournure polémique sur un autre plan, celui de la communication. Manque d'informations, de réactivité et de précision, manque de soutien de la part des services de l'État...

Le maire de Bollène, commune sur laquelle est installée l'usine Socatri, ne dissimule pas sa colère. « Je ne veux pas envenimer la situation, mais je suis très troublée par ce que nous venons de vivre, lâche Marie-Claude Bompard. Je n'ai eu qu'un contact avec le directeur de cabinet du préfet, mardi vers 13h 30 et depuis, malgré nos appels, plus rien. Silence radio ! La mairie a fait ce qu'elle pouvait, mais elle n'a été ni informée valablement, ni épaulée par la préfecture. »

Guère d'éléments précis

Avec les moyens du bord, la commune a averti les populations des secteurs concernés par la distribution de tracts et la mise en service du serveur vocal Antibia, mis au point dans le cadre d'une procédure d'urgence en cas de risque majeur. « Tout le monde, environ 800 personnes, a été averti avant 20 heures et nous avons continué à répondre aux appels jusqu'à 22 heures. »

Hier après-midi, quarante élus et employés communaux ont distribué une lettre d'information à tous les habitants de la cité, « parce que, même avec guère d'éléments précis, il fallait clarifier la situation, préciser par exemple quels quartiers étaient concernés et ceux qui ne l'étaient pas. » Mme Bompard met en cause « l'incohérence totale de la communication préfectorale » qui a abouti, selon elle, à semer la confusion, y compris chez les médias européens, et qui démontre que « les citoyens bollénois ont été traités comme s'ils étaient peu de chose... »

Plus soft, Jean-Pierre Lambertin admet avoir été ému par les délais de réaction de la préfecture. « On aurait dû avoir l'information, au moins l'essentiel, plus tôt. » Le président du syndicat Rhône-Aygues-Ouvèze, Guy Penne, apporte de l'eau au moulin des sceptiques : « Nous avons été mal informés », reconnaît-il en évoquant des informations assez brouillonnes, sinon contradictoires.

Le ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, Jean-Louis Borloo, a-t-il eu vent de ces dysfonctionnements ? En attendant les résultats de l'inspection de l'autorité de sûreté nucléaire qui devrait se rendre sur place aujourd'hui, il se fait menaçant : « Toutes les conclusions devront être tirées, notamment en terme d'éventuelles suites pénales et administratives ».

EN BREF

Quelle heure, au juste ?
L'heure précise à laquelle s'est produite la fuite, à l'intérieur des bâtiments de Socatri, donne lieu à interprétation : alors que les communiqués de la préfecture stipulaient 6h 30 du matin, la "note d'information" de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire indiquait de son côté "le 7 juillet à 23 heures. "

Anticipation
Le maire de Lapalud raconte : « par mesure de précaution, nous avions anticipé en prévenant en début d'après-midi de lundi les cinquante à soixante personnes habitant à l'est de la voie ferrée, au plus près de l'usine, et ayant des forages. Puis nous nous sommes servis du listing des inondations pour alerter toutes celles du village susceptibles d'utiliser l'eau d'un puits. Environ 300 personnes ont été contactées par téléphone ou directement par la police municipale. Et cela s'est relativement bien passé. »

Le parapluie ouvert
Maurice Sabatier, maire de Lamotte-du-Rhône observe que « la préfecture a ouvert le parapluie. » L'employé municipal, rôdé à la manoeuvre avec les inondations, est passé dans les 165 foyers du village pour prévenir les habitants. Cette situation conforte M. Sabatier dans sa volonté de ne jamais relier le lac de Lamotte (qui devrait accueillir dans l'avenir une base de ski nautique) à la mayre Boucharde, affluent de la Gaffière, ainsi que certains le souhaiteraient.

Rencontre avec la CRIIRAD
Après ce qu'il considère comme un avertissement sans frais », André-Yves Beck, adjoint au maire de Bollène, souhaite rencontrer dès que possible la CRIIRAD afin d'avoir le maximum de renseignements. « Car on peut être pris de doutes... »

Colère des anti-nucléaires
Le collectif anti-nucléaire 84 tire la sonnette d'alarme après l'incident d'hier, sur le site nucléaire de Tricastin. « Avec le temps qu'a mis la préfecture à réagir et le communiqué mensonger qu'ils ont envoyé, on se croirait revenu à l'époque de Tchernobyl. On ne sait même pas de quel isotope d'uranium il s'agit » dénonce un membre du réseau Sortir du nucléaire. « Marie-José Roig ne veut pas qu'on fasse de vagues sur le Rhône » explique Victor Alzina, membre du collectif anti-nucléaire 84. Jusqu'à aujourd'hui, leurs requêtes sont restés lettre morte.


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Fuite d'uranium au Tricastin : pourquoi l’Autorité de sûreté nucléaire a-t-elle attendu plusieurs heures avant de donner l’alerte ?

(Réseau "sortir du nucléaire")



- Areva a tardé à avertir l’ASN, mais celle-ci a ensuite perdu plusieurs heures précieuses

- L’ASN aurait-elle attendu dans l’espoir que l’affaire puisse être étouffée ?

Dans ses déclarations, l’ASN met en cause, à juste titre, l’entreprise Socatri-AREVA : cette dernière a attendu de longues heures entre lundi soir et mardi matin avant d’avertir l’ASN, pensant peut-être pouvoir cacher l’existence même de la fuite d’uranium.

Mais l’ASN est elle aussi coupable de rétention d’informations pendant plusieurs heures.

Ainsi, le directeur général de l'ASN, Jean-Christophe Niel, reconnaît que "l'ASN a été prévenue vers 07H30 le matin" mais il ajoute que "l'exploitant a pris la mesure de l'importance du rejet vers midi" (cf dépêches agences de presse), comme si la mission de l'ASN n'était pas de prendre elle-même conscience des risques et de prendre immédiatement les décisions qui s’imposent. Ce n’est donc qu’en début d’après midi que l’alerte a été donnée.

L’ASN a donc délibérément choisi de ne pas informer les autorités (préfectures, etc), perdant ainsi 5 heures d’autant plus précieuses que c’est en tout début de matinée, au moment les radios sont très écoutées, qu’il était possible d’avertir efficacement les citoyens afin qu’ils ne se baignent pas ou ne boivent pas dans la journée.

Pourquoi l’ASN a-t-elle perdu ces heures précieuses ? Pourquoi cette mise en danger délibérée de la population ? L’ASN a-t-elle attendu dans l’espoir que l’affaire puisse être étouffée ? L’ASN n’aurait ensuite donnée l'alerte qu’après avoir compris que l’ampleur du rejet le rendrait tôt ou tard détectable par des organismes indépendants comme la Criirad.

En tout état de cause, s'il est évident que la Socatri-AREVA est coupable, il en est certainement de même pour l'ASN dont les responsabilités doivent être établies et sanctionnées.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" appelle les citoyens à participer à un Rassemblement antinucléaire européen samedi 12 juillet à Paris (14h pl de la République). es animations auront lieu dès le matin sur la place de la République, et un Colloque international se tiendra à 20h avec de nombreux invités d'Europe... et d'au delà. haut


Cherche poubelles nucléaires désespérément (Le nouvel Obs, 17/07)


En France, les déchets produits par les centrales atomiques ne cessent de croître. Ils resteront parfois radioactifs des dizaines de millions d'années. Où les mettre ? Les mairies retenues font l'objet d'une cour assidue. Récit

En ouvrant son courrier, il a cru à un gag. Quoi ? Donner à l'Etat ses terres, ses forêts, ses sites naturels protégés pour y enfouir des milliers de tonnes de déchets nucléaires ? Un mauvais canular. Hélas pour Gilles Desnouveaux, la lettre n'est pas un faux : Reynel, son petit village de 180 habitants perdu au coeur de la Champagne, a été désigné comme «zone géologiquement compatible» pour le stockage de déchets radioactifs. Et c'est à lui, le maire, de décider si sa commune veut ou non se porter candidate, en échange d'un «accompagnement financier». Gilles n'a pas réfléchi longtemps. Ce matin- là, son fils prenait son petit déjeuner avant de partir au lycée. «Il m'a regardé dans les yeux et m'a dit : «Papa, si tu fais ça, t'es plus mon père». J'ai pas hésité.» Le lendemain, il écrit au préfet, convoque son conseil municipal, appelle les autres maires de la région. Eux aussi ont reçu la missive. Tous refusent de devenir la «poubelle nucléaire» nationale.

Ca ressemble à une loterie. Comme Reynel, en Haute-Marne, 3 115 communes ont été présélectionnées par l'Andra (1) pour accueillir dans leur sol une décharge atomique. A l'heure de la relance mondiale de l'énergie atomique, du deuxième EPR promis par Nicolas Sarkozy, l'initiative embarrasse. L'énergie renouvelable tant vantée a une faille de taille : ses déchets. Depuis le démarrage du premier réacteur expérimental français, en 1949, ils s'accumulent, inexorablement : en quarante ans, nos 58 réacteurs ont produit plus d'un million de mètres cubes de déchets. En 2020, ils atteindront 2 millions. Une montagne d'ordures encombrante. Car les rebuts ont la vie dure : ils restent actifs pendant au moins trente ans, voire plusieurs dizaines de milliers d'années...

L'Andra a sur les bras 170 000 mètres cubes de déchets radifères et graphites dont elle ne sait que faire. Issus d'anciennes mines d'uranium et du démantèlement des premiers réacteurs français, ils sont pour l'instant entreposés sur d'anciens sites de production. En attente d'une solution plus pérenne. Mais les lieux manquent. A la Hague, le centre de stockage de la Manche est plein, saturé depuis 1994. Bure, dans la Meuse, aurait pu aussi convenir, mais le site n'existe pour l'instant qu'à l'état de laboratoire.

Et pas question de les y entreposer en attendant : les antinucléaires veillent. Quant aux deux centres en activité, Soulaines et Morvilliers, dans l'Aube, ils sont conçus pour des déchets à vie courte, stockés en surface. Or les rebuts radifères de l'Andra ont la vie longue. Très longue : jusqu'à 200 000 ans d'activité ! Il faut donc les enterrer. Un nouveau site s'imposait. «Nous avons souhaité une démarche fondée sur le volontariat des collectivités, en toute transparence, se défend Marie-Claude Dupuis, la directrice de l'Andra. D'ailleurs, une dizaine de maires se sont déjà portés candidats.»

Qui sont les heureux élus ? Mystère. L'Andra refuse d'en dire plus. Mais l'affaire est juteuse pour les communes sélectionnées. L'agence a reçu une généreuse subvention pour aider au «développement harmonieux du territoire d'accueil» de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros par an, murmure-t-on. «C'est de l'achat de conscience !», se révolte Carlo Mercier, un prêtre-ouvrier à la retraite. A 78 ans, il a rejoint le Cedra (Collectif contre l'Enfouissement des Déchets radioactifs) en Haute-Marne.

Ex-chauffeur routier, il a sillonné pendant dix- huit ans la région. Il a appris à aimer cette terre rude et pauvre, peuplée de moins de 7 habitants au kilomètre carré. «Ici, c'est le trou du cul du monde», dit-il. A l'époque, il vendait du lait aux ouvriers des fonderies de l'Est. Au fil du temps, l'activité a périclité. Une à une, il a vu les usines fermer, les ouvriers partir, et les derniers commerces mettre la clé sous la porte. «Y a plus personne ici, à part des vieux comme moi ! s'exclame- t-il. Alors quand l'Andra est arrivée avec ses projets de poubelles, il n'y avait pas grand monde pour protester.»

En quelques années, les décharges nucléaires ont remplacé les anciens sites de fonderies le long des routes champenoises. Sur soixante kilomètres, les Déchetteries se succèdent : le terminal de l'Andra à Brienne-le-Château, le camp militaire de Perthes qui contient de l'uranium appauvri, les deux centres de stockage de l'Aube, Soulaines et Morvilliers, et enfin Bure, le fameux laboratoire géologique où est étudié l'enfouissement des déchets les plus dangereux à plus de 500 mètres de profondeur. «C'est la route de la honte !», râle Michel Marie, le fondateur du Cedra.

Début juin, cet ambulancier retraité a rejoint un groupe d'une vingtaine de marcheurs originaires du monde entier qui sillonnent à pied la «route des déchets» : 1 500 kilomètres en deux mois et demi. Dans les villages qu'ils traversent, on leur ouvre les portes, on les encourage. «Ils pensent comme nous, mais ce ne sont pas des résistants, c'est pas dans leur nature», dit Michel. Ici, on n'a pas l'âme du Larzac. On respecte les décisions des notables. Surtout quand elles rapportent de l'argent. En 1994, le conseil général de la Meuse n'a pas résisté à la carotte fiscale de 5 millions d'euros par an promise aux collectivités en échange de Bure.

La région, une des plus pauvres de France, espérait s'enrichir. «Mais tout le monde s'est fait rouler dans la farine ! se désole Michel Marie. Le laboratoire n'a pas créé les emplois promis.» Depuis, une pétition a circulé pour réclamer un référendum sur Bure. Cinquante mille signatures ont été recueillies. Et puis rien. Les années ont passé. Bure est toujours là. Alors pour Michel Marie, ça ne fait aucun doute : c'est encore la Champagne-Ardenne qui héritera des déchets de l'Andra. «Parce qu'en cas d'accidents ça fera moins de morts !», grince-t-il. Pourtant, les experts de l'Andra l'assurent : si la région est visée, c'est pour la qualité de son sous-sol bourré d'argile, un des minerais les plus imperméables à l'eau, vecteur principal des radionucléides.

D'ailleurs, ajoutent-ils, l'enfouissement sera «peu» profond : de 50 à 200 mètres, pas plus. Rien à voir avec le projet de Bure. «Ils présentent leur projet d'enfouissement comme une prouesse technologique, mais en réalité ce n'est qu'un trou rempli d'ordures qu'on rebouche une fois plein», conteste Michel Marie. «Tout le monde profite de l'électricité, mais on ne veut pas entendre parler des déchets !», regrette Francis Chastagner, directeur scientifique de l'Andra. Pourtant, d'immenses progrès ont été réalisés depuis cinquante ans.

Après guerre, on ne s'embarrassait guère des colis gênants : on affrétait un cargo, et on jetait tout à la flotte. 40 000 fûts ont été ainsi immergés au large de l'Atlantique, de l'Espagne et de la Bretagne. Bien plus tard, dans les années 1980, les Etats-Unis avaient étudié la possibilité de les envoyer dans l'espace. Puis on envisagea de les déposer dans le désert. «C est finalement l'enfouissement qui a été retenu par le Parlement comme la solution la plus acceptable pour tous», explique Monique Sené, physicienne nucléaire au CNRS. Une solution contestée par plusieurs experts. Car, en enterrant les déchets, on ne les voit plus. On les oublie. Et les erreurs du passé ne sont plus rattrapables.

Christian Keranaoet est un ancien ingénieur de l'Andra. En 1969, il a participé au premier centre de stockage de déchets nucléaires du monde, dans la Manche, juste en face du site de la Hague. «A l'époque, on ne maîtrisait pas les techniques comme maintenant, explique-t-il. Rien n'a été pensé : les fûts de déchets ont été posés à même le sol, juste au-dessus d'une nappe phréatique !», se désole-t-il. Lorsque le dernier colis est arrivé, en 1994, on a coulé du béton dans les alvéoles, posé une membrane de bitume au-dessus et recouvert le tout de plusieurs couches de terre.

Aujourd'hui, le centre de la Manche ressemble à une jolie pelouse de golf. Mais sous les pieds, la pile de déchets empilés s'est peu à peu tassée. Par endroits, le terrain s'est affaissé d'une cinquantaine de centimètres, fissurant légèrement la membrane. Et on retrouve du tritium dans la rivière Sainte-Hélène en contrebas. «Rien de grave pour l'instant, rassure le directeur du site Jean-Pierre Vervialle, mais il faut rester vigilant.» Alors, pour éviter les mauvaises surprises, l'Autorité de Sûreté nucléaire a déclaré le site sous surveillance pendant plus de trois siècles !

Un héritage empoisonné légué aux générations futures. «On ne peut jamais prévoir ce que seront les évolutions d'un site, explique Yves Marignac, expert nucléaire. Faire un trou peut modifier la composition des couches géologiques, même extrêmement stables !» En Allemagne, 100 000 fûts radioactifs ont été stockés dans les années 1960 dans une mine de sel désaffectée, qu'on pensait imperméable depuis 70 millions d'années. Las, le sol a bougé, l'eau s'est infiltrée partout. Chaque jour, on doit pomper 12 mètres cubes d'eau contaminée. La nature est capricieuse. haut





Les biocarburants coresponsables de la crise alimentaire, selon la Banque mondiale
(Le Monde 04/07)



Entre 2002 et février 2008, la production et l'utilisation de biocarburants ont contribué à une flambée des prix des denrées alimentaires, révèle une étude confidentielle de la Banque mondiale publiée vendredi 4 juillet par le quotidien britannique The Guardian. Selon ce journal, l'étude a été conduite par un économiste de renom, Don Mitchell, et celle-ci n'a pas été rendue publique en raison de la charge polémique de ses conclusions.

Le résultat de cette enquête démontre, en effet, que les biocarburants sont responsables de la hausse des prix des denrées alimentaires de 75 % sur la période étudiée, un chiffre très loin des estimations jusqu'ici avancées. Ces résultats vont aussi à l'encontre des affirmations du gouvernement américain selon lesquels les agro-carburants ne contribueraient qu'à une hausse de 3 % des prix des denrées alimentaires.

Cette étude va accentuer la pression sur les gouvernements qui prétendent réduire leurs émissions de gaz a effet de serre et réduire leur dépendance vis-à-vis du pétrole.

UN FAISCEAU DE PHÉNOMÈNES

"Sans l'augmentation des biocarburants, les stocks mondiaux de blé et de maïs n'auraient jamais chuté aussi sensiblement et la hausse des prix due à d'autres facteurs aurait été modérée", peut-on lire dans le rapport rendu en avril aux responsables de la Banque mondiale.

La hausse généralisée des prix des denrées alimentaires a plongé depuis le début de l'année plus de cent millions de personnes dans les rues à travers le monde. Selon des experts, cette crise mondiale est le résultat d'un faisceau de phénomènes : sécheresse en Australie, flambée du prix du pétrole, utilisation croissante des terres pour la culture de biocarburants et spéculation sur le marché des matières premières.

La divulgation de ce rapport intervient alors que les chefs d'État et de gouvernement des pays industrialisés du G8 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) se pencheront, du 7 au 9 juillet à Toyako, dans l'île de Hokkaïdo, au Japon, sur cette question de la crise alimentaire, et tenteront d'y apporter une réponse globale.


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L'Union européenne fait marche arrière sur les biocarburants
(Le Monde, 07/07)



L'histoire paraît presque incroyable. Samedi 5 juillet, les ministres de l'énergie des Vingt-Sept, réunis en conseil informel à Saint-Cloud, ont "découvert" que le projet de directive sur les énergies renouvelables proposé par la Commission européenne ne comportait aucune obligation précise sur le recours aux agrocarburants. Ce texte prévoit que, globalement, 20% de l'énergie consommée dans l'Union devront être issus de sources renouvelables comme l'éolien, la biomasse et l'hydrogène en 2020. C'est un des piliers du paquet "climat" que les Vingt-Sept ambitionnent d'adopter avant la fin de l'année.

C'est Jean-Louis Borloo, l'air ravi, qui a rapporté "la découverte", lors de la conférence finale du conseil. Cette relecture du texte bruxellois pourrait permettre aux gouvernements de se sortir plus facilement que prévu d'un débat de plus en plus polémique sur l'impact des agrocarburants. Après avoir été portés au pinacle comme alternative prometteuse aux énergies fossiles, les agrocarburants, dont des études ont révélé que le bilan énergétique et environnemental n'était pas si vertueux, font l'objet, depuis quelques mois, de critiques croissantes. Leur développement en Europe et aux États-Unis est rendu en partie responsable de l'envolée des prix des denrées alimentaires à l'origine d'émeutes de la faim dans plusieurs pays. Un rapport de la banque mondiale considère qu'ils sont à l'origine de 75 % de la hausse des prix observée entre 2002 et 2008.

"Le texte de la Commission propose que 10% de l'énergie utilisée par les transports soient issus d'énergies renouvelables, il ne parle pas de biocarburants. C'est une possibilité parmi d'autres, pas plus", a expliqué le ministre de l'écologie. Autrement dit, tout le monde aurait mal lu en répétant à l'unisson avec la Commission, depuis des mois, que l'Europe s'était fixé comme objectif d'intégrer 10 % de ce "pétrole vert" dans les transports d'ici à 2020. Et les gouvernements n'auraient donc aucun obstacle à décider que les agrocarburants ne sont finalement pas une voie dans laquelle il faut poursuivre avec autant d'empressement.

ACCORD POLITIQUE

La réalité est pourtant un peu plus complexe. Si l'on s'en tient à l'article 3 du projet de directive sur les énergies renouvelables, M. Borloo a tout à fait raison, mais il existe d'autres textes qu'il semble difficile d'ignorer. Une directive de 2003 sur les agrocarburants impose ainsi aux États membres d'incorporer "5,75 % d'agrocarburants dans la qualité totale d'essence et de gazole" utilisés dans les transports d'ici à 2010. La France s'est elle-même fixé un objectif de 7% à cet horizon. De plus, le Conseil européen de mars 2007 a approuvé la proposition de la Commission de parvenir à "10 % d'agrocarburants dans les transports d'ici à 2020". Une chose semble certaine, A Saint-Cloud, les Vingt-Sept se sont mis politiquement d'accord sur le dos de la Commission pour chercher à se délier de tout engagement.

Dimanche 6 juillet, Ferran Tarradellas, porte-parole du commissaire à l'énergie Andris Piebalgs, a répliqué que la proposition de la Commission avait toujours porté sur 10 % de renouvelables – "il suffisait de la lire". Mais si cet objectif a été traduit par 10% d'agrocarburants, c'est parce que ceux-ci "sont la solution réaliste pour réduire la dépendance de l'UE au pétrole à l'horizon 2020". Pour adapter l'automobile au biodiesel, les modifications sont mineures. "En revanche, pour passer à l'électrique ou à l'hydrogène, il faut une révolution", a plaidé M.Tarradellas, précisant : "La porte reste ouverte aux autres sources d'énergie, à condition qu'elles soient renouvelables, ce qui n'est pas le cas pour l'électricité fournie par les centrales nucléaires." haut





Les faucheurs d'OGM détectent du maïs transgénique interdit chez un petit agriculteur
(Le Monde, 11/07)



"On est tous morts, dans la plaine. Il y avait cinq ou six exploitants, on n'est plus que deux ou trois. Et on rame. En plus, les abricotiers ont encore gelé." Jean-Louis Cuquel n'est pas optimiste. Et la sommation d'huissier, signifiée le 9 juillet au soir, est tombée comme un coup de massue. L'exploitant était convoqué au tribunal de Montauban, le 10 juillet, à la suite d'une assignation lancée par la Confédération paysanne, Greenpeace et Nature et Progrès. Motif : ces associations ont trouvé du MON 810, le maïs transgénique de Monsanto, interdit de culture depuis février, dans un de ses champs, à Lafrançaise (Tarn-et-Garonne).

Mais M. Cuquel, âgé de 40 ans, n'est pas un gros exploitant qui ferait fortune avec des centaines d'hectares de maïs. Devant sa maison, qu'il construit lui-même depuis douze ans, il regarde avec accablement la plaine où coule le Tarn, en contrebas de la colline où il vit avec sa femme et leur enfant. "J'ai toujours été agriculteur. Mais je n'ai que vingt hectares. Et, depuis qu'il y a l'Europe, on ne s'en sort plus : les produits d'Espagne, d'Italie, du Maroc arrivent, ils sont moins chers. Depuis cinq ans, pour vivre, je suis brancardier à l'hôpital de Montauban. Je m'occupe des terres le soir, les week-ends, pendant les vacances."

Le maïs transgénique ? "Avant, on répandait les produits en hélicoptère pour traiter. Maintenant, on ne le fait plus, c'est plus sain. Et le rendement est meilleur." Mais le MON 810, autorisé en 2007, a été interdit en 2008. "Ils vendaient les semences en quantité, par palettes, il m'en restait l'an dernier, avoue-t-il. A 180 euros la dose, je n'avais pas les moyens de les jeter."

De fait, le laboratoire Ad. Gène, de Thury-Harcourt (Calvados), sollicité par les associations, a constaté que les échantillons prélevés dans le champ incriminé présentent un "ADN dérivé d'OGM" dans une proportion supérieure à 5 %. Pour les opposants aux cultures transgéniques, l'infraction ne fait pas de doute. "Nous ne visons pas l'agriculteur, dit Michel Dupont, de la Confédération paysanne, mais le système économique qui a conduit à cette culture interdite."

"La découverte de cette culture de MON 810 signifie que rien n'est prévu pour faire appliquer le moratoire, poursuit José Bové, porte-parole des Faucheurs volontaires. Si on laisse faire, ce sera la politique du fait accompli : la contamination se généralisera, et toutes les normes seront progressivement assouplies."

CRISE DE L'AGRICULTURE

M. Bové est, de son côté, poursuivi pour avoir rendu impropre à la consommation un stock de maïs OGM en y ayant versé, en novembre 2006, de l'eau et un colorant naturel. Mais l'audience, prévue jeudi 10 juillet au tribunal de Bordeaux, a été renvoyée au 27 août. Il s'est donc rendu à Montauban, où les avocats des associations ont demandé la désignation immédiate d'un huissier pour prélever et envoyer en analyse des échantillons de maïs des trois parcelles dans lesquelles du MON 810 a été découvert. Ils ont plaidé l'urgence, en soulignant que le maïs commençait sa floraison, et que donc la contamination des champs voisins pourrait se produire. Le président du tribunal a convoqué une nouvelle audience, vendredi 11 juillet.

La démarche des anti-OGM vise à montrer que les contrôles administratifs sont insuffisants. Ils ont également assigné en justice le ministère de l'agriculture et le Service régional de protection des végétaux. "Nous achevons une enquête par sondages sur la région, explique Bruno Lion, adjoint à la direction régionale Midi-Pyrénées de l'agriculture. Nous opérons des tests sur une trentaine d'exploitations parmi le millier qui, en 2007, avait cultivé 20 000 hectares de maïs transgénique dans la région. Pour l'instant, aucun cas de culture transgénique n'a été avéré."

M. Lion reconnaît que le système n'est pas parfait. "Il est certain qu'une mobilisation massive des associations peut trouver plus de choses que nous." Il est probable que le contrôle administratif sur les parcelles incriminées sera rapidement effectué. Si les analyses confirment la présence de MON 810, la destruction sera opérée par les services de d'État. L'affaire souligne que la question de responsabilité en cas de culture et de contamination transgéniques est difficile.

Le fait que l'infraction ait été commise par un petit agriculteur en grande difficulté plutôt que par un grand maïsiculteur montre que la querelle des OGM reflète la crise de l'agriculture. "Un petit comme moi qui n'ai que vingt hectares n'intéresse plus les coopératives, dit Jean-Louis Cuquel. On n'a pas beaucoup de conseil, les techniciens agricoles ne viennent même plus." Il conclut : "Je suis seul, je n'ai que mes deux mains."

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