L'AIE EXHORTE LES ETATS A FAIRE LA CHASSE AU "GASPI"
L'Agence internationale de l'énergie dresse un panorama préoccupant de
l'évolution probable du système énergétique mondial d'ici à 2030. Les
besoins devraient augmenter de 60 %, comme les émissions de CO2. L'AIE
appelle les Etats à un sursaut pour réduire de 10 % la demande mondiale.
La récente flambée des prix du brut a jeté une lumière crue sur la
vulnérabilité de l'économie mondiale. Elle a rappelé que l'énergie, le
pétrole bien sûr, mais aussi le gaz, le nucléaire, le charbon... constituent
le socle friable de notre système économique mondialisé. 2004 a laissé
poindre des inquiétudes quant à la suffisance des approvisionnements et
leurs coûts. Le futur ne s'annonce guère plus rassurant à en croire les
prévisions du World Energy Outlook de l'Agence internationale de l'énergie
(AIE) publiées hier.
"Les perspectives énergétiques mondiales 2004 dressent un panorama
préoccupant de l'évolution probable du système énergétique mondial d'ici à
2030", écrivent les experts de l'AIE. Si les gouvernements s'en tiennent aux
politiques en vigueur aujourd'hui, les besoins énergétiques dans le monde
dépasseront de presque 60 % leur niveau actuel en 2030. Les combustibles
fossiles (pétrole, charbon, gaz) demeureront prépondérants dans le bilan
énergétique et couvriront la majeure partie de l'accroissement de la
consommation totale d'énergie.
Investissements colossaux.
Les parts revenant au nucléaire devraient reculer
- les trois quarts de la puissance nucléaire installée en Europe devraient
être définitivement arrêtés à l'horizon 2030 - et les sources d'énergie
renouvelables demeurer ce qu'elles sont peu ou prou aujourd'hui :
marginales. Si l'AIE estime que les ressources que renferme la Terre sont
plus que suffisantes pour répondre à la demande jusqu'en 2030, elle rappelle
que les investissements cumulés nécessaires seront littéralement colossaux :
entre 2003 et 2030, 16.000 milliards de dollars devront être investis (dont
62 % iront financer la génération et la distribution d'électricité), soit
568 milliards de dollars par an ! L'AIE pousse un autre cri d'alarme : "Si
les politiques publiques demeurent inchangées, les émissions de dioxyde de
carbone liées à l'énergie augmenteront plus vite que la consommation
d'énergie." Les émissions de CO2 devraient ainsi dépasser en 2030 de plus de
60 % leur niveau actuel et plus des deux tiers de cette augmentation seront
le fait des pays en développement, gros consommateurs de charbon et
progressivement de plus en plus de pétrole.
Mais à ce tableau plutôt alarmant, l'AIE oppose un "scénario alternatif" et
lance un cri d'alarme aux gouvernements pour les mobiliser. A l'heure où le
protocole de Kyoto va entrer en vigueur malgré l'absence des Etats-Unis, le
"plan B" définit un "avenir énergétique plus efficient et plus respectueux
de l'environnement" à condition que les Etats appliquent les politiques et
les mesures envisagées actuellement. Il vise une demande mondiale inférieure
de quelque 10 % en 2030 à celle du scénario de référence.
A cette date, la demande de pétrole serait notamment en baisse de 11 % (-
12,8 millions de barils par jour) à condition notamment que les pays de
l'OCDE adoptent des mesures plus rigoureuses pour réduire la consommation de
carburants. Les Etats-Unis, qui taxent très peu essence et diesel (environ
10 cents par litre pour le super sans plomb) et produisent des voitures et
des 4x4 toujours plus gourmands, sont pointés du doigt. Les pays en
développement sont appelés à "accélérer la diffusion de véhicules plus
économes". La demande de charbon pourrait être réduite de 24 % en 2030, soit
la consommation de la Chine et de l'Inde réunies aujourd'hui. Celle de gaz
serait en recul de 10 %.
Utilisation plus rationnelle
Dans le cadre de ce modèle alternatif, les
émissions de CO2 seraient inférieures de 16 % à celles du scénario de
référence, soit la somme des émissions actuelles des Etats-Unis et du
Canada. "Plus de la moitié de la réduction des émissions serait attribuable
à une utilisation plus rationnelle de l'énergie dans les véhicules, les
appareils électroménagers, l'éclairage et l'industrie." L'AIE reconnaît que
ce plan B a un coût marginal, notamment dans le secteur électrique : les
prix augmenteraient ainsi par exemple de 12 % dans l'Union européenne.
Olivier Guez
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