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La tribune 27 octobre

L'AIE EXHORTE LES ETATS A FAIRE LA CHASSE AU "GASPI"

L'Agence internationale de l'énergie dresse un panorama préoccupant de l'évolution probable du système énergétique mondial d'ici à 2030. Les besoins devraient augmenter de 60 %, comme les émissions de CO2. L'AIE appelle les Etats à un sursaut pour réduire de 10 % la demande mondiale.

La récente flambée des prix du brut a jeté une lumière crue sur la vulnérabilité de l'économie mondiale. Elle a rappelé que l'énergie, le pétrole bien sûr, mais aussi le gaz, le nucléaire, le charbon... constituent le socle friable de notre système économique mondialisé. 2004 a laissé poindre des inquiétudes quant à la suffisance des approvisionnements et leurs coûts. Le futur ne s'annonce guère plus rassurant à en croire les prévisions du World Energy Outlook de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) publiées hier.

"Les perspectives énergétiques mondiales 2004 dressent un panorama préoccupant de l'évolution probable du système énergétique mondial d'ici à 2030", écrivent les experts de l'AIE. Si les gouvernements s'en tiennent aux politiques en vigueur aujourd'hui, les besoins énergétiques dans le monde dépasseront de presque 60 % leur niveau actuel en 2030. Les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) demeureront prépondérants dans le bilan énergétique et couvriront la majeure partie de l'accroissement de la consommation totale d'énergie.

Investissements colossaux.

Les parts revenant au nucléaire devraient reculer - les trois quarts de la puissance nucléaire installée en Europe devraient être définitivement arrêtés à l'horizon 2030 - et les sources d'énergie renouvelables demeurer ce qu'elles sont peu ou prou aujourd'hui : marginales. Si l'AIE estime que les ressources que renferme la Terre sont plus que suffisantes pour répondre à la demande jusqu'en 2030, elle rappelle que les investissements cumulés nécessaires seront littéralement colossaux : entre 2003 et 2030, 16.000 milliards de dollars devront être investis (dont 62 % iront financer la génération et la distribution d'électricité), soit 568 milliards de dollars par an ! L'AIE pousse un autre cri d'alarme : "Si les politiques publiques demeurent inchangées, les émissions de dioxyde de carbone liées à l'énergie augmenteront plus vite que la consommation d'énergie." Les émissions de CO2 devraient ainsi dépasser en 2030 de plus de 60 % leur niveau actuel et plus des deux tiers de cette augmentation seront le fait des pays en développement, gros consommateurs de charbon et progressivement de plus en plus de pétrole.

Mais à ce tableau plutôt alarmant, l'AIE oppose un "scénario alternatif" et lance un cri d'alarme aux gouvernements pour les mobiliser. A l'heure où le protocole de Kyoto va entrer en vigueur malgré l'absence des Etats-Unis, le "plan B" définit un "avenir énergétique plus efficient et plus respectueux de l'environnement" à condition que les Etats appliquent les politiques et les mesures envisagées actuellement. Il vise une demande mondiale inférieure de quelque 10 % en 2030 à celle du scénario de référence.

A cette date, la demande de pétrole serait notamment en baisse de 11 % (- 12,8 millions de barils par jour) à condition notamment que les pays de l'OCDE adoptent des mesures plus rigoureuses pour réduire la consommation de carburants. Les Etats-Unis, qui taxent très peu essence et diesel (environ 10 cents par litre pour le super sans plomb) et produisent des voitures et des 4x4 toujours plus gourmands, sont pointés du doigt. Les pays en développement sont appelés à "accélérer la diffusion de véhicules plus économes". La demande de charbon pourrait être réduite de 24 % en 2030, soit la consommation de la Chine et de l'Inde réunies aujourd'hui. Celle de gaz serait en recul de 10 %.

Utilisation plus rationnelle

Dans le cadre de ce modèle alternatif, les émissions de CO2 seraient inférieures de 16 % à celles du scénario de référence, soit la somme des émissions actuelles des Etats-Unis et du Canada. "Plus de la moitié de la réduction des émissions serait attribuable à une utilisation plus rationnelle de l'énergie dans les véhicules, les appareils électroménagers, l'éclairage et l'industrie." L'AIE reconnaît que ce plan B a un coût marginal, notamment dans le secteur électrique : les prix augmenteraient ainsi par exemple de 12 % dans l'Union européenne.

Olivier Guez

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