Texte d’orientation du Congrès 2013
adopté le 11 novembre 2013
À l’échelle mondiale, le capitalisme est toujours debout avec une croissance ralentie notamment dans les
pays émergents. En France et en Europe, l’offensive libérale se poursuit et s’accentue alors que les forces
économiques et les gouvernements ont provoqué en vingt ans l’émiettement du salariat et l’accentuation des
inégalités. L’absence de changement depuis un an et de réaction/contre-proposition crédibles ont accru la
désorientation et le désespoir. La droite réactionnaire et le Front National, dont la menace se précise,
consolident leur fonds de commerce,comme dans de nombreux pays en Europe. Le mécontentement social
se heurte aux discours de simple gestion de « la crise » et aux politiques soumises au patronat aux
institutions européennes. Comment contribuer à ouvrir l’avenir, en France et en Europe, avec toutes les
forces du mouvement social ? Comment affirmer une alternative, lier les résistances et les réponses
urgentes dans un projet alternatif qui donne un horizon commun ?
Les formations sociales et territoriales, caractérisées par un mode de production capitaliste dominant, sont
notamment confrontées à la limitation des ressources non renouvelables, ainsi qu’à l’accumulation et au
traitement des déchets, particulièrement ceux issus des filières nucléaires. Ces obstacles se traduisent sur le
plan économique par une hausse du coût des matières premières et du renouvellement du capital fixe dont
ne peut résulter qu’une baisse du taux de profit, à ne pas confondre avec une crise de sur-accumulation.
Les derniers travaux du GIEC confirmant la gravité du réchauffement climatique lié à la croissance
capitaliste exponentielle des deux siècles passés, donne la mesure de la dimension écologique de la crise
mondiale globale.
Après de nombreux accidents nucléaires depuis Three-Miles Island, après Tchernobyl, la catastrophe de
Fukushima pose de manière radicale la question du nucléaire.
En Europe, cette crise écologique s’exprime aussi par la fuite en avant dans les grands projets inutiles, de
plus en plus contestés par une mobilisation citoyenne multiforme.
Au niveau mondial, la crise apparaît moins visible, excepté en Europe. Le capitalisme continue sa fuite en
avant dans certains segments grâce au capitalisme vert et autres formes de l’agrobusiness néocolonial.
Mais les effets sociaux, économiques, démocratiques et écologiques de la crise sont toujours forts à travers
les ravages de la compétition entre les pays, l’accroissement des inégalités et du chômage, l’immigration
criminalisée en Europe par les pouvoirs en place et mise à mort à travers la catastrophe de Lampedusa, le
pillage des ressources.
Surtout les éléments, notamment spéculatifs, qui ont conduit à l’éclatement de la crise financière puis
économique sont toujours prêts à porter leurs fruits mortifères. S’ils devaient se manifester dans les
conditions actuelles après 6 ans de crise, ils seraient encore plus néfastes que 6 ans plus tôt, la stratégie du
"bord du gouffre" (le minimum de réforme du système, le maximum de discours, récession économique supportée par les peuples) suivie depuis 2007 risquant alors d’être nettement insuffisante dans le contexte
politique actuel et économique. Sur ce dernier plan, se conjuguent un risque financier renforcé et
l’approfondissement de la crise du modèle de croissance. La situation des États-Unis est révélatrice de cette
situation : la légère reprise de la croissance, de type spéculatif pour une part, est due en partie à la baisse
des coûts énergétiques grâce au gaz de schiste et à la poursuite de la hausse de l’endettement et du
montant des liquidités, le tout au détriment du reste du monde.
Sur les plans économiques et sociaux la situation de l’Europe est encore fortement marquée par le mode de
gestion de la crise : accroissement de l’endettement des États pour faire face à la crise des banques suite à
leur comportement spéculatif, endettement des pays payé très cher à ceux qui ont provoqué la crise, le tout
entraînant une déflation salariale couplée à une crise de l’emploi et une réduction des politiques publiques.
Cette austérité, imposée notamment par la troïka, entraîne une aggravation de la situation économique et
sociale, bien au-delà du supportable dans les pays du sud de l’Europe. Dans le même temps, les pays
bénéficiaires de la situation antérieure et actuelle, l’Allemagne en premier, bloquent toute solution fondée sur
la solidarité et un changement de politique. La Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, Chypre de même que
l’Irlande sont particulièrement touchées. La réélection de Merkel, le suivisme de la France, ne laissent aucun
espoir mais beaucoup d’inquiétudes du fait de la montée des extrêmes droites (y compris en Norvège et en
Suisse, hors UE), des faiblesses des gauches et du mouvement social.
La montée générale en Europe du racisme (en particulier sous la forme de l’islamophobie) et de l’extrêmedroite
sur fond de discrédit de la classe politique est un indicateur-clé de la crise dans sa dimension
politique. Elle doit être reliée à la dimension géopolitique de la crise dans un monde occidental qui n’est plus
dans la situation de domination mondiale qui a été la sienne cinq siècles durant.
La gauche social-libérale (PS et EELV) est au pouvoir depuis plus d’un an. Son gouvernement mène une
politique qui va à l’encontre des aspirations des électeurs et des électrices qui ont chassé Sarkozy. Surtout,
cette politique aggrave les effets de la crise et ne propose aucune sortie par le haut articulant justice sociale
et transition écologique et fondée sur une tout autre politique économique sur les plans de la finance, de la
fiscalité, de la production.
Suite à l’absence de changements significatifs après les élections, le pouvoir a abandonné toutes les
promesses pour des choix relevant d’une politique libérale sur le plan social et économique, basée sur la
stratégie "d’économie de l’offre" avec les trois piliers de la compétitivité (baisse du coût du travail), de
l’austérité, de la poursuite de la même politique européenne :
La contre-réforme des retraites est une étape de plus dans une politique qui consiste à alléger les « charges »
des entreprises et à les transférer sur le plus grand nombre. À l’exception de quelques rares mesures, aucun
progrès social ou écologique n’aura été inscrit à l’agenda gouvernemental.
François Hollande appuie sa politique sur l’hypothèse fantaisiste du retour d’un minimum de croissance
économique qui devrait ramener mécaniquement davantage d’emplois et de ressources fiscales, tout en
aggravant la crise écologique. Mais, d’une part, une croissance molle n’aura aucun effet sur l’emploi, et
d’autre part, les fondements et les conséquences de la crise économique ouverte en 2008 sont toujours à
l’œuvre et elles se combinent avec l’approfondissement de la crise écologique que les politiques de
« capitalisme vert » ne visent à conjurer. Pendant ce temps là, si la courbe du PIB ne remonte pas ou trop
peu, d’autres courbes montent marquant une forte dégradation des conditions sociales comme l’indiquent les
titres de trois récentes notes de l’INSEE : "La pauvreté en France au plus haut niveau depuis 1997", "Les
dépenses alimentaires deviennent de plus en plus lourdes pour les ménages modestes", "Le chômage au
plus haut depuis 15 ans". Cela s’accompagne de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités du fait du double mouvement de la hausse des revenus des couches favorisées et de la baisse de ceux des couches
déjà défavorisées, en raison notamment de la faible revalorisation du SMIC horaire brut, du refus de toute
hausse des minimas sociaux et de mesures combattant la misère. Sur fond de chômage très élevé et
durable, ces évolutions aggravent la précarité pour de nombreuses personnes et pour de nombreuses
zones. La résorption de cette double ségrégation sociale et spatiale, qui devrait être un enjeu essentiel de
toute politique de gauche, en est presque totalement absente.
Or cette absence contribue fortement à l’apathie, favorable au FN, des couches populaires à côté de
quelques formes de résistance. Celles-ci sont bien modestes eu égard à la gravité de la situation en raison
des non réponses, structurelles et conjoncturelles à la crise et à ses effets sociaux, notamment par le
pouvoir actuel.
Cette apathie résulte aussi de l’incapacité des forces sociales et politiques de transformation à construire
collectivement une autre réponse et à la partager avec les couches populaires. De ce point de vue, avec le
phénomène des « bonnets rouges » et le dévoiement d’une lutte légitime pour l’emploi par le patronat et les
lobbies libéraux et productivistes, les récents événements qui se sont produits en Bretagne sont
emblématiques d’une situation nouvelle et inquiétante. Ils témoignent des carences des forces progressistes
à apporter ensemble des réponses aux aspirations populaires et à mobiliser sur des objectifs de
transformation. Ils révèlent aussi, malgré la perte de légitimité des thèses libérales, la volonté du capital de
poursuivre l’offensive contre ce qui reste d’État social au travers d’une croisade antifiscale. Son objectif est
de se libérer de toute entrave, en s’appuyant, dans le cas breton, sur la récupération d’une identité culturelle
spécifique présentée par les libéraux comme un facteur de conquête dans la compétition économique
mondiale.
Ce désarroi naît aussi du sentiment de l’impossibilité à changer les politiques décidées par le gouvernement,
le lobbying ou la pression de la rue ont peu de résultats, l’État accompagnant les choix de la finance
internationale. Les voies d’une alternative institutionnelle, face aux blocages de la Vème République et à
l’épuisement des institution démocratiques, sont donc à réinventer.À cet égard la contestation des
institutions actuelles par l’extension de la démocratie active doit être un axe essentiel d’intervention pour la
gauche de transformation sociales dans les prochaines années. Cela doit s’inscrire dans un travail sur de
nouvelles institutions : VIème République, démocratie économique, organisation territoriale, …
D’autres éléments très importants, en sus de la promesse non tenue de celle faite en 1981 du droit de vote
aux élections locales pour les résidents étrangers, signent le cours de plus en plus droitier de la politique du
gouvernement sous emprise idéologique du FN et sous pression de l’UMP :
C’est bien l’ensemble de ces composantes de la crise globale, et pas seulement la dimension économique et
sociale même si celle-ci demeure l’élément explicatif principal, qui est à la racine de la montée des droites
extrêmes et du FN. Suite à la politique de stigmatisation et de ségrégation de SARKOZY et à sa poursuite
par VALLS, cette montée pose de graves questions aux démocrates et notamment aux forces sociales de
gauche qui ne sont actuellement pas encore en mesure d’y répondre.
Sur un autre plan, le renoncement à toute politique publique écologique digne de ce nom, du nucléaire
maintenu et relancé au gaz de schiste toujours menaçant, en passant par l’incapacité à renoncer aux grands
projets inutiles tels que celui de NDDL, n’apporte aucune réponse à la crise écologique, autre composante
de la crise globale et continue de susciter des mobilisations citoyennes d’ampleur. L’écho rencontré par celle
de NDDL fait de celle-ci un symbole égal à celle du Larzac autrefois.
Malgré l’atonie des mouvements sociaux et la situation politique des résistances existent. Ainsi, la lutte pour
la sauvegarde de l’emploi prend de plus en plus la voie de la reprise d’entreprise, voire de formation de
coopératives ; SeaFrance, Fralib, Pétroplus, Kem One. Des projets visent à expérimenter le changement
social.
Partout, des lueurs d’espoirs émergent, des idées nouvelles sont débattues - le revenu de base, l’économie
circulaire et distributive, l’autogestion … - de nouvelles mutuelles, des prêts solidaires, des magasins pour
rien, des restaurants solidaires, des villes en transition, des monnaies complémentaires, des jardins de
cocagne se pratiquent…
Toutes ces idées et les activités qui en découlent sont l’oeuvre d’indigné-e-s, de motivé-e-s, d’utopistes
réalistes, de décroissants, en un mot de personnes à contre courant. Le socle des Alternatifs est fait de ces
histoires, des luttes anticoloniales, d’une autre façon de gérer l’économie et l’entreprise (l’autogestion), de
mettre en avant les fronts trop souvent considérés comme secondaires qui sont à nos yeux primordiaux :
l’écologie, le féminisme. Ces résistances et ces innovations, sans changer globalement la société, sont
révélatrices d’aspirations à en changer, à refuser l’ordre capitaliste. Avec elles, il nous faut continuer de
mener la bataille pour la conquête de l’hégémonie.
Et c’est bien, en miroir, la question d’un projet d’ensemble, d’un projet anticapitaliste et alternatif, qui nous est
posée et qui donne à la gauche alternative une responsabilité particulière et un rôle important à jouer dans le
débat qui s’ouvre.
La crise de civilisation est aussi une crise géopolitique qui bouleverse la configuration actuelle des relations
internationales. La montée en puissance des pays dits « émergents » signe pour les sociétés du Nord le
début de la fin d’une hégémonie de cinq siècles, dont la domination coloniale et les différentes formes
d’impérialismes économique et culturel ont été les principales manifestations. C’est un phénomène majeur et
positif mais il faut néanmoins se garder de tout simplisme car cela se traduit aussi par le rôle de plus en plus
important joué par d’anciens impérialismes (russe) comme par de nouveaux à l’image de l’impérialisme
économique chinois en Afrique.
Cette hégémonie a été, dans un premier temps, remise en cause par le long processus des révolutions
anticoloniales du XXème siècle. Une deuxième étape de ce processus s’est ouverte à partir des années 1990 :
dans un premier temps en Amérique indo-afro-latine avec l’arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche
modérée ou plus radicale dans une grande partie du continent ; dans un second temps dans le monde arabe
par l’ouverture d’un vaste processus révolutionnaire à partir de 2010 notamment en Tunisie, en Égypte, en
Syrie, en Libye, à Bahreïn et au Yémen.
Pris dans leur ensemble, ces processus populaires relèvent d’une dynamique émancipatrice globale
démocratique et sociale dans laquelle la question de l’auto-organisation des dominé-e-s a toute sa place. Ils
sont toujours ouverts et vivants même s’ils sont marqués par de nombreuses contradictions, doivent faire
face à d’importantes difficultés et surmonter des obstacles tout aussi nombreux.
C’est notamment le cas du djihadisme qui met en difficulté les processus révolutionnaires dans le monde
arabe et aggrave un certain nombre de conflits intra-nationaux et régionaux de l’Atlantique à l’Asie du sudest.
Dans ce contexte il est nécessaire de réaffirmer notre solidarité avec les processus en cours en Amérique
indo-afro-latine comme dans le monde arabe. La solidarité avec la révolution populaire syrienne et l’aide aux
révolutionnaires syrien-ne-s sont d’une brûlante actualité aussi bien contre le régime de Bachar Al-Assad et
ses soutiens régionaux et internationaux que contre les ingérences qataries et saoudiennes et contre les
menaces d’interventions militaires occidentales, étasunienne et française notamment. Enfin, la lutte toujours
aussi essentielle du peuple palestinien est inséparable de la dynamique révolutionnaire en cours dans le
monde arabe : cette dynamique doit en retour jouer dans le sens d’un rapport de force favorables aux
exigences palestiniennes que nous devons plus que jamais soutenir face à la politique pro-sioniste du
gouvernement français.
Lors du Congrès de novembre 2012, Les Alternatifs ont décidé majoritairement (56,37% pour, 34,75% contre, 8,88% abstentions) de participer au Front de Gauche. Le texte adopté explicitait les raisons de ce choix :
L’urgence de « faire front ensemble, comme en Grèce ou au Portugal, face à l’approfondissement et l’aggravation de la crise multiforme, pour disputer l’hégémonie à gauche au social-libéralisme et porter une alternative unitaire ».
La prise en compte du fait que « la pérennisation et l’élargissement progressif du Front de Gauche » était devenue « une donnée majeure de la gauche de transformation sociale et écologique ».
La décision était liée également, notamment après l’entrée de la Gauche Anticapitaliste au FDG, à la « perspective de construction d’un pôle de gauche alternative et écologiste » en son sein. Et bien entendu, il était noté que « Les Alternatifs participeront au Front de Gauche en conservant leur indépendance et leurs moyens d’intervention ».
Il revient au Congrès d’évaluer, comme décidé l’an dernier, le bilan de notre participation.
Concernant l’activité politique du Front de Gauche, la situation n’a pas évolué de façon significative depuis
un an.
Pour l’essentiel, le FDG reste un cartel. Les volontés exprimées de manière diverse par les différentes
composantes d’ouvrir et élargir le Front (question des adhésions directes, de la représentation des
assemblées citoyennes de base aux différents niveaux de coordination, du renforcement d’un Conseil
National qui serait à parité composé de représentant-es des organisations et d’autres militantes du
mouvement social, etc) sont restées sans suite.
Son activité en dehors des périodes électorales reste problématique. La campagne centrale pour une
alternative à l’austérité s’est résumée à la production d’un lot d’affiches et à la programmation d’un certain
nombre de meetings. Cette campagne, très ambitieuse pour l’état des forces, mal préparée, a été très vite
balayée par d’autres "urgences".
Le Front de Gauche parvient à réussir des temps forts comme la marche citoyenne pour la 6° République le
5 mai, beaucoup moins à pérenniser une activité quotidienne.
Les oppositions PCF – PG restent prégnantes et conduisent à des blocages importants. La préparation des
élections municipales de 2014 en sont un des épisodes les plus significatifs. Le plus probable au stade
actuel dans un certain nombre de grandes villes, est que l’on se dirige vers une division du Front de Gauche.
Le choix du PCF de faire liste commune avec le PS dans des grandes villes notamment (Nantes, Paris,
Toulouse, …) affaiblit le Front de Gauche et brouille son positionnement sans laisser présager à ce stade son
éclatement.
Le FdG souffre aussi de la personnalisation de l’expression politique contraire à notre vision de la politique.
Pour autant, au-delà de ces limites, le Front de Gauche est la seule force politique identifiée à une échelle
de masse qui porte une alternative à la gauche du PS et de la majorité gouvernementale. C’est un acquis
précieux dans une période marquée par les politiques d’austérité du gouvernement, la démoralisation du
« peuple de gauche », les faiblesses du mouvement social, l’éparpillement des résistances ponctuelles.
Dans la même période, aucun autre cadre politique porteur d’une alternative à gauche n’a été en capacité
d’émerger à une échelle qui puisse être reconnue dans la population.
Malgré ses limites, le Front de Gauche reste un outil précieux qu’il importe de renforcer, en y ayant une
activité plus soutenue.
Depuis 2012, l’implication des Alternatifs est à la hauteur des capacités et faiblesses organisationnelles du
mouvement.
Nous participons à la Coordination Nationale, à un certain nombre de Coordinations Départementales et
sommes présents dans des Assemblées Citoyennes et Collectifs Locaux. Nous sommes intervenus à un
certain nombre de meetings locaux, régionaux et nationaux du Front de Gauche. De façon sans doute
insuffisante, nous avons participé à quelques Fronts Thématiques, certainement un des lieux les plus positifs
de l’activité du FdG.
Cette participation n’a certes pas changé la donne pour le FdG. Même si la question de la construction d’un
pôle de la gauche alternative en son sein ne se résume certainement pas à cet aspect, il est bien clair que
seule une force plus conséquente serait de nature à peser sérieusement à côté du PCF et du PG qui restent
à ce stade les 2 composantes principales.
Depuis leur entrée dans le Front de Gauche, les Alternatifs malgré quelques gains de visibilité (meetings,
manifestations, …) ne se sont ni renforcés, ni autocensurés. Ils ont poursuivi leurs publications, leurs tracts.
La participation au FdG n’implique aucune contrainte politique, l’expérience d’un an a pu vérifier ce que nous
écrivions lors du précédent congrès : « un front n’est pas un mouvement politique unifié et encore moins un
parti, mais un rassemblement qui permet de construire du commun dans le respect de la diversité des
composantes politiques ».
Nous ne pouvons nous contenter de constater les insuffisances actuelles du Front de Gauche. Nous devons
nous fixer l’objectif d’agir pour en faire un outil plus démocratique, plus en symbiose avec le mouvement
social et écologiste. Il nous faut nous donner les moyens d’être des partenaires plus écoutés dans le FdG, et
donc d’être à la fois plus offensifs et plus propositionnels.
Les récentes propositions communes formulées au niveau national avec nos partenaires de « Tous
Ensemble / Trait d’Union » pour un profond renouvellement du fonctionnement du Front de Gauche sont un
début dans ce sens.
La question du rôle des Alternatifs dans le Front de Gauche est à repenser et à lier à celle du rôle du « 3°
pôle » de la gauche alternative qu’il va falloir poser, dans des conditions qui devraient être plus favorables.
Aujourd’hui, les 2 perspectives : poursuite de notre inscription dans le Front de Gauche d’une part, démarche
de rassemblement de la gauche alternative d’autre part, restent étroitement liées.
Constitués en 1998 lors de la fusion de l’AREV et d’une partie de la CAP, avant d’être rejoints par d’autres
(altermondialistes, syndicalistes, militant-e-s- venu-e-s des Verts, etc…), les Alternatifs ont une histoire plus
longue encore, qui plonge ses racines dans la gauche radicale autogestionnaire en général, en particulier du
temps du PSU. C’est dire, et les trajectoires variées des adhérent-e-s le confirment, que les Alternatifs sont eux-mêmes le produit d’un processus de recomposition politique commencé dans l’après 68 à la gauche de
la gauche traditionnelle.
Ce processus est loin d’être achevé : il continue et le lancement de la FASE en 2008, avec notamment la
participation des Alternatifs et des Communistes unitaires, puis la création du NPA en 2009 sont des
éléments de ce processus. La convergence en cours des Alternatifs, de la FASE et de différentes forces (C
et A, GA et une partie de GU) issues de la crise de l’ex-LCR puis du NPA, toutes ces organisations étant
présentes depuis 2012 de manière critique au sein du Front de Gauche, est également un élément de ce
processus.
Mais cet élément a une particularité : il s’agit-là d’une volonté commune de ces différentes composantes
unitaires de la gauche radicale de mettre fin à leur émiettement et se regrouper en une seule organisation.
Comme optique générale, cette convergence correspond à une option de toujours de l’AREV autrefois et des
Alternatifs dès leur fondation : celle de la possibilité, en cas de convergence avec d’autres, d’un dépassement
dans une force politique plus large et sur une orientation politique générale commune, dans la continuité de
la nôtre.
Depuis 1988, les Alternatifs ont combiné leur activité propre et leur orientation unitaire à gauche avec la
recherche d’une telle convergence. Partisans de l’autogestion et d’une nouvelle synthèse politique, celle du
rouge et du vert, nous avons enrichi ces références de l’altermondialisme et du féminisme.
Mais ces avancées n’ont pas été accompagnées d’une convergence avec d’autres donnant la possibilité
d’une force politique commune : l’institutionnalisation et le paradigme écologiste des Verts l’empêchait d’une
part, tandis que l’incapacité de la LCR à s’ouvrir à rompre avec l’avant-gardisme et à assumer la synthèse du
rouge et du vert la rendait impossible d’autre part.
Plus tard, nous avons espéré que cette convergence puisse s’opérer lors de la constitution de la FASE, aux
références politiques très proches des nôtres, mais l’absence de volonté claire de constitution d’une nouvelle
organisation commune et un fonctionnement éloigné du nôtre ne l’ont pas rendu possible.
Ce qui n’était pas possible hier le devient aujourd’hui, notamment grâce à la vérification d’une culture
commune de la gauche radicale, anticapitaliste et alternative, dans un contexte de crise globale,
multidimensionnelle et généralisée.
Cela se traduit par la conscience partagée de la nécessité de rouvrir certaines questions :
Tous ces éléments, portés depuis longtemps par la gauche autogestionnaire dont les Alternatifs sont la
principale expression, sont maintenant plus largement partagés depuis le départ du NPA des courants à la
fois unitaires et capables de remettre en cause les certitudes et les schémas issus de l’ex-LCR/NPA.
L’élaboration d’un projet alternatif est cependant un processus complexe. Elle se fait et se fera dans les
luttes et l’expérience accumulée, les débats et la réflexion, à toutes les échelles et donc du local au global.
Cette élaboration est urgente. La gauche alternative doit y prendre sa part, en s’appuyant sur sa culture
politique commune : solidarités, féminisme, écologie, autogestion, altermondialisme.
Le travail est immense et aucun courant politique seul ne peut prétendre apporter les bonnes réponses.
Nous devons nous regrouper et ainsi franchir un cap qui demeure inaccessible pour une si petite
organisation que la nôtre.
Pour les Alternatifs, le regroupement "Tous Ensemble Trait d ’Union" doit permettre de mettre fin à
l’éparpillement de la diaspora de la gauche alternative : cette gauche radicale et unitaire, refusant le
dogmatisme et le repli sur ses certitudes, cette gauche à la recherche d’un projet alternatif de société, cette
gauche qui se réfère autant au vert qu’au rouge et qui se réclame aussi du féminisme, cette gauche
altermondialiste pour qui l’autogestion est à la fois une référence et une pratique, cette gauche qui n’ignore
pas les institutions et les élections mais doit accorder la priorité aux mobilisations, aux grèves, aux luttes.
Cette gauche alternative souffre de sa dispersion (partagée en de petites organisations et une multitude
d’engagements de type syndical, associatif ou altermondialiste sans appartenance politique) et donc de son
incapacité à peser réellement à l’échelle de la société et dans les rapports de force politique à gauche.Nous
savons d’ores-et-déjà qu’une partie de ces forces n’a pas vocation à entrer dans le FdG dans l’immédiat.
Pourtant nous partageons des idées et des luttes et notre culture nous permet d’être cette passerelle, cette
porte ouverte aux idées et aux combats extérieurs au FdG.
Voilà ce qui, sur le fond, justifie le regroupement : construire une force politique plus large n’a donc pas
comme première justification d’être « plus forts au sein du Front de Gauche », même s’il faut peser aux côtés
du PCF et du PG dont le programme et la culture politique ne sont pas les nôtres. C’est pourquoi, nous
refusons de nous inscrire dans un projet illusoire qui consisterait à constituer un « parti unifié » à partir des
composantes du Front de Gauche.
Nous nous engagerons pour que le regroupement agisse et s’exprime à l’intérieur et à l’extérieur du FdG.
Nous revendiquerons un fonctionnement démocratique sur la base d’une personne = une voix. Ni pouvoir
des élus, ni pouvoir des plus réactifs sur Internet, ni pouvoir aux directions politiques reconstituées.
La convergence vers une nouvelle force politique commune permettra une meilleure implantation territoriale,
un meilleur ancrage sociétal, une participation plus importante aux mouvements sociaux et aux mobilisations
citoyennes, une plus grande mutualisation des efforts militants, une plus grande richesse dans la réflexion et
l’élaboration qu’exigent un projet alternatif d’une urgence extrême face à la crise de civilisation actuelle. Une
nouvelle force politique commune permettra également de peser davantage dans le Front de Gauche,
donnera plus de cohérence à ce que nous y faisons déjà et apportera au Front de Gauche lui-même une
ouverture indispensable.
N’ayant jamais eu de conception autoritaire et messianique du « parti », nous n’avons jamais considéré les
Alternatifs comme une fin en soi, mais comme un outil politique au service des mobilisations et d’un projet,
un outil susceptible, en cas de convergence, de dépassement dans une force plus large. C’est dans cette
optique que nous concevons le rôle et la fonction de la nouvelle force politique commune. Ce qui nous
renforce dans cette conviction, c’est la crise très profonde de la politique et de sa représentation : combinée à
l’épuisement des modèles des « partis » classiques, cette crise nous oblige à innover radicalement.
Depuis le début du processus « Tous Ensemble », les convergences sur le fond entre les composantes se
sont confirmées et trouvent leur expression dans les textes de la réunion nationale du 15 juin à Saint-Denis.
Ces textes, même s’ils ne reprennent pas l’ensemble des thématiques développées par Les Alternatifs et
bien que des divergences subsistent, constituent une réelle avancée. Par ailleurs les textes préparatoires
pour la réunion des 23 & 24 novembre constituent des bases de travail satisfaisantes.
Cependant l’addition des composantes ne permet pas encore de produire des réponses à la hauteur et des
propositions alternatives.
Même s’ils ne sont pas entièrement satisfaisants et à la hauteur de la profondeur de la crise de la politique,
ces textes vont donc dans le bon sens : ils prennent acte de cette crise et dessinent les contours de ce que
nous appelons un parti-mouvement, avec un fonctionnement souple et ouvert de type mouvement et une
fonction combinée de synthèse, de mémoire et d’ancrage qui est le meilleur de l’héritage des « partis » d’hier.
Ce qui se dégage reflète à la fois une culture commune de la gauche radicale anticapitaliste, et la
coexistence, outre l’apport altercommuniste, de deux sous-cultures distinctes : la première est marquée par
l’histoire LCR/NPA, la seconde est celle d’une gauche écolo-alternative diverse issue du PSU, de l’AREV et
d’une partie des sensibilités à l’origine des Alternatifs et de la FASE.
Mais ce ne sont pas deux blocs homogènes même si les apports réciproques alimentent la réflexion et
l’échange en contribuant au rapprochement. De toute évidence, le regroupement reste viable et ouvert à
l’imprévu.
La nouvelle force politique commune devra immédiatement donner à voir ce que nous sommes dans notre
culture commune et aussi dans notre diversité : son ouverture ne doit pas être programmée pour demain
mais doit se voir immédiatement, maison commune non seulement de tous les membres de ses
composantes originelles mais aussi de toute-s celles et de tous ceux, non-encarté-e-s, syndicalistes,
associatifs, …, intéressé-e-s par cette nouvelle force politique à faire vivre et à construire ensemble.
La participation des Alternatifs au processus de regroupement "Tous Ensemble-Trait d’Union" engagé avec
la Fase, Gauche Anticapitaliste, Convergences et Alternative … impliquera le basculement d’une partie de
nos activités et de nos engagements financiers individuels vers la nouvelle force en construction. Nous
devrons donc redéfinir notre profil et notre champ d’intervention. C’est l’occasion de faire du neuf.
Le maintien d’un collectif "Les Alternatifs" répond à plusieurs nécessités :
Il nous faudra donc définir les moyens financiers, les modes de fonctionnement, les outils nécessaires dans
la période qui s’ouvre.
Le maintien d’un courant politique autogestionnaire organisé, Les Alternatifs, est indispensable non pas
contre la participation active au regroupement Ensemble, mais bien comme élément complémentaire à cette
participation. Nous travaillerons et participerons activement aux réflexions et actions avec les réseaux
décroissants, libertaires et anti-capitalistes et avec celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans le FdG.
Cela signifie le maintien de notre nom, la transformation du journal en revue mensuelle ou bimestrielle,
privilégiant la réflexion de fond et l’expression d’expérimentations, …, de l’existence de liste internet, site
internet, des initiatives de réflexions thématiques de type journées d’étude et de l’organisation de notre
Université d’été.
Ce maintien des Alternatifs, en nous appuyant sur nos valeurs, nous permettra :
Ce courant Alternatifs aura besoin de moyens financiers plus réduits que ceux des Alternatifs, mais qu’il faut définir, par exemple a partir des projets suivants :
Il est à ce stade difficile de définir un budget précis, mais :
Il faut mettre en place une vraie instance d’évaluation paritaire, autonome vis à vis du Collectif d’Animation,
tout particulièrement dans le cadre d’une convergence puisqu’il est devenu nécessaire de faire non
seulement des propositions sur l’avenir de notre mouvement, mais d’ores et déjà de commencer à le
transformer.
Ce projet implique un engagement raisonné, moins paralysé par les tâches de représentation et les enjeux
tactiques, reposant sur la recherche du commun plutôt que de la démarcation entre nous, plus centré sur la
production d’idées et propositions, celles-ci pouvant être portées dans des cadres diversifiés. Il peut être une
démarche complexe mais novatrice et intéressante, une expérimentation enrichissant et confortant des
engagements sociaux et politiques diversifiés.
La fusion définitive des Alternatifs au sein du regroupement ne se fera pas sans l’organisation d’un Congrès
Extraordinaire à l’échéance d’une décision collective.