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Communication au Congrès des Alternatifs sur la crise économique et financière


Cette année 2008 aura indiscutablement été une année riche en rebondissements. Dès l’été 2007, un nom revient régulièrement à la une de l’actualité : les « subprime ». Ce terme désigne les crédits immobiliers accordés à des ménages à faibles ressources avec des taux d’intérêt élevés pour compenser le risque (d’où le nom de « subprime ») accompagnés très souvent, de paiements mensuels inférieurs aux intérêts les premières années, ce qui avait pour effet de surendetter ces ménages au-delà du montant de l’emprunt. Ce mécanisme ne pouvait marcher qu’à une condition : que le marché immobilier monte sans cesse… hypothèse pour le moins hasardeuse, notamment lorsque la Federal Reserve remontera son taux directeur de 1% à 5,25% en l’espace de moins de deux ans ! Les banques émettrices de ces créances connaissant la valeur relative de celles-ci vont les replacer sur les marchés financiers sous forme d’obligations à haut rendement (titrisation), garantis par des produits dérivés (les Credit Default Swap) et donc notés comme papier de qualité par les agences de notation de dettes (Standard & Poors, Moody’s…). Tous les ingrédients sont alors posés pour conduire à une crise financière et bancaire de grande ampleur : des créances douteuses qui ont été regroupées puis découpées et diffusées dans l’ensemble du secteur financier, constituant ainsi une véritable bombe à retardement.

Face à cette crise des plus prévisibles, nous assistons aujourd’hui à un bal des hypocrites assez inédit. Du jour au lendemain, nos dirigeants politiques s’en prennent à une finance totalement amorale, avide de profits et épinglent les somptueux bonus de fin d’année distribués dans les banques ainsi que les parachutes dorés et autres stock options. Pour un peu, on les verrait aux tribunes des Forums Sociaux Mondiaux ! Comment expliquer alors que ceux-ci n’aient pas averti le monde entier du danger qui se préparait ? La réponse est simple : ce que faisaient ces banques américaines arrangeait nos dirigeants politiques.

Pour comprendre les raisons de cette crise, il est nécessaire de revenir à la deuxième partie des années 90. Tout le monde est sous le charme des vertus de l’Internet et d’une présupposée économie de l’immatériel, les indices bousiers montent vers des sommets qu’ils ne réatteindront jamais plus (le CAC40 à 7000 point au début de 2000). Cette période correspond mécaniquement à une embellie générale sur le front de l’emploi : les entreprises ont intérêt à investir, à embaucher puisque leurs investissements sont fortement valorisés. Durant l’année 2000, nous assistons à un renversement de tendance : les investisseurs comprennent que les valorisations boursières sont irréelles vis-à-vis de l’avenir et que les profits du moment ne les justifient pas. On passe alors à des ventes d’actions massives qui vont faire plonger les bourses mondiales.

C’est alors que le capitalisme va revenir aux « fondamentaux ». En clair, il s’agit de dégager un niveau de dividendes suffisant pour justifier une nouvelle hausse des cours boursiers. Le chômage renaissant sera un élément-clé dans la compression des salaires. La baisse des taux d’intérêt provoquée par les banques centrales permet une revalorisation naturelle des cours ainsi qu’un endettement accru des ménages, endettement qui favorise les profits et surtout les flux de trésorerie libres pour les entreprises, donc les dividendes… Tous ces ingrédients expliquent la nouvelle hausse des cours boursiers à partir de 2003, hausse qui permettra deux années plus tard une baisse des taux de chômage et des créations nettes d’emplois. Devant une telle embellie, la classe politique n’avait d’yeux que pour le libéralisme le plus absolu.

Cette présentation ne serait pas complète si nous ne replacions pas cette embellie dans le contexte d’une forte croissance de l’économie mondiale et plus particulièrement de celle des pays émergents. Si les pays de l’OCDE vont à nouveau progresser, de nouvelles économies émergentes vont connaître des croissances annuelles très fortes, généralement supérieures à 5% et dépassant même les 10% dans le cas de la Chine. Cette croissance va signifier l’entrée de centaines de millions d’individus dans le mode de consommation occidental et donc provoquer une hausse de la demande de pétrole, à une époque où les « réserves prouvées » ont tendance à plafonner. C’est dans ce contexte que l’année 2008 verra le prix de cette matière première dépasser les 145 $ le baril en juillet, cette hausse correspondant à une demande accrue de la part de ces pays, hausse qui n’aura qu’un caractère temporaire du fait de l’irruption de la crise bancaire et des craintes justifiées de récession qu’elle induit. Durant quelques mois, cette hausse est venue nous rappeler avec brutalité que nos modes de vie et de consommation basés sur la combustion d’hydrocarbures ne pourra nullement s’étendre à la totalité de la planète, ne serait-ce qu’à cause du changement climatique qu’ils induisent, que nous ne vivons nullement dans un monde virtuel mais bien réel et dont les ressources ne sont pas infinies. Conjointement à cette hausse du cours du pétrole, quelques années de sécheresse ont mis à mal les stocks de réserves alimentaires, ce qui s’est aussi traduit par une hausse des prix des denrées alimentaires provoquant dans les pays du Sud, des révoltes que l’on caractérise comme des « émeutes de la faim ».

Aux mois de septembre et d’octobre, cette crise des « subprime » s’est transformée en crise bancaire : les banques, se soupçonnant mutuellement de détenir des actifs dévalorisés, ne se prêtent plus d’argent, ce qui bloque le système bancaire et provoque un assèchement du crédit (credit crunch). Les économies déjà fragilisées par la baisse des cours boursiers se retrouvent cette fois-ci prises en étau avec un système bancaire défaillant. Tous les éléments sont là pour provoquer cette récession qui arrive aujourd’hui en Europe, récession qui, dans le cadre de nos économies capitalistes et marchandes, est facteur de chômage et de pression à la baisse sur les salaires. Toute la question pour la classe politique est désormais de savoir quel sera le prochain moteur de croissance et autant l’intervention des États dans le secteur bancaire que les déclarations de certains gouvernements (notamment américain et britannique) semblent indiquer que ce sera le déficit budgétaire qui prendra le relai de l’endettement déjà fort de nombreux ménages.

Par ailleurs, cette crise, qui a pour origine les États-Unis, a contribué à fragiliser la domination financière américaine sur le monde. Il est à noter qu’à deux exceptions près, Goldman Sachs et Morgan Stanley, toutes les banques d’investissement de Wall Street ont disparues, liquidées ou intégrées à des banques de réseaux, parfois étrangères ou avec forte participation de fonds souverains. Une fois de plus, l’endettement structurel des É-Unis vis-à-vis du reste du monde, va se croître. Ceci renforcera le poids politique des économies émergentes, et notamment de la Chine, comme en témoigne la volonté de Nicolas Sarkozy de tenir un G20 en lieu et place du G8, pour définir un nouvel ordre monétaire international.

2008 restera une année charnière dans l’histoire du capitalisme. En admettant que celui-ci parvienne à surmonter cette crise et à relancer l’économie, nous savons tous que le spectre d’un pétrole cher est toujours présent et coiffera toute perspective de croissance. C’est dans ce contexte que la FAO a alerté l’opinion publique internationale sur les risques d’extension de la faim dans le monde. C’est dans ce contexte que nous ressentons dans nos pays les premiers effets sur les plus précaires d’entre nous en termes de travail comme de revenus.

Cette crise n’est jamais que celle du profit. Nous vivons dans une économie dont les ressorts essentiels de l’investissement sont le profit et, faute de révolutions technologiques majeures, ce profit ne peut se réaliser que par un endettement supplémentaire d’une partie de la population au profit d’une minorité, endettement de plus en plus insoutenable et improbable. C’est la raison pour laquelle, plus que jamais, les autogestionnaires doivent se faire les promoteurs d’une société dans laquelle les investissements sont gouvernés par les besoins sociaux et écologiques, seule condition de nos émancipations individuelles et collective.



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