Commission économie et social
juin 2012
Les Alternatifs contribuent à faire avancer la reconversion écologique de l’économie et de la société dans une perspective antiproductiviste, anticapitaliste et autogestionnaire. Nous sommes face à un système qui pollue, marchandise les biens communs, dévalorise le travail, fait de nous des consommatrices et des consommateurs aliénés… L’approfondissement de la crise écologique et ses conséquences sociales imposent de mettre en place un nouveau modèle économique, affranchi des énergies fossiles dont le terme est annoncé à l’horizon d’une ou de deux générations, du pillage des matières premières et du gaspillage. Cela implique de rompre avec le système productiviste et la société de consommation.
Avec le "capitalisme vert", désormais avec "l’économie verte", le système en place essaie de transformer à son avantage la crise écologique provoquée par lui. Ces orientations ne constituent pas la bonne réponse ; au contraire elles nous éloignent de la solution (voir encadré).
Pour en sortir, les Alternatifs proposent une reconversion écologique de l’économie (énergie, industrie, agriculture, distribution, aménagement et urbanisme ) en vue de construire un système de production, de consommation et d’échange répondant de la meilleure façon possible aux objectifs suivants (extrait de Que et comment produire de "propositions pour une économie autogestionnaire") :
Ces orientations pour un alterdéveloppement permettent de répondre de façon satisfaisante à la question de l’évolution de la production de biens et de richesse et de leur répartition en dépassant les débats entre décroissance et type de croissance.
Cette conversion implique une transition permettant de construire progressivement les conditions politiques, sociales et économiques, avec affaiblissement du système en place, d’une telle transformation de la société.
1. Orientations pour la transition écologique et sociale
1.1 Cette transition implique à la fois et de façon articulée :
L’enjeu est de pouvoir rapidement aller au delà du seul développement des façons de produire et de consommer d’emblée favorables à la reconversion ; par exemple, ne pas seulement favoriser le développement des circuits alimentaires courts avec du bio mais aussi modifier des entreprises en amont et en aval de l’agriculture.
1.2 Cette transition exige une planification écologique souple et décentralisée :
En effet, ces trois changements doivent être réalisés en fonction de priorités définies politiquement, socialement, techniquement et économiquement ; ils doivent progressivement concerner tous les aspects du système productif (produits, technologies, investissements, emplois, voire organisation), des échanges, de la consommation et de l’organisation territoriale (aménagement et urbanisme). La planification écologique au sein de la planification générale est donc indispensable. On ne peut limiter l’écologie à la seule relation, "humanité et nature". Cette relation est importante dans la construction du mouvement social mais oublier les conditions productives conduirait à un idéalisme inefficace, donc dangereux.
Il ne peut bien sûr s’agir d’une planification centralisée et rigide ("à la soviétique") :
2. exemples d’orientations sectorielles :
2.1 Conversion énergétique :
2.2 Conversion industrielle
Dans ce cadre, les forces de la gauche de transformation sociale et écologique doivent réfléchir aux conditions de la transition de l’économie capitaliste actuelle vers une économie garantissant la satisfaction des besoins sociaux et économiques dans le respect de la planète. Il s’agit en particulier de favoriser la sobriété, dans le choix des technologies, dans les comportements et de réaliser la conversion de secteurs industriels dommageables sur un plan écologique, par exemple l’armement et l’automobile. Les travailleurs de ces secteurs ne doivent pas pâtir de cette réorientation de l’économie mais être formés pour les filières et technologies industrielles plus vertueuses sur le plan environnemental.
2.3 Conversion agricole et alimentaire
Ces deux domaines sont au cœur des objectifs écologiques et sociaux de la transition. Il faut cependant prendre en compte les nombreuses difficultés de cette transition en raison du poids du capitalisme dans l’ensemble du système alimentaire et de la logique productiviste d’une grande partie des systèmes agricoles ; l’agriculture paysanne et autre agriculture familiale durable, à favoriser, sont en effet minoritaires. Il faut donc à la fois fixer des objectifs précis et ambitieux (davantage que le Grenelle) en matière de règles de production, en favoriser ou en contraindre l’application, développer la recherche publique et les moyens d’information/formation, en lien avec l’enseignement. La limitation de la concentration des exploitations, par une politique foncière contraignante et par un régime d’aides publiques adapté, doit également favoriser cette transition écologique. L’amélioration de l’alimentation concerne l’ensemble de l’agriculture et pas seulement les filières labellisées et les formes innovantes (circuits courts …). Cette politique nationale doit, dans certains cas, être traduite à l’échelle régionale, par exemple pour sortir du productivisme en Bretagne et dans le bassin parisien. Toutes ces évolutions dépendent largement d’une autre politique agricole européenne mais d’importantes marges de manœuvre existent au plan national ; elles doivent être mises en œuvre avec les paysans et les consommateurs. De même, au niveau international, la conquête de la souveraineté alimentaire, inexistante actuellement en raison des règles commerciales et du poids des firmes, peut notamment commencer par des décisions prises avec d’autres pays, en dérogation aux règles de l’O.M.C.
2.4 Transports, distribution
Il faut inverser la tendance actuelle du capitalisme dans les différents segments des biens de consommation finale, alimentaire et autres : réaliser "son" marché à l’échelle mondiale avec les grands groupes de la production et de la distribution pour produire au moindre coût et avoir la plus grande masse de consommateurs. Il faut aussi casser notre propre système de distribution, fondé sur les grandes surfaces appartenant à quelques groupes, système qui fait pression sur les producteurs et impose un mode de consommation, qui par ses flux tendus et son mode d’approvisionnement multiplie les transports et accélère les délocalisations, détruit les systèmes locaux de production et d’échange (commerce de proximité …).
Déconstruire ce système et en construire un autre sont aussi complexes et difficiles que nécessaires, tant ces secteurs sont constitutifs du capitalisme néolibéral mondialisé. Là aussi, l’extension des alternatives actuelles (circuits courts alimentaires, commerce équitable aux différentes échelles, …), le développement de nouvelles pratiques individuelles ou de groupe, aussi nécessaires et intéressantes soient-elles, ne peuvent suffire. Dès la transition, il faut au plan international, impulser des relations coopératives avec des pays amis, y compris en contradiction avec les règles de l’OMC ; au plan interne, il faut renforcer les pratiques alternatives et les comportements vertueux, via notamment la restauration collective, tout en interdisant aux grands groupes certaines pratiques d’achat, de concentration, de marges. Il faut aussi, comme indiqué à propos de l’industrie, attaquer le système au cœur en développant des formes socialisées de production et d’échange.
2.5 Aménagement du territoire et urbanisme.
Dans ce domaine, les évolutions semblent plus faciles en raison du poids des politiques publiques et du rôle possible des citoyens. Mais le poids de la matérialité est très grand : coût et durée de vie du bâti, caractère structurant des infrastructures, prégnance de la voiture, trop fortes ou trop faibles densités de l’habitat … Les enjeux, à l’articulation du social et de l’écologique, sont très forts : dé ségréguer la ville, construire de nombreux logements, améliorer l’habitat existant, aux plans énergétiques et autres, renforcer les services publiques en zones rurale et urbaine, mieux répartir les productions en lien avec la conversion de l’industrie, de l’agriculture de la distribution, protéger les ressources (sols, eau, milieux). Autant de chantiers, conditions et résultats de la conversion écologique, à mener en donnant toute leur part aux citoyens-producteurs-consommateurs-habitants et à leurs organisations, locales ou non.
3. La période actuelle implique de se mobiliser et de s’organiser :
3.1 Se mobiliser sur trois axes …
3.2 tenir compte de deux exigences :
Actuellement, le capitalisme vert se développe principalement dans le champ de l’énergie : côté production avec de nouvelles technologies (comme pour l’éolien offshore) ou de nouvelles ressources (gaz de schiste, agrocarburants) et côté de l’usage (voitures basse consommation, voiture électrique…).Le traitement de l’eau et des déchets et des pollutions qu’il produit constitue aussi un enjeu économique extrêmement important dans un contexte de fort développement et de marchandisation par des entreprises privées sur financement en partie public au cœur d’un processus de financiarisation de ces activités, y compris avec opposition à l’évolution vers un droit protecteur pour l’eau Par contre il se protège au maximum côté changement climatique, soit en créant de nouveaux produits marchands (marché carbone) soit en freinant au maximum l’application des recommandations du GIEC. .
Certes, ce capitalisme rencontre, au delà de sa contradiction de fond entre finitude des ressources et productivisme, des limites concrètes : montant des investissements, possible baisse de rentabilité. Mais il serait dangereux de compter sur ces limites pour penser que ce capitalisme peut être provisoirement bénéfique sans dommage à plus long terme.
La dernière manifestation de cette dangerosité du système est l’offensive lancée pour le prochain sommet de Rio autour de "l’économie verte" : pour sauver les ressources écologiques et leurs services, il faut leur donner un prix et ainsi rendre possible leur marchandisation et en faire une source de profit. Ainsi, au lieu d’être protégée et valorisée aux différentes échelles par une protection/gestion publique des biens communs, la nature se trouverait incluse dans l’ensemble des processus économiques marchands et capitalistes : appropriation par des agents privés, investissements, création de valeurs, spéculation … La crise écologique est bien au cœur du système mais celui-ci tente de s’en sortir en développant une stratégie exactement opposée à celle nécessaire pour l’humanité et pour la planète.
Ne nous laissons pas manipuler par le verdissement du vocabulaire.
La conversion écologique implique donc une dure bataille qui nécessite, dès la phase de transition, de favoriser et de multiplier les alternatives déjà en place ou à venir mais aussi de s’attaquer, par des règles et par des investissements, au cœur du système pour l’affaiblir et le remplacer. Il faut aussi un projet politique porté par un mouvement social et politique fort.
Ce document reprend plusieurs passages des textes adoptés lors des derniers congrès des Alternatifs ou issus d’autres contributions. Il n’en reste pas moins un document d’étape à discuter et à améliorer sans modération.