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Les Alternatifs, Commission économie et social 8 décembre 2012

Note d’information sur l’actualité économique pour la Coordination du 15-16 décembre

par Jacques Pigaillem


1. Six mois de politique économique du gouvernement Ayrault/Hollande

a. Jouer les marges social démocrates
Les 21 propositions du candidat Hollande sont bien loin des 101 propositions de François Mitterrand en 1981, tant par leur nombre que par leur contenu. Sans prétention à changer la vie, mais tout au mieux à corriger les excès du précédent président, elles étaient si tenues qu’une année suffira à les tenir (en partie).

Rappelons les principales propositions économiques et sociales : Retraite anticipée pour les carrières longues, revalorisation du SMIC, blocage des loyers et des prix du carburant, création de 60 000 emplois dans l’éducation nationale, contrats d’avenir et de génération, abrogation de la TVA sociale, retour progressif à l’équilibre budgétaire mais de façon équitable par répartition des efforts.

Ces propositions relèvent de ce que Michel Buisson nommait dans la note précédente, « les marges social démocrates »

Volet Projet Hollande Possibilités supplémentaires Modalités pour les valoriser
Déficit budgétaire Le ramener à 3% en 2014 Le garder au niveau actuel voire l’accroître Consensus* social fort pour une autre politique économique et fiscale rigoureuse et juste
Dettes publiques Les rembourser Report d’une partie, contrôle des banques et pôle public Idem sur consensus avec conditions de financement pour éviter des taux abusifs
Fiscalité et emprunt Augmenter un peu les recettes par une fiscalité plus juste et banque publique Réforme fiscale plus radicale et emprunt Idem sur consensus
Dépenses supplémentaires Hausse smic (+ 2% ?), pas de hausse des emplois dans le public Hausse plus forte à CT et hausse des minima sociaux Idem sur consensus avec politique de l’emploi

Toutes tenues ou engagées, y compris la création d’un pôle public de financement, elles le sont sur une base allégée (entre 0% et demi-écrémé). C’est mieux que rien et cela satisfait un peu quelques revendications urgentes et symboliques tout en donnant l’impression de changement : le dispositif des carrières longues va au final toucher peu de monde (il concernera pleinement des générations ayant commencé à travailler tard et ayant connu de nombreux trous dans leur carrière) et à la marge (il permettra de partir entre 60 et 61 ans au lieu de 62 ans alors qu’avant la réforme Fillon les mêmes pouvaient partir à 58 ou 59 ans) ; les créations d’emploi se font de façon précaire ; le SMIC est revalorisé de 2% ( environ 25 € par mois) ; le prix à la pompe a diminué de 6 cts, en partie par baisse de la fiscalité ; la banque publique d’investissement n’est que le regroupement d’organismes existants.

Le gouvernement a donc joué les marges social-démocrates mais sans aller au bout des possibilités :

  • Concernant le déficit, il aurait pu adopter un rythme moins rapide de réduction, et jouer sur l’ambiguïté de la notion de déficit structurel . Il aurait pu ainsi financer par l’emprunt des investissements destinés à la reconversion écologique, tout en profitant de la détente sur les taux d’intérêt de la dette française.
  • Concernant le secteur financier, en ne cherchant pas à intégrer le secteur mutualiste, ni à imposer des règles au système marchand au pôle public, au lieu de se limiter à une simple réorganisation des participations publiques
  • Concernant la fiscalité, il a renoncé à un alourdissement de la fiscalité des bénéfices distribués, à la suppression de certaines niches fiscales (dont les placements dans les DOM, les allégements de charges patronales etc.)
  • Côté salarial, une politique des revenus, même modérée, tendant à réduire les inégalités n’a même pas été tentée, au-delà de la limitation des salaires des patrons d’entreprises publiques.

b. Un budget qui ne mécontente pas (trop) grand monde
Ce budget, au moins dans sa proposition initiale est fort habile : un peu de rigueur (mais on crée des emplois dans l’Education Nationale) et des hausses d’impôt partagées et ciblées. Le rabotage des niches fiscales, la tranche à 45% ne vont toucher que les 10% des plus hauts revenus (ce que la droite appelle les classes moyennes !!!), l’imposition des revenus du capital n’est renforcée qu’à la marge et pour les plus gros gains, les entreprises sont taxées sur leurs plus-values et imposées sur une partie des intérêts d’emprunt.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu ne sera visible qu’à réception des feuilles d’impôt, en septembre 2013. Son ressenti sera atténué par trois facteurs : la hausse de la décote qui annulerait les conséquences du gel pour 7 millions de ménages ; le gel des salaires dans beaucoup d’entreprises ; l’accroissement du chômage et la baisse des revenus qui y sont liées.

c. De quoi demain sera fait ?
Sur le plan fiscal on ne peut aller beaucoup plus loin sans mécontenter un plus grand nombre. L’instauration d’une cotisation de 0,30% sur les revenus des retraités imposables sera peu ressentie en 2013, mais est grosse de hausses futures. La TVA sociale a été abrogée, mais les tentations de hausse de la fiscalité sur la consommation sont grandes (taxe sur la bière, redevance télé etc.) tout en n’étant efficaces qu’à forte dose.
La suppression même de la défiscalisation des heures supplémentaires va se faire sentir fortement sur le pouvoir d’achat des salariés concernés.

L’offensive du patronat contre les quelques hausses de la fiscalité des entreprises, les gaffes sur les hausses de CSG, et le débat sur le choc/trajectoire de compétitivité tracent les limites de la politique gouvernementale et sont grosses de menaces pour les classes défavorisées.
A peine bouclé, le projet de budget, le gouvernement a tranché ce débat en faveur des entreprises. Il ne jouera pas plus les marges social-démocrates. La compétitivité devient l’enjeu principal et passe par une réduction des coûts salariaux, grâce à une hausse de la TVA et une austérité budgétaire accrue.
La réduction des coûts salariaux n’est ni la meilleure ni la seule façon de rétablir la compétitivité. Il s’agit de purs sophismes issus de la pensée unique.
La compétitivité se joue sur la qualité des produits autant que sur leur prix. Cela relève de la formation, des efforts de recherches et des processus de qualité. Quant au prix, la masse salariale n’en est qu’une composante par mi d’autres : le coût du capital (à travers les taux d’intérêt et la rémunération des actionnaires), le prix des matières premières et la capacité à les économiser et à les recycler, la rente versée aux intermédiaires, la rente foncière liée au prix de l’immobilier, les coûts externes liés à l’aménagement de l’espace etc…. C’est toute la question d’une politique industrielle et de a reconversion écologique de l’économie qui sont en jeu.

La compétitivité n’est par ailleurs pas l’enjeu principal. 60% des échanges extérieurs des états européens se font entre eux. La politique de compétitivité-prix revient avant tout à s’insérer dans une concurrence au moins disant social en Europe fondée sur la disparité des économies des différents pays. Dans une Europe réglée par une monnaie unique sans politiques régionales et industrielles fortes, la seule chance de l’Espagne et des pays du sud est de pratiquer une déflation salariale. Quant aux pays d’Europe centrale et orientale, la faiblesse historique du niveau de vie est leur seul atout.
L’enjeu principal est donc celui de la construction d’une autre Europe, fondée sur l’harmonisation sociale par le haut, des politiques régionales et européennes tendant à rapprocher les structures économiques des différents états de l’Union par un financement solidaire des infrastructures, de la formation et de la reconversion écologique.
Quant à l’extérieur de la zone euro, le problème majeur et actuel est celui de la surévaluation de l’Euro. A moyen terme, la lutte pour une autre mondialisation est le véritable enjeu (voir la ni note « Démondialisation/Altermondialisation » de la commission économie et social)

d. Une impasse politique et économique
Au final toutes ces mesures à fort contenu symbolique ne sortent pas de la logique libérale et ne remettent nullement en cause les mesures du gouvernement Sarkozy/Fillon que ce soit dans les domaines de la santé (fermetures d’hôpitaux, rémunération à l’acte, déremboursements, dépassements d’honoraires…), des retraites, des droits des chômeurs (pas d’avancée sur la sécurité sociale professionnelle), de la déréglementation du droit du travail et de la flexibilité des emplois, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) …
Pas de rupture non plus avec la conception productiviste. Toute la stratégie reste centrée sur le retour (« bientôt ») à la croissance. Une croissance pas même verte, aucun signe tangible ne laissant prévoir la transition énergétique et encore moins une reconversion écologique.

2. Une crise qui s’étend et s’approfondit
Dans ce contexte la crise s’approfondit et le bout du tunnel n’est toujours pas en vue.

  • La France est tombée dans la stagnation. Le chômage s’y accroît sans cesse suite à la multiplication des plans sociaux et leur déclinaison chez les sous-traitants. Ceux qui ont un emploi mettent de l’argent de côté au détriment de la consommation, moteur du capitalisme français. Et l’on peut s’attendre à voir monter le nombre de faillites dans les commerces et les services. La croissance n’est pas à l’horizon.
  • C’est désormais toute l’Union européenne qui est touchée y compris l’Allemagne, dont les exportations stagnent.
  • En Asie, la Chine peine à trouver un relais à des exportations en forte baisse, tandis que les multinationales commencent à rechercher des pays moins chers (Laos, Vietnam, …)
  • L’économie des Etats-Unis d’Amérique réussit pour l’instant à surnager sans avoir réussi à sortir les victimes de la crise de leur situation. Mais qu’en sera-t-il une fois passées les élections ? La dette de l’Union pourra-t-elle continuer à s’accroître pour soutenir l’activité

a. La crise de la dette souveraine en Europe
Depuis l’été, la spéculation sur les taux d’intérêt consentis aux états s’est calmée sans pour autant que les perspectives de la Grèce et du Portugal n’aient significativement changé. L’austérité continue à s’y renforcer sans guère de résultat, tout comme en Espagne qui semble (mais n’est-ce qu’illusion ?) réussir à gérer pour l’instant sa crise bancaire et celle des finances des régions autonomes sans recours aux mécanismes de soutien européens.
En fait rien ne change, tout s’aggrave mais les marchés ont confiance. Les mesures prises au dernier sommet de juin ne sauraient expliquer un tel paradoxe, en dehors du chèque en blanc laissé (à contrecoeur) à la BCE pour racheter les titres des dettes des états.
Les sommes versées aux banques par la BCE pour le rachat de ces titres ne semblent servir qu’à assainir le bilan des banques, et non à assurer la relance, encore moins à financer la reconversion de l’économie. La bulle de la dette a été absorbée par la BCE, mais elle reste présente et les états en restent redevables.

b. La crise sociale et l’atonie du mouvement social en Europe
La crise sociale s’étend dans les pays du sud. Régression du pouvoir d’achat, détérioration des services de santé et de la couverture sociale, chômage se traduisent par la reprise de l’émigration vers les pays du nord de travailleurs espagnols, portugais et grecs (vers la Turquie et les USA).
En France même, le nombre de suicides attribués au chômage et à la précarité s’élèverait à près de 600 depuis le début de l’année.
Dans ce contexte, les luttes restent vivantes dans les pays du sud les plus touchés par la crise. Les grèves générales se succèdent sur un rythme mensuel. Le recul tactique du gouvernement portugais sur la taxation des ménages en septembre a pu donner quelque signe d’espoir, mais n’a pas enrayé l’avancée de l’austérité
En Grèce si les spécialistes notent des progrès dans la gestion (gouvernance) du pays, les riches et les puissants restent toujours épargnés par l’austérité et exempts de tout effort fiscal.

La lutte des peuples du sud pâtit de la faiblesse du soutien des autres peuples d’Europe. Le capital européen est uni derrière la troïka tandis que les masses populaires et leurs organisations continuent à raisonner à l’horizon national.
La grève générale du 14 novembre au Portugal, en Grèce et en Espagne, malgré son succès représente un verre à moitié vide : d’un côté c’est la première fois qu’une grève de cette ampleur est coordonnée dans plusieurs pays mais d’un autre, elle s’est réduite ailleurs à des manifestations et des grèves sectorielles. On n’en est pas encore à la construction d’un mouvement social européen malgré la prise de position de la CES contre le TSCG.

c. Comment en sortir ?
• Keynes le retour ? Les pays de l’OCDE semblent connaître ce que Keynes avait appelé la « trappe à liquidités ». Les taux d’intérêt baissent (proches de zéro), les banques reçoivent des liquidités en abondance, mais la relance n’est pas là.
Seul le déficit public semble à même de relancer la machine capitaliste comme le fait (modestement) le gouvernement des Etats-Unis.
Depuis le sommet européen, l’on voit fleurir des idées sur plus d’intégration et de coordination économique en Europe. Les plus audacieux, comme Jacques Delors et (bizarrement) les Verts, envisagent une relance budgétaire européenne.
Ces réflexions ne sont pas sans intérêt mais occultent les vrais questions de la construction européenne : l’exigence démocratique et l’existence (la construction) d’une opinion publique européenne.
Mettre la charrue technocratique avant les bœufs de la démocratie reste le seul credo de ces euro-béats.

• Epurer la dette souveraine
La dette des états ne disparaîtra pas comme ça. Certes la croissance perpétuelle pourrait en atténuer le poids, mais ne la ferait pas disparaître. La question de son apurement reste donc d’actualité. Par l’austérité, l’inflation ou le défaut.

  • L’austérité a fait la preuve de son inefficacité.
  • Dans une conjoncture récessive, l’inflation ne peut venir que de nouveaux déficits budgétaires financés par de la création monétaire. C’est ainsi que dans les milieux du Front de Gauche, on réclame le financement direct des états par la BCE , mais cela ne vaudrait que pour l’avenir sans régler le passif.
  • Reste le défaut total, partiel sur la dette et/ou sa charge Frédéric LORDON prône le défaut sur le principal de la dette, envisageant la faillite des systèmes bancaires avec sérénité. Cela permettrait aux états de le racheter les banques à vil prix et de procéder de la sorte à une re-socialisation du secteur. Cette solution aurait des conséquences difficiles à mesurer pour les couches populaires dont la petite épargne et la protection sociale sont largement investis dans des produits financiers complexes et opaques. Pour éviter de créer un grave problème social, une mesure de protection plafonnée des dépôts et des placements devrait être prise.
    Sans aller jusque là on peut envisager un moratoire, voire un défaut sur les intérêts de la dette qui rappelons le, représentent en France le deuxième poste budgétaire (40 Mds € dans le budget 2012), et beaucoup plus dans les pays du sud.

• Changer de logique Relance budgétaire européenne, apurement de la dette, financement des déficits par le BCE, tout cela doit être combiné mais dans le cadre d’un projet global, porteur de démocratie, de maîtrise de l’économie par les peuples et de transition vers la reconversion écologique de l’économie.

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