La référence à la crise est sur toutes les lèvres. Les gouvernements et les experts en tous genres, relayés par les médias, nous indiquent que la crise est grave, appelant des mesures fortes.
Mais quand on examine avec précision ce qu’ils proposent, on voit que :
Donc : aucune analyse sérieuse de la "crise" et des décisions prises qui vont se révéler dramatiques.
Il y a une sorte de folie dans la fuite en avant dans des dépenses publiques considérables, simplement destinées à maintenir à flot un système économique profondément malade, que l’on garde pour l’essentiel intact en vertu de la croyance aveugle dans le caractère cyclique – donc rassurant – de la crise !
1. Les causes de cet ébranlement.
La réalité est très différente de ce qui est dit. Nous sommes engagés dans un véritable ébranlement de tout le système économique et social mondialisé, tel qu’il s’est mis en place et développé depuis les années 1983-84, c’est-à-dire depuis un quart de siècle. Voilà ce que les gouvernements et experts refusent de voir. C’est bien davantage qu’une crise, même si ce mot reste commode pour en parler.
La cause centrale : depuis le début des années 80, deux processus ont été initiés puis largement développés, inscrits en profondeur dans la nouvelle structuration du capitalisme mondial. Deux processus, largement opposés, qui sont, actuellement, entrés en brutale collision.
Le premier, le plus connu et évident, a été une véritable flambée du capital, que le capitalisme n’avait jamais connu auparavant, tant dans son ampleur que dans ses modalités. Cette flambée a concerné toutes les formes de capitaux : celui des grandes firmes en voie de mondialisation, celui du capital bancaire, celui, enfin, du capital financier, qu’il est plus rigoureux d’appeler : capital de placement. Elle a été soutenue, depuis un quart de siècle, pour tous les gouvernements successifs, quels que soit les pays et les couleurs politiques. Très rapidement, le grossissement spectaculaire du capital mondialisé, sous toutes ses formes, a posé problème : il s’est formé un excédent de capitaux les plus liquides possible et en attente de très hauts rendements, tel, qu’au lieu de soutenir la croissance économique, il l’a affaibli.
Le second grand processus est lui aussi largement connu : la compression du revenu salarial, qui débouche actuellement sur un appauvrissement des salariés et sur une montée inquiétante de la pauvreté proprement dite, montée en intensité et nombre de personnes concernées, et ceci dans les pays centraux les plus développés.
Progressivement, la " modération salariale" prônée en dans les pays capitalistes les plus développés, s’est orientée, ces deux dernières années, vers un appauvrissement absolu, retrouvant la tendance qui affecte déjà, de longue date, la situation de la majorité de la population du globe.
Tout laisse à penser qu’à partir de ces dernières années, la digue a commencé à se rompre. Les personnes en sont conscientes : quand on fait des enquêtes à ce sujet, on voit nettement grandir l’inquiétude de chacun de basculer dans la pauvreté.
Quand on monte en parallèle le processus de flambée exceptionnelle du capital et du profit et celui d’une tendance de fond à l’appauvrissement, d’abord relatif, puis absolu, on voit se dessiner le choc qui s’est produit, fin 2007 et en 2008 : le capital a étouffé, par sa masse énorme et son avidité, la base qui lui est nécessaire, à la fois pour engendrer un profit durable, ancré dans l’usage de la main d’œuvre salariée, et pour soutenir la demande solvable. Le choc a été et est d’une grande brutalité. Il s’est créé une énorme disproportion entre la masse énorme des capitaux demandant des taux élevés de rentabilité (dont une large partie n’était plus que des capitaux financiers) et les possibilités de plus en plus limitées de travail et de rémunération des salariés, à l’échelle mondiale.
La forte croissance des pays émergents (Chine, Brésil, Russie, Inde) n’a fait que différer le clash. Ces pays sont désormais rattrapés par l’ébranlement que nous connaissons.
Le reste : la forte montée de l’endettement des "ménages" pour tenter de maintenir leur niveau de vie, la crise des subprimes, la chute de la demande, etc., ne sont que la conséquence logique de ce choc.
2. La rencontre avec la crise écologique.
L’ébranlement actuel du capitalisme englobe une autre dimension incontournable : la gravité de la crise écologique et l’urgence qu’il y a à y faire face.
Cette crise se développe selon une double modalité :
Bref : on relance la crise écologique, sans rien modifier à la dimension sociale de la crise économique ! On perd sur les deux tableaux à la fois.
3. Quelques pistes de solution.
Proposer des solutions à l’ébranlement du capitalisme est en lui-même un vaste sujet.
Nous nous contenterons de poser des jalons :
3.1. Le redressement des revenus salariaux.
Faire face à l’appauvrissement et modifier en profondeur et durablement le rapport entre profit et salaires est un impératif incontournable. Rappelons que font partie du salariat, non seulement les salariés actifs, mais les chômeurs, les retraités et la jeunesse qui se prépare à entrer sur le marché du travail. Rappelons que le salaire n’est pas uniquement constitué par le salaire direct, mais aussi par le salaire socialisé, par la redistribution associée à toutes les formes de prestations sociales, en revenu et en nature. Le redressement des revenus salariaux est donc un chantier énorme, multiforme, mais d’autant plus urgent. Il doit faire l’objet d’une seule et même politique pour en garantir la cohérence.
3.2. La promotion de la valeur d’usage et la sortie de la consommation.
Redresser durablement le revenu des salariés ne peut pas signifier une relance de la consommation, sauf à retomber dans les errements du passé. Il convient de considérer désormais les projets de développement de la production, matérielle ou servicielle, non pas sous l’angle de "produits à consommer", mais sous l’angle de biens et services améliorant positivement, sur le plan social et écologique, les conditions du vivre commun et individuel. Bref : non pas produire pour produire, mais produire pour améliorer la qualité de la vie sous tous ses aspects, et cela ne peut pas se faire sans délibération démocratique, associant producteurs (comme travailleurs et citoyens), usagers et Etat.
3.3. L’ouverture sur le dépassement du salariat.
Nous voyons à de nombreux signes que la condition salariale, donc la soumission à un employeur pour avoir un emploi et un revenu, est devenue un cadre dépassé, désuet.
Cela comporte nombre d’aspects, en particulier :
3.4. Vers l’autogouvernement.
Ces orientations ne peuvent être promues que si l’on commence à modifier les structures de la propriété et du pouvoir. Que si l’on commence, à travers des débats démocratiques, orientés vers des prises de décision concrètes et rapides, à promouvoir la faculté de chacun et de tous d’être organisateurs et décideurs de choix décentralisés, tant en matière de production que d’usages des biens et services. Il n’existe pas de contradiction, mais simplement une exigence, à replacer ces choix décentralisés dans une vision mondiale (ce qui, au plan écologique, sur le plan de la solidarité avec les plus pauvres et sur le plan de l’ouverture à l’apport des autres cultures, est une exigence incontournable).