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Partie 1 du texte voté par la congrès des Alternatifs

Une crise globale, une crise de civilisation

le 18 novembre 2012

La crise du capitalisme mondialisé est désormais une crise globale, une crise de civilisation dont l’issue est incertaine. A la fois mise en lumière et aggravée par la crise financière ouverte en 2007/2008, elle revêt plusieurs dimensions économico-sociales, démocratiques, idéologiques, géopolitiques, écologiques … et donne lieu à une fuite en avant des classes dominantes.


La crise économique et financière a des conséquences sociales dramatiques pour des millions de salarié-e-s mis-e-s au chômage, soumis-e-s à la pression de la précarité et à une forte dégradation des conditions de travail, et toutes et tous mis-e-s en concurrence par la jungle néo-libérale.
Le néo-libéralisme est contesté dans ses fondements par les peuples et une foison de nouveaux mouvements sociaux, mais garde l’avantage, malgré des contradictions de plus en plus fortes.
Sous l’effet des politiques néo-libérales imposées par la droite et relayées par le social-libéralisme, l’aggravation continue des inégalités sociales depuis la fin des « Trente glorieuses » a pour effet d’entretenir en permanence les éléments d’une crise de surproduction.

Mais la crise ne saurait en aucun cas se réduire à cette seule dimension. La crise est aussi une crise écologique majeure, largement révélée par la crise climatique et le réchauffement de la planète -dont le diagnostic n’est plus contesté aujourd’hui que par les multinationales et leurs relais politiques et scientifiques- une crise d’un système de la catastrophe, comme à Fukushima et aux effets parfois déjà irréversibles. La crise écologique est multiforme et généralisée, de l’effondrement de la biodiversité à la menace nucléaire en passant notamment par la déforestation, la crise alimentaire, la crise du modèle productiviste agricole, l’artificialisation croissante des sols, l’extractivisme, les pollutions, l’accumulation de déchets plastiques et autres jusqu’à former un « 7ème continent », sans oublier l’intensification exponentielle des champs et les rayonnements électromagnétiques.

Aux pollutions radioactives chimiques et nanotechnologiques croissantes, mais invisibles, de l’air, de l’eau, des sols, le « capitalisme du désastre » - adossé à un scientisme meurtrier qui fétichise « la » recherche sans jamais préciser laquelle ni au bénéfice de qui – prétend répondre par des dispositifs de « mesures », de « protection », de prétendue dépollution, et par une médecine high tech pour les privilégiés, tout en exigeant de breveter intégralement le vivant.

La crise est également une crise démocratique profonde, exprimée à travers une démocratie représentative à bout de souffle, une abstention électorale grandissante et un rejet massif du système politique et de sa représentation, synonyme de professionnalisation et de carriérisme, de cynisme, de domination des oligarchies, et de corruption à toutes les échelles résultant des liens de plus en plus étroits entre les bourgeoisies financières et les élites politiques et médiatiques.

C’est l’un des aspects de ce qu’expriment avec force les Indignés, comme l’exprimaient les révolutions arabes dans leur première phase. C’est enfin ce qui se manifeste au travers des aspirations plus nombreuses à la démocratie active et à l’autogestion, dans la cité comme dans l’entreprise.

D’un point de vue idéologique, les classes dominantes accentuent la répression contre les mouvements sociaux et toutes les formes de contestation de l’ordre établi. Elles n’hésitent pas à désigner des boucs-émissaires parmi les couches populaires les plus défavorisées pour justifier leur remise en cause des politiques sociales. Elles utilisent l’idéologie raciste, identitaire et xénophobe pour maintenir leur domination. Enfin, la crise est géo-stratégique : la montée en puissance des pays dits « émergents » est pour les sociétés du Nord le début de la fin d’une hégémonie de cinq siècles, faite pour partie de pillage et de domination coloniale, la mise en cause partielle de celle-ci au XX° ayant été récemment prolongée par le processus commencé des révolutions arabes. Pour autant, l’hégémonie militaire états-unienne perdure malgré l’émergence d’un monde multi-polaire.

C’est donc à une crise systémique, une crise globale et multiforme que l’humanité est confrontée : une crise de civilisation, disions-nous lors de notre congrès de novembre 2010 et de son prolongement en juin 2011.

Rien de ce qu’il s’est produit dans la dernière période à l’échelle mondiale ne vient infirmer ce point de vue : au contraire, la crise s’approfondit. Ce à quoi nous assistons, c’est à une crise de civilisation à la fois sociale, culturelle et technique, à un rythme accéléré, sans précédant dans l’histoire planétaire.

Le désastre de Fukushima révèle dans toute sa brutalité qu’une poignée de dirigeants politiques et de transnationales sont prêts à sacrifier sciemment la population de tout un territoire, et en particulier les plus jeunes, à la lucrative poursuite de leurs activités.

Du côté des dominé-e-s l’émergence d’un projet alternatif n’apparaît pas clairement.
La bourgeoisie et son personnel politique pour leur part, entendent prolonger et approfondir l’offensive néo-libérale en faisant payer la crise par les peuples, comme on le voit à l’échelle de l’UE au travers du TSCG.
Ce faisant, dans une spirale infernale, elle aggrave davantage encore les inégalités, détruit plus encore les acquis sociaux, réduit les marges budgétaires et les rentrées fiscales et alimente quasi-mécaniquement la récession dans un nombre croissant de pays du centre comme de la périphérie, les pays dits « émergents » eux-mêmes étant menacés après leur croissance vertigineuse.
Partout l’argument de la crise économique permet aux dominants de nier le caractère crucial de la crise écologique et des alternatives que les limites matérielles et biologiques de la planète imposent, sauf à basculer dans une barbarie d’ordre technologique.

De manière complémentaire et indispensable pour dresser les peuples les uns contre les autres, et à l’échelle de chaque pays une partie des couches populaires contre une autre, la bourgeoisie et ses idéologues, y compris ceux venus de la gauche en particulier en Europe et en France, tiennent un discours qui ne les distinguent plus guère de l’extrême droite :

  • ils utilisent sous couvert de guerre de civilisation et de défense de la laïcité ou des droits des femmes le poison du racisme et en particulier la stigmatisation d’une partie, souvent la plus déshéritée, des couches populaires, à travers l’épouvantail islamiste ;
  • il en va de même pour la menace, toujours agitée, que ferait peser l’immigration ;
  • les pouvoirs en place restreignent les libertés et mettent en place partout un Etat autoritaire et une idéologie sécuritaire aux relents parfois fascisants, seulement atténués par les sociaux-libéraux quand ceux-ci succèdent aux partis bourgeois à la tête de l’État.

A la crise écologique majeure aucune réponse sérieuse n’est apportée à l’échelle mondiale, comme l’ont illustré les résultats catastrophiques des conférences de Copenhague en 2009 ou davantage encore celle de Rio en 2012, vampirisée par les multinationales avec la caution regrettable de l’ONU : une aile de la bourgeoisie et une partie de son personnel politique a le « capitalisme vert » comme réponse. Mais celui ci ne remet en rien en cause l’idéologie de la croissance infinie, et n’ouvre pas davantage la perspective d’une société solidaire.
Combiné à la fuite en avant néo-libérale, aux politiques d’austérité et au refus, de fait, de toute régulation économique, le « green washing » n’est qu’un écran de fumée.

A la crise démocratique profonde ne répond que le spectacle politicien ordinaire, la difficulté de plus en plus grande de discerner ce qui différencie les forces politiques institutionnelles de la droite et du social-libéralisme dans leurs pratiques comme dans les politiques menées.

La pression de la « troïka » en 2011 et 2012 pour imposer à l’échelle de l’UE des gouvernements technocratiques ultra libéraux liés aux milieux de la finance et de la spéculation, auxquels s’associent politiciens de droite, d’extrême-droite et du social-libéralisme, comme on l’a vu en Grèce, révèle que se poursuit la crise de la politique et de sa représentation.
En progression, y compris dans une partie des couches populaires, l’extrême-droite tente de se poser en alternative, particulièrement en Europe où elle pèse idéologiquement sur l’ensemble du champ politique.

Quant aux réponses réactionnaires à la crise géo-stratégique, elles se déploient sous nos yeux : c’est le sens de la montée en puissance combinée des campagnes de presse islamophobes et racistes ; encore et toujours le choc des civilisations dans de nouvelles expressions au gré de l’actualité et des soubresauts de la crise mondiale.
La menace brandie par les républicains américains d’un retour à une politique états-unienne plus agressive, relève de cette dimension géo-stratégique de la crise mondiale. Cette crise systémique globale est porteuse de tous les dangers, y compris d’un risque de guerres de grande ampleur au delà des conflits de « basse intensité » auxquels les opinions publiques se sont trop vite accoutumées.
Constituent autant de signes d’alerte les bruits de bottes au Proche et Moyen Orient et les menaces d’intervention contre l’Iran, les tensions en mer de Chine sur fond de fièvre nationaliste en Chine comme au Japon, la tentation de la prolifération des armes nucléaires, en particulier en Asie du sud, mais aussi au proche et Moyen Orient. La bataille pour la paix reste un enjeu majeur pour l’humanité. Les Alternatifs seront des combats pour la sortie de l’OTAN et pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France.

Les puissances atomiques historiques persistent à refuser de respecter leurs engagements internationaux en matière de désarmement effectif. A cet égard, la banalisation, depuis les explosions de Fukushima, des dispersions de radioactivité, systématiquement présentées comme anodines, jointe aux multiples travaux sur la miniaturisation des charges atomiques, constituent autant de signes inquiétants, dans un contexte où des armes climatiques et de géo-ingénierie se sont ajoutées à la panoplie bactériologique et chimique, et où les conséquences écologiques des guerres sont de plus en plus dévastatrices et pérennes, restreignant l’accès à des terres nourricières qui ne sont pas extensibles et sont déjà la proie de multiples conflits d’usage.

Tandis que l’Amérique latino-indienne demeure au cœur des mobilisations, des pratiques de démocratie active et d’autogestion qui dessinent les contours d’une alternative, le retard d’élaboration d’un projet alternatif se fait sentir particulièrement en Europe où l’altermondialisme marque le pas mais où, au sud du continent le plus durement touché par les politiques de régression sociale et à proximité du « monde arabe », les mobilisations se multiplient.
Pour l’ensemble des dominé-e-s, ces mobilisations représentent un espoir et un point d’appui, elles ne dessinent pas encore une alternative.

Une crise de civilisation ne se résout ni par des aménagements prudents ni par des chimères telles que le capitalisme coopératif, pas plus que par le fumeux capitalisme vert.
Ces orientations sont celles du social-libéralisme et de l’écologie modérée : déjà condamnées par la nature même de la crise, elles ne font guère illusion mais alimentent le sentiment d’impuissance, la colère et le désarroi. Ces orientations préparent le terrain du retour au pouvoir de la droite et à l’extrême-droite sous des formes diverses.

SSe hisser au niveau nécessaire que pose une crise historique d’une ampleur inédite, exige l’élaboration d’un projet alternatif intégrant pleinement sa dimension multiforme : l’exigence d’une alternative aux bureaucratisations et aux échecs des révolutions anticapitalistes du siècle passé, le caractère incontournable de l’approche écologique, la préservation du bien commun, la gratuité des services publics, la pleine intégration de la dimension féministe, la soif d’égalité des droits et les aspirations à la démocratie active et à l’autogestion, dans l’internationalisme renouvelé et élargi qu’est l’altermondialisme. Mais les ruptures radicales avec le modèle de domination capitaliste ne se produiront pas sans l’affrontement inévitable avec les oligarchies financières. C’est donc bien la nature de cette crise qui justifie plus que jamais ce que nous appelons la synthèse du rouge et du vert associé au violet du féminisme : ce projet alternatif synonyme d’émancipation humaine ne peut ressusciter le vieux paradigme rouge des internationales ouvrières comme il ne peut se contenter de mettre en avant un paradigme vert aussi réducteur aujourd’hui que le vieux paradigme rouge du passé.
Cette synthèse s’exprime déjà non seulement dans l’altermondialisme et les forums sociaux, mais dans de multiples mobilisations et dans les pratiques alternatives au Nord comme au Sud dans la cité, dans les domaines de la production comme de la consommation et du mode de vie.

De l’irruption de l’altermondialisme aux Indignés, c’est bien une nouvelle culture politique qui s’exprime et qui, enrichie de l’accumulation d’apports théoriques multiples et d’expérimentations sociales diverses, contribue déjà à l’élaboration d’un nouveau projet.

La synthèse du rouge et du vert n’est la propriété de personne ; l’expérience l’alimente elle-même, le combat syndical et associatif, dans ses dimensions alternatives, y contribue ; le croisement et le dialogue au travers de l’altermondialisme et des forums sociaux aussi.

Mais tout cela n’empêche pas la fonction spécifique d’une force politique rouge et verte, permettant d’exprimer dans le champ politique cette orientation et s’efforçant de contribuer à cette synthèse, s’enrichissant des expériences sociales, syndicales, associatives sans s’y résumer.

Crise globale, crise de civilisation ; élaboration d’un projet alternatif ; perspective d’une force rouge et verte : tout se tient, tels sont les enjeux articulés les uns aux autres.

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