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TRIBUNE EUROPE 6 juillet 2004

QUELLE EUROPE POUR QUELS CITOYENS?
La lancinante question du droit de vote des résidents étrangers

Huit questions à propos des droits politiques des résidents étrangers.

  Les élections européennes ont eu lieu avec une faible participation des citoyens de l'Union européenne. Et, une fois de plus, l’exclusion de ce scrutin des résidents extra communautaires qui vivent sur le territoire de l'Union. Si l’abstention a fait l’objet de nombreux commentaires, cette exclusion est passée inaperçue. Plus grave encore. Le Traité constitutionnel adopté par les gouvernements des 25, ne prévoit pas l'attribution de la citoyenneté de l'UE à ces résidents extra-communautaires qui risquent fort de ne pouvoir participer aux prochaines consultations.

En effet, le traité de Maastricht, confirmé sur ce point par le Traité constitutionnel, a créé la citoyenneté de l'Union européenne dont quinze à vingt millions de personnes sont exclues parce qu'elles n'ont pas la "bonne" nationalité : Turcs, Marocains, Chiliens, Vietnamiens, etc. Ils constituent une population plus importante que celle de huit des nouveaux pays de l'Union. Aujourd'hui, l'Union s'élargit vers l'extérieur. Pourquoi ne pas l'élargir vers l'intérieur ? Une campagne est en cours pour que la citoyenneté de l'Union européenne soit étendue à tous les résidents : "un million de signatures pour une citoyenneté européenne de résidence". Cette campagne est soutenue par plus de 250 organisations de 12 pays de l'Union.

Au Royaume-Uni, les citoyens du Commonwealth qui n'ont pas la nationalité britannique, ne sont donc pas citoyens de l'Union. Pourtant ils ont le droit de vote aux élections européennes. Pourquoi ce qui est possible au Royaume-Uni ne le serait-il pas en France ? Une simple loi suffit pour rétablir l'égalité entre communautaires et non communautaires.

Lors des différentes élections européennes, la participation des Italiens, Espagnols, Britanniques… a été très faible. Les gouvernements ne se sont pas donnés la peine de faire une campagne d'information télévisée pour inciter les citoyens de l'Union à s'inscrire sur les listes électorales. Lors des élections antérieures, ils s'étaient contentés de quelques messages à la radio. Cette fois, il n'y a pas eu de campagne du tout ! Est-ce la meilleure façon d'intéresser les citoyens à la construction démocratique de l'Europe ?

La participation aux élections locales est un facteur d'intégration des citoyens de l'Union européenne dans le pays de résidence. En refusant ce droit aux non communautaires, le traité de Maastricht a créé une discrimination qui, en un certain sens, légitime les autres discriminations de droit ou de fait. Veut-on intégrer les uns et non les autres ?

Dix des vingt-cinq pays de l'Union européenne ont attribué le droit de vote pour les élections municipales ou locales aux résidents étrangers quelle que soit leur nationalité : Irlande, Suède, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Estonie (sans éligibilité), Lituanie, Slovénie, Luxembourg et Belgique (sans éligibilité). L'Italie en discute. L'Espagne, le Portugal, Malte, la République tchèque le reconnaissent à certains résidents sous condition de réciprocité. Au Royaume-Uni, les résidents venant du Commonwealth ont le droit de vote à toutes les élections. La France sera-t-elle la lanterne rouge de la démocratie dans l'Union européenne ?

Les étrangers communautaires ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Ils n'ont pas le droit d'être maire ou maire-adjoint. Pourquoi maintenir cette discrimination contraire au principe d'égalité entre les citoyens ?

Jusqu'en 1989, un maire pouvait consulter les habitants de sa commune, par référendum, sur un sujet d'intérêt local. Depuis, par suite d'une loi sur l'administration territoriale de la République, le maire ne peut plus consulter que les électeurs. Est-il judicieux d'exclure une partie, quelquefois significative, de la population de ce genre de consultation ?

Alors que les jeunes sont inscrits d'office sur les listes électorales à l'âge de 18 ans, les Français par naturalisation doivent faire une seconde démarche pour s'inscrire. Ce traitement différencié des Français pourtant égaux en droits n'est-il pas discriminatoire ?

La démocratie est une construction permanente qui avance lentement vers la participation de tous aux prises de décision à travers les élections. Malheureusement, un nombre significatif de personnes qui vivent parmi nous sont victimes d'une discrimination politique.

* La "Pétition du Million", disponible dans 11 langues de l'UE peut être signée sur internet http://www.fidh-ae.org/petition-million.htm

Paul Oriol

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