TRIBUNES LIBRES
     
 
Remonter ]
Europe 2 septembre 2005

POUR UNE CONSTITUANTE EUROPEENNE


Après le rejet du Projet de traité constitutionnel européenne (TCE) par les Français et les Néerlandais, il serait normal que les procédures de ratification continuent. Il est cependant évident que le plan C (projet de la Convention) a échoué. Que les gouvernements de l’Union européenne n’ont pas l’intention d’appliquer le plan B tel qu’il était prévu en annexe du projet. C’est regrettable, car le « non » des Français et des Néerlandais aurait alimenté le débat qui n’a pratiquement pas eu lieu dans de nombreux pays. En n’appliquant pas le traité, Tony Blair et ses collègues sont soulagés de ne pas avoir à affronter leur opinion publique. Reste la seule solution vraiment démocratique, le plan A, l’élection d’une Assemblée constituante européenne.


Une Constitution européenne ?

Pour certains, il n’y a pas un peuple européen, il ne peut donc y avoir une constitution européenne. Mais l’Union européenne est une création atypique, ce n’est pas un Etat et encore moins un Etat-nation classiques. Il n’en demeure pas moins que si l’Union n’est pas constituée par un seul peuple, elle s’est donnée peu à peu les éléments d’un Etat qui ne sont pas tous, seulement, symboliques : drapeau, devise, hymne mais aussi un territoire certes encore susceptible d’évolution, une monnaie non encore reconnue par tous les pays et des institutions.

Les Etats-Unis, la Suisse, l’Espagne… et même la France étaient –ils constitués d’UN peuple lors de leur première institution constitutionnelle ? Tous les pays qui ont une constitution ont-ils un seul peuple ? Et s’il n’y a pas UN peuple européen, s’il n’y a pas, formellement, une constitution de l’UE, il existe des traités - une constitution de fait - qui règlent les rapports des institutions européennes et nationales. A défaut d’élaboration d’une nouvelle constitution, c’est cette constitution de fait qui continuera à régir l’Union. Est-ce tellement satisfaisant qu’il faille ne pas y toucher ? Est-on sûr qu’un pays qui aurait une telle constitution serait considéré comme suffisamment démocratique pour être accepté par l’Union quand on voit la confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs réunis dans la Commission. Les décisions, au niveau européen, sont prises dans la discrétion par des instances (Conférence intergouvernementale, Commission) qui ne sont responsable politiquement devant personne. E t les textes votés par les Parlements nationaux ne sont, une fois sur deux, que la mise en conformité des législations nationales avec la législation européenne.

Le projet de TCE proposait de franchir une barrière symbolique : donner à l’Union une constitution. Refuser le traité, ce n’était pas seulement refuser le traité mais aussi la Constitution. Donc la construction de l’Union européenne.

Le 29 mai, le « non » l’a emporté grâce à une importante mobilisation citoyenne dans laquelle le « non » de gauche a joué un rôle fondamental. Mais en ne prenant aucune initiative au niveau européen, le « non » de gauche fait une erreur. Il laisse le terrain libre aux politiques et éditorialistes surtout de « gauche » qui, dépités, conscients de n’avoir pas été entendus du haut de la compétence et de la représentativité qu’ils s’attribuent, veulent dénaturer la victoire du « non ». Loin de reconnaître leurs erreurs d’analyse, ils veulent donner au « non » de gauche une coloration antieuropéenne, nationaliste, xénophobe, voire raciste.

Pourtant, pour ceux qui ont écouté, le « non » de gauche s’est clairement prononcé contre un projet de constitution, qui n’a pas été élaboré démocratiquement, qui n’était pas démocratique, voulait constitutionnaliser une politique. Il est évident que cette politique et ceux qui la conduisaient et voulaient la constitutionnaliser ont été sanctionnés en même temps que la constitution qu’ils avaient concoctée. Mais la méthode qu’ils ont choisie, la constitution qu’ils ont proposée, la politique qu’ils ont suivie ne sont pas les seules possibles.


Quelles propositions ?

Le « non » des Français et des Hollandais ne va pas arrêter ceux qui ont voulu ce TCE. Le projet ce TCE a été élaboré par une Convention dont les membres n’ont pas été élus démocratiquement mais cooptés par les parlements ou les gouvernements. Les gouvernements vont être tentés de modifier marginalement la constitution rejetée. Ils sont tentés de le faire soit par la Convention réunie à nouveau, soit par une nouvelle Convention, soit plus probablement par une Conférence intergouvernementale C’est probablement ce qui se prépare discrètement. Cette solution ne serait pas plus démocratique que la précédente. Si elle tient compte du « non » des Français, peut-être sera-t-elle allégée de la partie III.

Certains proposent l’élaboration d’une nouvelle Constitution par le Parlement européen. Ce serait un progrès mais le Parement européen actuel n’a pas été mandaté pour cela.

Reste le plan A : l’élection d’une Assemblée européenne constituante, au suffrage universel, à la proportionnelle, le même jour dans tous les Etats de l’Union. Il est étonnant que les démocrates européens, de droite, de gauche ou du centre, extrémistes ou modérés, n’aient pas pensé à la solution la plus démocratique. A moins que, malgré les proclamations, les uns soient démocrates mais non européens et les autres européens mais non démocrates.

Une fois la Constitution de l’Union européenne élaborée, elle devrait être soumise à la ratification des peuples de l’UE suivant leurs règles propres en favorisant, chaque fois que possible, la ratification par référendum.


Quelle constitution ?

L’élection d’une Constituante lancerait, pour la première fois, dans l’espace public européen un débat européen sur la Constitution que veulent les peuples de l’Union. Elle devrait être reposer sur quelques principes démocratiques : séparation et articulation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), responsabilité de l’exécutif devant le Parlement européen (Commission européenne mais aussi Banque centrale européenne…), instauration d’un véritable suffrage universel avec attribution de la citoyenneté de l’Union à tous les résidents quelle que soit leur nationalité, parité à tous les niveaux (Parlement, Commission, Banque centrale, Comité économique et social …), rôle respectif des instances nationales et des institutions de l’Union... Ce dernier point est probablement le plus difficile même si la Convention était arrivée à un certain compromis.

Cette Constitution pourrait inclure dans son préambule la reconnaissance des Conventions déjà adoptées par nombre d’Etats européens comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, la Convention internationale relative aux Droits de l'Enfant…

Quant aux questions de politique économique, sociale, de sécurité, de relations extérieures…, elles ne sont pas du ressort de la Constituante, ne doivent pas être incluses dans la Constitution mais faire l’objet d’un débat périodique lors des élections aux Parlements nationaux et au Parlement européen.

Lancer une campagne pour une constituante serait le premier pas vers une mobilisation populaire à l’échelle européenne qui ne serait pas sans conséquence sur les étapes suivantes

par Paul Oriol


haut