TRIBUNES LIBRES
     
 
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Université d'été 2 Septembre 2006

REPOLITISATION DES QUARTIERS POPULAIRES. QUELLES ACTIONS POUR LES ALTERNATIFS ?

(compte rendu de l'atelier animé par les jeunes alternatifs lors de l'université d'été)

La commission jeunes a proposé lors de l'université un atelier sur la repolitisation des quartiers populaires. L'atelier a réuni une vingtaine de personnes de tous âges. Les échanges ont amené des points d'analyse générale, montrer des difficultés particulières dans le rapport entre les organisations et le peuple et proposé des actions.

Suite aux discussion menées pendant le congrès de novembre 2005 et les émeutes, nous préférons parler de quartiers populaires plutôt que de banlieue ou de quartiers défavorisées. Cette expression replace ces quartiers dans leur histoire, celle des quartiers ouvriers, des banlieues rouges. L'engagement militant s'y faisait « simplement ». Les partis de masse avaient des relais dans les usines, dans les quartiers. On devenait militant du PC, du PSU, de la CGT ou de la CFDT parce que le copain dans la taule ou dans la cage d'escalier était militant et par les luttes communes au travail ou dans le quartier. Aujourd'hui le chômage et les boulots précaires ont destructuré ce rapport intime entre les classes populaires et les organisations. Les militants eux- mêmes n'ont pas échappé à cette lame de fond, qui a laminé l'engagement ...

Aujourd'hui nous manquons à la fois d'un projet de transformation sociale et de réponses concrètes pour rendre visible ce projet. Le capitalisme moderne propose lui un modèle désirable...

Le rapport entre les organisations, les militants et les classes populaires bute sur un problème de langage, souvent trop obscur aux non-initiés. Il ne s'agit pas de se mettre à parler petit nègre ou de prendre des poses condescendantes, mais de comprendre que malgré nous, un certain discours militant est rendu inaccessible, devient un barrage à l'engagement, renforce le sentiment que « la politique c'est pas pour nous ». Comme l'ont dit certains le langage académique ou le jargon militant n'est pas le seul langage précis et valable. Il s'agit aussi quelque part d'un problème de politesse.

Sans que le mot ait été dit, il s'agit de ce que certains sociologues, à la suite de Pierre Bourdieu appellent la violence symbolique. C'est le fait pour les dominants de pouvoir imposer un langage, une manière de voir le monde rendus légitimes et de susciter un consentement des dominés à leur propre domination (par le sentiment que, « ben oui c'est eux qu'ont raison »). Ceux qui ne maîtrisent pas ces codes, ces manières de parler ou de penser ont le sentiment de ne pas être légitimes, de ne pas avoir le droit à la parole.

Cette difficulté révèle une distance qui est à la fois sociale (petite bourgeoisie intellectuelle face à jeunesse précarisée), générationnelle (écart d'âge), culturelle (manque de références communes, langage différent) et spatiale (« t'es pas du quartier ! »). (A quoi peut s'ajouter aussi un problème de genre, qui fait que, dans le sexisme ordinaire, la parole masculine sera perçue comme plus légitime etc). Cette distance est aussi à l'oeuvre quand les militants ne savent parler des « jeunes des quartiers » que comme des personnes extérieures au mouvement. On entend ainsi, « ils veulent ci ou ça, ils pensent ci ou ça ». Inconsciemment il y a déjà dans notre discours une petite barrière « eux/nous ». C'est un peu dommage car il y a déjà dans le mouvement des gens d'un peu partout, et peut-être une certaine myopie sur ce fait.

Certains ont pensé que la barrière de l'âge était une difficulté pour parler aux jeunes. Mais on peut aussi remarquer que les quartiers populaires ne sont pas habités que par des jeunes, et que la politique concerne aussi les générations des parents et des grands parents de nos « jeunes des cités » ! Tout dépend si on veut parler de politisation des quartiers ou des jeunes des quartiers. D'autre ont rappelé que la dépolitisation est un phénomène qui ne touche pas que les quartiers populaires et sa jeunesse !

Les élus, malgré les discours sur la démocratie participative, sont parfois déconnectés de la vie des quartiers. Dans le même temps, le fait d'être élu peut rendre plus facile l'entrée sur les quartiers.

S'il y a eu une pétition et un peu de mouvement contre la répression des militants anti-CPE, silence radio sur l'amnistie des émeutiers de novembre – hormis chez certains groupes libertaires.

De nombreuses associations sont présentes dans les quartiers, mais n'ont pas toujours une posture critique face au pouvoir, et sont parfois méfiantes face à la participation politique. L'action du MIB est précieuse, certains milieux du rap portent aussi un message politique. Il ne s'agit pas forcément de tout prendre pour argent comptant, mais d'apprendre ensemble à ... faire de la politique autrement !

Les participants ont avancé des thèmes qui pourraient intéresser les quartiers : écologie, Palestine (qui peut aussi être une entrée vers l'internationalisme, la solidarité des travailleurs de tous les pays contre les exploiteurs, qu'ils soient occupants ou « nationaux »), anti-Sarko (et lutte contre les politiques sécuritaires), anti-racisme et luttes contre les discriminations, contre la dégradation du cadre de vie.

De nombreuse idées d'actions ont été soulevées, à partir d'expérience des unes et de sautres :

Organiser la rédaction de « cahiers d'exigence » Organiser des débats politiques : « la politique, c'est quoi , ça sert à quoi? », « quelle politique pour nos quartiers ? » Faire signer la pétition contre une immigration jetable. Campagnes sur le droit de vote des étrangers ou la citoyenneté de résidence Relancer la campagne d'affiche « Si tu veux l'ouvrir inscris-toi », tout en ayant une autre affiche défendant les valeurs des luttes – car nous ne croyons pas que l'élection est tout, ni que l'institution nous sauvera. Donner des mandats dans le mouvement et une présence sur nos candidatures aux représentants des classes populaires. Proposer des formations en interne, pour rendre les discussions politiques ou théoriques plus accessibles à tous, et former les militants !

Le débat n'est évidemment pas clos avec cet atelier ! Nous espérons que l'action de la commission jeune pourra apporter des réponses concrètes et portre des initiatives dans les mois qui viennent. L'atelier a en tout cas montré que cette préoccupation était partagée par beaucoup de militants ou de sympathisants des Alternatifs. Il s'agit dans notre mouvement d'avoir une posture d'accueil, d'être disponibles.

A suivre !



Louis Bertrand




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