TRIBUNES LIBRES
     
 
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immigration 15 septembre 2005

DEUX CONCEPTIONS DU MONDE


L’immigration a trois sources principales : la misère, le manque de travail, ou la perspective d’un travail mieux rémunéré, qui poussent à partir vers les pays riches du monde ; le regroupement familial ; la fuite de pays où sévissent des régimes dictatoriaux, des guerres, des génocides : des femmes, des hommes, des enfants cherchent à se réfugier dans des territoires où leur vie n’est plus en danger. Elle est favorisée dans les pays riches comme la France par le besoin de main-d’œuvre moins coûteuse, qu’elle soit officielle ou clandestine.


Quelle est dans notre pays, la place donnée aux personnes immigrées ?

Pour commencer à répondre à cette question, quelques rappels : plus d’un habitant sur trois en France a des ascendances étrangères ; nos ancêtres immigrés italiens, belges, russes, polonais, arméniens, espagnols, portugais, algériens, marocains, tunisiens,… ont construit des familles qui font partie intégrantes de la population française.

Tout au long du XXe siècle, l’immigration a été constante et massive, et a permis le développement de la France. Depuis 1974, et le gel officiel de toute immigration hors regroupement familial ou statut de réfugié, les gouvernements successifs de droite comme de gauche, ont établi des interdictions, des règles sur les flux migratoires, ont mis en oeuvre les charters. Ils ont fait croire aux citoyennes, aux citoyens, que cette politique était réalisable –ce qui est faut- et surtout, que c’était souhaitable, gommant à la fois les problèmes humanitaires, les problèmes politiques engendrés par des situations mondiales et le rôle joué par une partie de cette population immigrée dans l’économie française.

La politique de M. Sarkozy se veut claire et efficace : face aux problèmes de chômage, stricte limitation des flux aux réfugiés et au regroupement familial.

On évoque la possibilité d’un système de points pour que les entreprises puissent embaucher des personnels à profil (qualifiés,.. et moins payés qu’un citoyen français de même qualification).

C’est un discours démagogique, qui veut faire croire, depuis des décennies, que des lois peuvent encadrer de manière efficace à la fois la misère, la peur, et la source de profits que représente une main d’œuvre – qualifiée ou non- très fragile et donc encore plus exploitable que la main d’œuvre de l’hexagone. Les choix fait par les gouvernements successifs gomment pour les citoyens la réflexion sur le développement Nord/ Sud, sur les choix de développement des pays riches (les conflits sanglants dus au pétrole ou à la maîtrise de l’eau, plus la maîtrise de territoires possédant des matières premières comme l’uranium) qui mettent à feu et à sang une grande partie du Moyen Orient, de l’Asie, de l’Afrique.

C’est l’hypocrisie de lois qui acceptent que des flots de sans papiers de tous âges vivent dans des conditions qui sont la négation de la dignité humaine, sans que des solutions de régularisation soient envisagées : ce serait –à en croire la droite- pousser de nouveaux clandestins à venir ! Mais de toute manière le flot d’immigration, que les conditions d’accueil soient bonnes ou mauvaises, ne peut être endigué, les raisons de ces exodes étant la survie pour ces adultes et leurs enfants.

En ce qui concerne le travail dit clandestin, on ferme les yeux, on ne donne pas les moyens aux inspecteurs du travail de vérifier les conditions de travail ou le respect des contrats : deux mouvements de grève ont eu lieu dans la Crau ; le premier enclenché par des travailleurs maghrébins(1), le second par des étudiants chinois, les deux groupes ayant des contrats, non respectés; les ouvriers polonais de Saint-Nazaire, après six jours de grève de la faim, on obtenu leurs salaires !

Il a été envisagé de faire payer les rapatriements de travailleurs immigrés par les patrons fraudeurs Là encore l’État se décharge de ses responsabilités. De même pour le chômage, l’Etat se décharge des responsabilités découlant de sa politique : les chômeurs seraient responsables de leur difficulté à trouver un emploi et les mesures pour l’emploi consistent à traquer le chômeur « tricheur » potentiel ; le patron fraudeur qui emploie des sans-papiers, toléré et connu, sera ensuite « responsable payeur », avec un désengagement de l’état qui ne se considère pas comme partenaire de ce dernier et responsable à la source de ces situations.


En ce qui concerne les droits de l’Homme la situation est inacceptable :

de jeunes adultes qui ne peuvent continuer leurs études faute de papiers (alors qu’ils ont suivi une scolarité en France !) ; une population pour laquelle l’accès aux soins est diminuée (les maladies comme le SIDA ou la tuberculose ne seront pas suivies ou traitées correctement et en temps voulu !) avec les nouvelles conditions d’attribution de l’AME (2); droit au refuge politique de plus en plus difficile à obtenir ; les charters européens se mettent en place !

La mise en place d’une européanisation des mesures concernant les clandestins écarte une question fondamentale : les personnes migrantes sont-elles des humains ou des marchandises, que l’ont peut stocker, déplacer, ou renvoyer à l’expéditeur ? Le terme de quotas, introduit pour laisser croire qu’on peut choisir ses immigrés, donne la réponse.

Le résultat de ces politiques : une fabrique à clandestins, et donc pour certains patrons, la source d’une main-d’œuvre peu chère et malléable.

Les charters sont un acte politique : réconforter l’électorat de droite, et d’extrême droite, faire croire aux catégories touchées par le chômage, la précarité, que l’immigration en est responsable et qu’ elle serait en partie responsable du déficit du système de santé .

C’est là encore pure démagogie !

Des immigrés, avec le soutien d’associations, de syndicats, revendiquent leurs droits élémentaires : logement décent, droit à la santé, droit à l’éducation pour leurs enfants ; mais en premier lieu une régularisation de leur présence, tolérée dans les faits.

Ce n’est pas, pour ces femmes, ces hommes, ces enfants un choix de vie, fait abstraitement, mais la lutte pour la survie qui leur fait quitter leurs pays respectifs. La seule solution humaine et efficace, c’est le rééquilibrage des niveaux de vie entre Nord et Sud, une autre conception du développement économique, qui mettent fin au pillage des richesses et des ressources de certains pays dit « pauvres ». Nous avons bien conscience que cette nouvelle donne implique d’autres systèmes politiques dans les pays riches comme dans les pays pauvres : démocratie active, participative, où les choix sont faits par le plus grand nombre, pour le bien du plus grand nombre. Ces choix politiques doivent, sur une question de cette nature, être mis en œuvre au niveau européen.

Article paru dans PCA-hebdo: Marcelle Monzeglio et Romain Testoris


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