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Santé 16 décembre 2005

SANTE ENVIRONNEMENTALE : UNE SITUATION INQUIETANTE


L'analyse de la situation sanitaire du monde aujourd'hui, y compris dans les pays les plus développés, témoigne d'une inquiétude avérée à l'échelle globale. Dans les pays du Sud, pour ce qui concerne le cancer (pour les régions confrontées au productivisme) et le SIDA, cette situation est aggravée par le retard avec lequel sont diagnostiquées et traitées ces maladies, et par le peu de moyens médicaux dont disposent ces pays au regard des pays occidentaux.

Certes, les statistiques d'espérance de vie et de mortalité infantile, ainsi que le discours officiel, tendent à mettre en avant les avancées de la médecine (souvent de manière ethnocentriste La médecine occidentale) pour autant la réalité sanitaire invite à moins d'optimisme1 :

a.. Explosion des cancers : + 63 % de 1980 à 2000, + 20 % de mortalité. 280 000 cancers en France. Selon le Pr. Belpomme, 80 % de ces cancers seraient imputables à l'environnement, et donc aux activités humaines.

b.. Notre pays a également un taux de cancer de 10 à 20 % plus élevé que chez nos voisins européens

c.. L'allongement de la durée de vie n'explique pas seule cette augmentation, puisque des personnes de plus en plus jeunes sont touchées

d.. Augmentation des substances chimiques de 1 million de tonnes en 1930 à 400 millions de tonnes par an aujourd'hui. Aucune de ces substances n'a jamais été testée. Pourtant, les risques d'une substance comme l'amiante étaient connus dès le début du XXème siècle.

e.. Développement et extension de nouvelles sources de pollution invisibles : champs électromagnétiques, radioactivité banalisée (irradiation des aliments, examens médicaux) : prolifération de radicaux libres, hautement réactifs, stress oxydatif, dégradations de la molécule d'ADN que l'organisme n'est plus en mesure de réparer

f.. 15 % de stérilité, chez l'homme en particulier

g.. Augmentation des allergies

h.. Augmentation du stress, en milieu urbain, en milieu professionnel

i.. Augmentation de l'apparition des maladies neuro-dégénératives, à un âge de plus en plus jeune : Alzheimer, Parkinson

j.. Enfin, et c'est peut être le plus grave : il y a un déni de la gravité de la situation de la part des autorités industrielles, scientifiques, politiques, mais aussi de la part des citoyens (manipulés ou non). La raison économique prime sur la raison sanitaire, environnementale et humaine.


Nous sommes tous chimiquement contaminés

Les analyses de sang faites récemment chez plusieurs personnalités, en particulier les ministres de l'environnement européen, montraient que nombre de substances chimiques étaient détectables dans le sang de chacun d'entre nous. Cette campagne avait été effectuée en octobre 2004 dans le cadre de l'élaboration du programme REACH. Tout concourt dans la liste noire à favoriser le terrain d'une véritable pandémie, de cancers en particulier. Ce n'est pas une exagération : on peut réellement parler d'épidémies avec une incidence de 280 000 cancers (la peste a touché moins de personnes en 1720 à Marseille).

Geneviève Barbier s'interroge : lutte-t-on vraiment contre le cancer ? Le cancer ne contribue-t-il pas à soutenir notre croissance et à créer des emplois ? Malheureusement, oui. Selon elle, il devient presque patriotique de contracter cette terrible maladie pour participer à l'effort économique de notre pays. De fait, les politiques inféodés aux lobbies industriels ont fait leur choix : s'ils avaient eu une réelle volonté de lutter contre le cancer, les mesures qui s'imposent auraient été d'ores et déjà prises, notamment par l'interdiction de substances et rayonnements les plus nocifs, par l'application du principe de précaution ou de substitution.


Une exception française

La France semble plus contaminée en terme de cancer que ses voisins européens, mais pour quelles raisons ? Difficile de les cerner, difficile d'en isoler une seule, il y a sans doute une conjonction de phénomènes liés à la dégradation de notre environnement. Une chose est certaine : notre pays détient de tristes records (même si une relation de cause à effet est difficile à établir) :

a.. Plusieurs marées noires : Amoco Cadiz, Torrey Canyon, Erika, Prestige, Ievoli Sun

b.. Pays le plus nucléarisé au monde

c.. Premier pays consommateur d'antibiotiques et d'antidépresseurs : ce qui a certainement pour effet de fragiliser nos défenses immunitaires, l'organisme peinant à se défendre par lui-même

d.. Deuxième pays utilisateur après les U.S.A. de pesticides, et premier au regard de sa superficie : 120 000 tonnes par an

e.. Un des plus gros parcs d'incinérateurs au monde avec le Japon.

Face à cette accumulation de choix sans ambiguïté et sans aucune transparence ni semblant de débat démocratique, il est difficile de ne pas établir un lien de cause à effet, même sans preuve. Difficile également de ne pas montrer du doigt une certaine nomenklatura industrielle et scientifique, une minorité de décideurs, politiques, scientifiques, industriels, lobbies, qui se comportent en petits monarques, en oligarches, décidant froidement de sacrifier une part croissante de la population sur l'autel du « progrès » économique et technique.

Petit parenthèse scientifique sur l'entropie : en thermodynamique, on explique qu'un système fermé, matériel, tend à la désorganisation dans le temps, à la dispersion, à l'entropie maximum. C'est le second principe de la thermodynamique. Un organisme vivant tend au contraire en permanence à lutter contre l'entropie, et entre autres contre le stress oxydatif, pour se maintenir en bonne santé. Sauf en cas de cancer, où les cellules cancéreuses se nourrissant pour leur propre compte tendent à déstabiliser l'organisme vers un maximum d'entropie, jusqu'à étouffer l'organisme. Le cancer symbolise, incarne, la maladie de la croissance de notre pseudo-civilisation, celle d'une entropie incontrôlable menant le monde et les organismes vivants, la biosphère, vers plus de chaos et vers la mort. De même, ces oligarches que je décrivais à l'instant, les transnationales, se comportent comme de véritables métastases cancéreuses. Cette analogie que je choisis est loin d'être simpliste, et elle correspond à une effroyable réalité sociale à l'échelle de la planète : une partie de l'humanité, minoritaire, s'arroge le droit de décider de l'avenir de la planète, s'arroge le droit de disposer des ressources en air, en eau, en terre, en énergie (on pourrait presque prendre les quatre éléments), en alimentation. Cette minorité dominante, dont les trois plus grosses fortunes possèdent autant que les 41 pays les plus pauvres, se nourrit du reste de l'humanité, en épuisant les ressources de la planète et en nous contaminant pour encore continuer à s'enrichir sur nos corps malades. Car la santé est aussi un business. Il est plus rentable d'investir de manière somme toute stérile dans la recherche contre le cancer (stérile parce que l'on s'attaque aux effets et non aux causes), que dans la lutte contre le sida ou le paludisme dans les pays du Sud.

En participant à ce système, nous avons aussi (qu'on le veuille ou non) notre part de responsabilités : par nos actes quotidiens de producteurs et de consommateurs, nous participons, nous collaborons à l'apparition de notre propre maladie, nous creusons notre tombe. En effet, pour être parfaitement en accord avec nos prises de conscience, nous devons aussi conscientiser nos actes quotidiens, en boycottant les activités trop polluantes, et les produits industriels.


Le programme REACH

REACH témoigne de la prise de conscience de la situation par la commission européenne, son approbation et son application ont cependant été freinées par les gouvernements Blair, Chirac (ami de Belpomme), Schröder sous la pression du puissant lobby des industriels de la chimie.

Suite à l'élaboration d'un livre blanc le 13/02/2001 (signé le 17/11/2005), REACH exige l'enregistrement de quelques 30 000 substances. Le chiffre réel est de quelques 100 000 substances, et les industriels de la chimie ont même tenté de ramener ce chiffre à 10 000 sur la base d'habituels critères économiques (frein de la croissance). REACH a donc été finalement adopté en 2005, c'est indéniablement une condition nécessaire, mais vraisemblablement insuffisante. D'abord par ce qu'il est extrêmement difficile dans la pratique de réaliser des études épidémiologies sur autant de substances produites (cela implique des budgets colossaux). Pour les gouvernants, c'est se donner bonne conscience, pour dire aux européens : « vous voyez, on agit », il y eut les mêmes grands discours sur l'effet de serre (« notre maison brûle. »), des objectifs de revenir au taux de CO2 de 1992 sans que ceux-ci aient été atteints en 2006.

La solution la plus radicale mais la plus cohérente avec les risques environnementaux consisterait à interdire purement et simplement toute nouvelle substance dont l'innocuité n'a pas été prouvée, c'est à dire d'imposer une sorte d'Autorisation de Mise sur le Marché comme pour les médicaments, de l'ordre de 10 ans, sur toute substance chimique ou tout rayonnement. Ce qui ne veut pas dire que seules les substances artificielles soient cancérigènes : la sciure de bois, la poussière de charbon, l'amiante sont des substances naturelles et cancérigènes. Mais la prolifération de nouvelles substances, et leur dispersion, accroît le stress de l'organisme contre lequel il ne peut plus faire face. C'est la voie industrielle qui par ce biais est fondamentalement remise en question : le bien fondé d'un développement effréné qui nie l'homme et la biodiversité, qui s'étend pour son propre compte, d'un développement qui ne peut être de fait durable s'il ne remet pas en cause les sacro-saints concepts de croissance et de progrès. Il faut donc l'application d'un véritable principe de précaution et de substitution, interdisant la plupart des substances qui nous contaminent dans notre environnement direct : chez nous, dans les cosmétiques (voir Cosmétox, la brochure de Greenpeace), dans l'alimentation. Et à notre niveau, il revient à privilégier les produits respectueux de l'nvironnement -biologiques, AMAP, commerce équitable (en lien avec nos revenus car il y a un chantage économique du fait de la hausse du coût de vie qui pousse les plus démunis à faire un choix entre leur santé et la consommation). Il importe de faire pression sur les politiques, la désobéissance civique contre les O.G.M montre la voie d'une alternative forte.

1-Sources :
a.. Texte d'André Cicolella : « Nous sommes tous chimiquement contaminés »
b.. Livre du Professeur Belpomme « ces maladies crées par l'homme »
c.. Livre de Genevièe Barbier (médecin) et Armand Farrachi « La société cancérigène »
d.. Actes du séminaire de Pont de Veyle, sur les maladies professionnelles (20/11/2004) avec J.P. Cotton et M. Rivasi

Thierry Folliard (commission écologie des Alternatifs)




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