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Ecologie 17 décembre 2004

Péril en mer, SOS Terre.

Quinze ans après le naufrage de l’Exxon Valdez, une nouvelle catastrophe maritime1 est venue perturber le littoral américain, menaçant l’équilibre de la réserve maritime d’Alaska. Depuis Erika, les galettes de fioul lourd noient l’espoir d’une nouvelle politique de la mer en asphyxiant nos côtes alors que les terriens boivent la tasse (conséquences du Fipol2).

Malgré les mesures drastiques de traversée des eaux américaines, un vraquier de 225 mètres de long chargé de soja et de 1,7 million de litres de pétrole, s'est disloqué en deux quand il s'est échoué sur l'île d'Unalaska (et ses récifs) dans l'archipel des Aléoutiennes. Six personnes, des marins évacués du batiment, ont disparu : quatre Indiens, un Chinois et un Philippin enrôlés vraisemblablement par des négriers. Le navire pourtant récent (1997) avait été certifié apte à la navigation par American Bureau of Shipping, la firme qui avait certifié le Prestige (sic). Les îles de la région abritent de nombreuses espèces menacées (eiders à lunette, loutres de mer, albatros à queue courte, otaries de Steller, etc.), la marée noire pourrait être la plus grave dans la région depuis 1989.


Navigation dans les eaux troubles du profit, négligence et ignorance des risques écologiques et humains

Aujourd’hui, la mer est devenue dépendante du péril en terre : les 2/3 de la pollution marine viennent de la terre. La terre pollue bien plus que les océans ne souillent la côte. Et combien de marées noires masquent de dégazages et déballastages sauvages (pollutions dix fois supérieures) ? Ressource raréfiée et sacrifiée au nom du libéralisme sauvage, le poisson devenu cher n’en est pas pour autant sain. Elevé, il est nourri aux antibiotiques (voire antidépresseurs) et enrichi de graisses multiples pour alourdir la balance du vendeur mettant en danger la pêche traditionnelle ou côtière plus respectueuse (le poisson de ligne est à privilégier).

Métaux lourds, mercure et plomb, la chaîne alimentaire traduit les excès d’absorption de substances dangereuses pour le consommateur lui-même. Les poissons de fond et plats sont les plus exposés, en Baltique (mer la plus polluée) le poisson est fortement déconseillé aux femmes enceintes.

Les fleuves déversent des flots de pesticides, nitrates, phosphates, ammonium et autres engrais (issus du productivisme agricole). Les interdictions de consommation de coquillages (pêche à pied) sont récurrentes. Les marées noires aujourd’hui prennent des couleurs rougeâtres ou vertes, Ifremer ne sait plus où donner de la tête (des toxines amnésiantes ASP sont relevées en nov.2004 dans les coquilles Saint-Jacques), les cas d’intoxication et d’hépatite A se multiplient.

A ce bilan sanitaire vient s’ajouter le réchauffement climatique global (et des océans naturellement) qui vient perturber les écosystèmes (10 cm d’ hauteur eau en moyenne en plus au cours du siècle), certaines îles du Pacifique4 ont la tête sous l’eau.

Nouvelle bouée capitalistique, le tourisme joue avec l’exploitation outrancière de nos côtes après avoir modifié le paysage et les milieux naturels ; les eaux de baignade perdent en qualitatif, elles sont devenues acceptables (traduit l’été par « bonnes »). Avec la pression démographique, le développement exponentiel du tourisme, les communes littorales accueillent 10% de la population, 40% des touristes sur 4% du territoire. La Méditerranée surpeuplée et surfréquentée voit son trafic augmenter et sa sécurité diminuer; ailleurs les poubelles nucléaires s’amoncellent, les ressources océaniques sont devenues des décharges publiques, le plutonium poursuit son cap.

De même, les barrages hydrauliques modifient les migrations des espèces, les mangroves reculent singulièrement aux quatre coins du monde et les massifs coralliens s’érodent inexorablement. Enfin la surpêche partage son lot de responsabilités (la taille des prises est diminuée régulièrement et ce, malgré un tonnage en recul). La recherche du profit à court terme ajoutée à la mécanisation (souvent destructrice d’emplois, de faune et flore) condamnent l’avenir de la pêche. « Sur 60 espèces pêchées régulièrement, 40 sont en danger5 ».

La question du développement durable n’effleure pas les industriels de la pêche. L’interventionnisme européen est régulièrement combattu par la profession. Le trafic maritime intense et les activités des terriens menacent durablement l’équilibre des océans. Jusqu’à quand ?

Prévention (contrôles) et répression (amendes conséquentes et dissuasives) pour faire échec aux pollueurs, valorisation du personnel « à bord », le champ maritime se doit d’être respecté par l’espèce humaine, soutenu par une pédagogie environnementale. Protection du littoral, éducation dans les clubs de voile, les actions se développent cependant par le biais associatif pour préserver notre Mer, mais il est facile de crier au loup(requins) quand ce n’est pas suivi de volonté politique notoire, les sauvageons rodent ici et là, nous noyant dans le tourbillon des déréglementations. D’ autant que le combat pour la mer, contre la pollution et pour la sécurité est vital pour les générations futures. Un destin maritime tragique qui attend, en vain, une éclaircie au royaume du « grand bleu », viendra-t-elle des balises d’une Europe unifiée contre les pirates ? Allo ici la mer, à vous la terre…

1- un cargo le Selendang Ayu, pavillon malaisien échoué en mer de Béring le 10/12/04 La Malaisie (détroit de Malacca) se singularise aujourd’hui pour être le paradis des pirates et des guerrilleros indonésiens (détournement de bateaux et conflit d’Atjeh)
2- Fonds d’Indemnisation des victimes des marées noires (Erika & Prestige)
3- Institut Français de la Mer
4- les archipels de Mélanésie et en particulier Tuvalu (déplacement de population prévu) 5- Les voyous de la mer C.Buchet éd. Ramsay

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