CONTRIBUTIONS DE LA COMMISSION ECOLOGIE
Lorsqu'ils se sont créés en 1998, les Alternatifs affichaient leur
volonté de faire du neuf, d'inventer un nouveau projet axé sur les
solidarités, l'écologie, l'autogestion et le féminisme. Sept ans
plus tard, force est de constater que nous n'avons pas réussi à
concrétiser notre ambition. Notre part d'innovation a été faible et
le projet rouge et vert que nous nous proposions de construire est
resté embryonnaire.
Collectivement, nous devons nous interroger sur cet échec relatif,
en tirer les conséquences pour repartir sur des bases plus solides.
La commission écologie,
L'ALLIANCE DU ROUGE ET DU VERT, POUR UNE ALTERNATIVE CREDIBLE
Le constat est évident: à l'intérieur du mouvement nous n'avons
pas suffisamment pris en compte l'urgence de la situation
écologique.
Pourtant, les derniers rapports des scientifiques, notamment
celui des Nations Unies publié à la fin de mars 2005, dressent des
perspectives alarmantes: la dégradation des écosystèmes est telle
qu'elle peut compromettre le développement des sociétés humaines.
Ce n'est pas la vie sur terre qui est en cause, c'est le sort de
l'humanité. La manifestation la plus inquiétante de cette crise
écologique est le réchauffement de la planète. Les scientifiques
l'ont prouvé en s'appuyant sur l'étude des cycles naturels: le
réchauffement actuel qui va en s'accélérant depuis 1980 est bien
lié aux activités humaines, en particulier aux émissions de CO2
dont sont responsables les productions industrielles, les
transports par route, les activités ménagères ...
Parallèlement à la crise écologique, l'exclusion et la précarité se
sont installées dans les pays riches. Quant aux inégalités entre
les pays du Nord et ceux du Sud, elles se sont aggravées. En 2005,
1 milliard d'êtres humains ( sur 6 milliards) vivent dans des
conditions très précaires, ne mangent pas à leur faim;. 11 millions
d'enfants de moins de 5 ans meurent faute de soins, de
vaccinations. L'accès à l'eau potable devient de plus en plus
difficile et les maladies liées à la pollution de l'eau sont une
menace croissante pour ces populations.
En conclusion, l'état de la planète et le déséquilibre Nord/Sud
ne se sont pas améliorés, bien au contraire.
La démocratie participative a montré son inefficacité,
essentiellement parce que les élus soucieux de préserver leur
mandat électoral pensent uniquement à court terme. En faisant le
choix de l'entrée dans les institutions, l'écologie politique a
perdu une grande part de ce qui faisait sa force. Bien souvent les
ministres de l'environnement des pays développés ont été les
alibis des grands partis.
Les actions publiques entreprises au nom du "développement durable"
(1)( que Nicolas Georgescu- Roegen qualifiait de "charmante
berceuse" dès 1992) ont été très insuffisantes.
Les mouvements sociaux, notamment l'altermondialisme, n'ont pas
suffisamment intégré la question écologique dans leur combat, et
n'ont pas réussi à inverser la tendance.
Bref aujourd'hui, un changement radical s'impose.
Quelles pistes proposer?
1. Agir sur la croissance est une option nécessaire.
En préalable, rappelons que selon la définition de Joseph
Schumacher, " la croissance, c'est produire plus, sans tenir compte
de la nature des productions."
En chiffres, cela se traduit par un PIB dont l'absurdité est
évidente car, aucun élément qualitatif n'étant introduit, toute
activité ( les accidents de la route par exemple) contribue à son
augmentation.
La croissance économique étant un " accroissement à moyen et long
terme des productions nationales", on ne peut accepter que cet
accroissement n'ait pas de limites alors que nous vivons sur une
terre limitée.
Réduire la croissance en diminuant les productions les plus
polluantes, en ralentissant le prélèvement des ressources
naturelles, s'impose pour des raisons écologiques et sociales. En
effet, contrairement à ce qu'affirment ses zélateurs, la croissance
économique ne réduit pas la pauvreté ni les inégalités, que ce soit
à l'intérieur des pays développés ou dans les pays du Sud.
Par ailleurs la crise écologique et la vision à court terme en
économie ont des conséquences sociales : le rapport des Nations
Unis cité plus haut évalue à 2 milliards de dollars ( allocations
de chômage, politique de reconversion) le coût de la
surexploitation des réserves de morue à Terre-Neuve qui a conduit à
l'épuisement des ressources.75% des lieux de pêche sont
actuellement sur le déclin et on évalue à 25 millions le nombre de
réfugiés écologiques.
L'aggravation de l'état de la planète nécessite une remise en
cause du productivisme. On assiste actuellement à l'émergence
d'un courant se réclamant de la décroissance.
Des associations, des individualités, mettent en avant les risques
environnementaux. Leur action est utile. Elle contribue à forger la
prise de conscience nécessaire.
Mais, pour un part politique, la dénonciation ne suffit pas.
L'exigence écologique doit être replacée dans un projet global qui
doit prendre en compte:
- l'exigence démocratique afin de contrer le risque totalitaire.
- l'exigence sociale afin de se prémunir contre les choix
réactionnaires.
Elle doit s'intégrer dans un projet économique qui réduise les
inégalités, qui lutte efficacement contre le chômage.
Notre positionnement par rapport à la consommation et à la
production ne doit pas se faire en prenant pour référence des
critères quantitatifs. Comme Schumpeter le proposait quand il
définissait le développement, nos choix économiques doivent tenir
compte de l'aspect qualitatif. Il s'agit avant tout de produire
autrement, ce qui nous oblige à repenser le développement pour y
introduire l' aspect scientifique, social, culturel, spirituel,
etc... ( voir sur ce point le chapitre " Alterdéveloppement "
rédigé par William Elie.
L'écologie a montré les interdépendances qui existent entre la
sociosphère et la biosphère. Comme le constate René Passet ( et
d'autres avec lui) la sphère économique s'est progressivement
isolée des deux autres. Il faut que l'économie recrée des liens
avec l'humain et la nature. La nécessité d'une rupture avec les
pratiques actuelles s'impose. L'économie capitaliste est basée sur
le profit, sur l'exploitation des hommes, des femmes et de la
nature.
Il faut introduire l'éthique dans l'économie. Hans Jonas propose le
Principe responsabilité: " Agis de façon que les effets de ton
action soient compatible avec la permanence d'une vie humaine sur
terre".Ceci est une proposition essentielle
Pour les Alternatifs, l'enjeu est clair. Nous refusons la société
actuelle, nous voulons en construire une, en mettant en avant
quatre thèmes: les solidarités, l'écologie, le féminisme et
l'autogestion. Reste l'essentiel. Nous devons décliner
concrètement les propositions qui pourraient permettre d'atteindre
les objectifs fixés
- Sortir de l'aliénation individuelle et collective qu'entraînent
nos modes de consommation
- Mettre un frein à la dérive vers le gigantisme lié à la
mondialisation, produire en tenant compte de l'utilité sociale,
dans le respect de l'environnement.
- Tisser de nouveaux liens sociaux, de nouvelles solidarités.
-Lutter contre les déséquilibres en redécouvrant les territoires (
développement local, réduction des flux)
- Aller vers une plus grande responsabilisation individuelle et
collective ( éco-citoyenneté), renforcer les libertés individuelles
tout en faisant reculer l'indidualisme et les égoïsmes
corporatifs.
Pour notre parti il s'agit aussi de sortir du temps des
propositions vagues pour répondre concrètement aux enjeux de ce
nouveau siècle. C'est le seul moyen d'obtenir la crédibilité qui
nous fera entendre davantage.
(1)Le terme a été tellement galvaudé, détourné par ceux qui l'ont
repris à des fins politiques ou financières que la commission
Ecologie ne l'utilise plus.
Bernard Caron (commission écologie)
VERS UN AUTRE DEVELOPPEMENT
L' alterdéveloppement est une conception qui trouve son origine et
ses fondements autour de la valorisation du qualitatif et dans la
reconsidération du développement en produisant autrement.
C'est:
- une critique radicale de la croissance non partagée
- une affirmation des solidarités avec les populations précarisées
au Nord et pauvres au Sud
- une aspiration et une proposition alternatives au développement
capitaliste
Dans la jungle des concepts, comment soutenir une politique
écologique responsable ? La décroissance interpelle (et c´est son
argument fort), le développement durable a montré ses limites, la
croissance est inégalement répartie, il convient d´aller vers un
autre développement.
La question est devenue une préoccupation sociétale, qu´importe
l´appellation de cet axe politique, pourvu que les avancées
sociales servent la cause écologique et que réciproquement se fasse
la jonction du Vert avec le Rouge.
Une alternative au développement économique à 2 vitesses (Nord/Sud)
est nécessaire.
Elle doit être basée sur les solidarités locales et internationales
L'alterdéveloppement induit un développement humain et une remise
en cause de la croissance économique destructrice. Cet autre
développement introduit la préservation des droits sociaux et la
qualité d'environnement (problèmes sanitaires), le partage des
richesses et l'abolition de la dette pour les pays du Sud. Un
développement équilibré de la planète doit assurer la protection
des ressources et des emplois socialement et écologiquement utiles.
Il donne à la question de l'aide au développement une place
essentielle pour remédier aux déséquilibres internationaux
accentués par les politiques des grandes institutions dominatrices
(FMI, Banque mondiale, OMC...). Si les problèmes écologiques et
sociaux doivent être pensés globalement, il faut aussi agir
localement.
- En accord avec les conclusions des experts livrées à l´ONU, il
revient à mesurer la finitude des ressources terriennes, les effets
du réchauffement climatique, les menaces sur la biosphère et aussi
à prendre en compte l'avenir de la collectivité humaine en
s'opposant à l'attitude libérale qui délibérément tient compte des
intérêts immédiats.
Le refus du productivisme effréné est la base de ce projet et il
s'applique à l'agriculture (et sa population sacrifiée), à la
limitation des transports (l´Europe des 25 a fait exploser les
échanges routiers), à la conservation de nos paysages et au
maintien de la biodiversité.
Depuis plus de 30 ans, le transport terrestre a été privilégié
pour libéraliser à outrance le transport routier, au grand bénéfice
des transporteurs et au détriment de la SNCF qui n'a pas eu les
moyens de mener une politique attractive Les conséquences sur
l´environnement et la santé sont connues, le profit reste
l´objectif n°1. Les routiers sont devenus les nouveaux « esclaves »
de la société de consommation à flux tendu après l´expérience
négrière du commerce maritime.
Un volontarisme politique fort de la part des états est
nécessaire si l'on veut réduire de manière significative les gaz à
effet de serre. La concurrence multiplie les échanges et les
émissions polluantes et augmente le déficit de souveraineté
(alimentaire, énergétique...). L´endettement des ménages du Nord crée
une passerelle avec la dette endémique des pays du Sud. Le problème
du logement, de l´accroissement de la pauvreté et la précarisation
des emplois au Nord ne freinent en rien la migration des
populations pauvres vers le Nord, les problématiques des pays en
développement trouvent un écho en Occident. L´exclusion gagne du
terrain...
- Un développement équitable implique une décélération de notre
consommation en cessant le pillage des ressources du Sud, soit un
développement harmonisé garantissant des jours meilleurs aux
générations futures.
- L´exemple du tsunami a ravivé la question du développement : les
coraux et les mangroves (utilisés pour l´élevage de la crevette)
n´auraient pas arrêté le tsunami, mais ils auraient pu en limiter
les effets. Le développement pensé à court terme, sans approche
planifiée, a des conséquences particulièrement néfastes pour
l´environnement La perturbation des cycles naturels augmente les
risques de cataclysmes.
( inondations au Bangladesh), réfugiés d´Afrique centrale ou du
Darfour, paludisme (2 millions de morts par an) ou le sida (2,3
millions), sécheresse et désertification...sont quelques-uns des
maux que doivent subir les habitants de ces pays.
Aujourd´hui le service de la dette est supérieur à l´aide que les
pays pauvres reçoivent du Nord. Le remboursement s'élève à 375
milliards de dollars( contre 68 milliards perçus)
Pendant de temps, les USA imposent leurs règles au monde tout en
ayant 7600 milliards de dette.
Il faut sortir de l'ethnocentrisme occidental et offrir aux
partenaires du Sud de nouvelles perspectives (aide à l'autonomie/
autogestion, économie sociale et commerce solidaire...). C'est un
défi qui implique une fiscalité internationale et une stimulation
des économies locales par la micro-finance...
La dette du Tiers monde et celle de l'Afrique est entretenue, la
dépendance de même, la dette contractée est celle des civilisations
occidentales qui ont pillé depuis plus de 400 ans les matières
premières et la richesse humaine par l'esclavage. La gestion de
notre passé colonial est difficile.
Le FMI et la Banque Mondiale continuent par leur politique
impérialiste d'assujettir et d´affamer des populations entières
sous couvert d'aides internationales et de projets humanitaires.
Il est temps de dépasser une société qui réduit l´homme à sa seule
dimension économique, en choisissant une voie socialement
équitable. Car non seulement le capitalisme ne semble pas menacé
par les contraintes écologiques mais il prétend les prendre en
compte avec ce qu'on appelle le "développement durable". Le
partage des richesses, l´aide à l´émancipation des pays du Sud et
la relocalisation de l´économie sont des pistes à suivre pour la
défense de nos droits et nos emplois, ici et ailleurs, en redonnant
du sens au social, l´avenir se construit à la marge en
reconstruisant des relations.
Wiliam Elie (commission écologie)
CONCRETISER LE PROJET ROUGE ET VERT
1/ Lors du Festival'ternatif parisien de novembre 2004, nous avons
perçu l'intérêt que provoquaient les thèmes écolo-alternatifs
radicaux, notamment le terme de « décroissance »
2/ Cet intérêt est confirmé par le développement de réseaux
associatifs intervenant entre autres sur les thèmes de la
consommation, du commerce équitable. Il existe incontestablement un
substrat écolo-alternatif radical qui ne dispose pas d'un relais
politique (ou d'ailleurs, pour de nombreux secteurs , ne souhaite
pas un tel relais) ; Un certain nombre de publications relaient les
positions de ce courant diffus.
3/ Il faut constater que l'ensemble des gauches restent très en
retard sur les questions des modes de développement. Il faut y voir
à la fois:
- une contradiction entre le court et le long terme, en d'autres
termes
entre les batailles sociales et politiques du moment (de la défense
de nos
droits à la campagne pour le NON d e gauche) et la visée d'un
projet
alternatif. Cette difficulté vaut d'ailleurs tout autant pour la
question
d 'une perspective autogestionnaire
- une imprégnation durable par le mythe d'une croissance linéaire
- corrélativement, une impuissance certaine à penser une rupture
avec le
productivisme (un assez récent appel de Patrick Braouzec et de ses
amis
faisait encore état d'une politique de relance sans en préciser le
moins
du monde les contenus). Les risques que fait courir le projet tout-
libéral
de traité européen est peu présent d'ailleurs dans la campagne du
non de
gauche.
Bref, on a le sentiment que les gauches ne comprennent pas les
enjeux
(pourtant explicités de rapports de l'ONU en enquêtes scientifiques
ou
films documentaires terrifiants).
4/ Les Alternatifs, c'est une de leurs raisons d'être majeure, se
réclament d'un projet rouge et vert. Il faut désormais passer à la
concrétisation.
5/ Le concept de décroissance comme fil conducteur ne me parait pas
pertinent, mais il convient de se saisir pleinement et de manière
critique
des apports de ses promoteurs.
6/ Ce concept n'est pas pertinent en tant que tel, car il répond de
manière univoque à des problèmes complexes. Il est le fruit de la
réflexion de chercheurs, intellectuels, militants de terrain qui,
face aux périls écologiques accablants et à l'atonie du champ
politique devant ces problèmes (à gauche comme à droite, si ce
n'est pour
parler du très flou « développement durable »), veulent « jeter un
pavé
dans la mare ».
7/ Le pavé dans la mare est sans doute utile, il force d'ailleurs
les Alternatifs, bien timides jusqu'à présent à se saisir des
questions du développement, la LCR y travaille aussi de son côté.
Mais il a les limites d'une forme de construction « hors sol ».
d'une formule- choc.
Un des rôles d'un mouvement politique comme le nôtre est de
travailler
sur les convergences et contradictions entre exigences écolo pour
le
genre humain et la planète, et exigences sociales pour
l'émancipation du
plus grand nombre.
8/ Il nous faut donc accepter la confrontation avec les partisans
de la «décroissance », dans le respect de leurs positions mais sans
suivisme, car notre projet ne part pas d'un point de vue univoque
mais se veut rouge et vert.
9/ Il semblerait très pertinent que l'année 2006 soit consacrée à
un travail collectif (rythmé par l'université d'été, clos par une
conférence nationale) consacré non pas à réaffirmer une identité
abstraite mais à travailler à une plate- forme de propositions
croisant le rouge et le vert à propos de thèmes comme
- les transports
- le logement
- les questions énergétiques
- les rapports Nord-Sud
- le monde rural
- les territoires
...
Dans certains domaines (énergies) le concept de décroissance peut
s'avérer
pertinent, dans d'autres inapproprié.
Notons, pour conclure, que si une organisation syndicale comme la
Confédération Paysanne est ouverte aux thèses décroissantes sans
les
reprendre à son compte, c'est qu'elle intervient à la croisée des
questions sociales et du devenir des territoires, qu'elle pense à
la fois
social et écologique. Aux Alternatifs de creuser aussi ce sillon
dans le
champ politique
Jean Jacques Boislaroussie (commission écologie)
PREMIERES PROPOSITIONS CONCRETES:
ALTERNATIVES A LA POLITIQUE ENERGETIQUE
Quelles que soient les orientations que nous prendrons pour
maîtriser nos consommations, les enjeux énergétiques à venir nous
obligent à redéfinir, outre nos besoins, les capacités dont nous
devons nous doter pour répondre à ces besoins.
Ces besoins et ces capacités relèvent de trois domaines principaux
: la production d´énergie (chaleur et électricité pour
l´industrie le résidentiel et le tertiaire, pour l´agriculture), le
transport, l´habitat.
La production :
C´est une évidence qu´il serait impossible de passer totalement du
jour au lendemain d´une production de 275 Mtep (Millions de Tonnes
équivalents pétrole) toutes énergies confondues dont 110 Mtep de
nucléaire et 12 Mtep d´ENR à 275 Mtep d´énergies renouvelables.
Nous évoquerons à ce propos le rapport entre la production
d´énergie et son utilisation finale, c´est à dire le rendement de
chaque filière, la filière nucléaire étant sans doute la plus
désastreuse du point de vue du rendement énergétique. En effet,
outre les faibles rendements des turbines à vapeur (20 %),
l´énergie thermique perdue dans le refroidissement du réacteur, le
transport de l´électricité en lignes très haute tension y ajoute
des pertes par effet Joule. Autant d´énergie perdue pour au final
alimenter notamment... des radiateurs électriques !
Je propose de passer en revue les alternatives possibles les plus
réalistes :
La puissance de l´énergie photovoltaïque est limitée (2 m² = 60-70
W, soit une ampoule), et sa fabrication comprend un coût
environnemental pour l´extraction et le traitement du silicium.
Néanmoins, c´est certainement une énergie d´avenir, bien qu´encore
coûteuse.
Le bois-énergie amené à se développer, surtout en chaudières
individuelles ou en chauffage urbain ; la biomasse de manière
générale. De grosses centrales de production d´électricité sont
également programmées dans le cadre d´un A.O. français.
La cogénération, turbine ou moteurs à gaz. Production de chaleur et
d´électricité. Rendement élevé. Peine à se développer car EDF y met
des freins. 5000 MW actuellement.
Les turbines à cycle combiné : l´alternative au nucléaire, mais peu
de récupération de chaleur. Production trop centralisée, pertes
d´emploi et émissions de GES.
Avenir de l´incinération : diversification des filières de
traitement et mise aux normes des rejets (dioxines) des
incinérateurs. Il faut remettre en question ce tout incinération
par le recyclage, si limité soit-il.
Le biogaz de décharge : production d´électricité surtout.
Néanmoins, le gaz est très pollué par des silices qui viennent des
cosmétiques. La décharge en elle-même contient beaucoup de déchets
non triés. L´idéal serait de développer la filière méthanisation de
produits organiques : tri-valorisation des déchets organiques par
méthanisation et utilisation du gaz sur des moteurs. Après
épuisement du gaz, utilisation du compost comme amendement
organique pour l´agriculture.
Il est important de mettre en avant la perspective que représente
pour les exploitants agricoles la valorisation des déchets
organiques sur le lieu même de leurs productions dans des
digesteurs de méthanisation : production de chaleur, d´électricité,
de compost voire de biocarburants apportant à une exploitation une
réelle autonomie énergétique.
La géothermie : devrait être plus favorisée, malgré des coûts de
maintenance important. Il est possible de produire de la chaleur
(réseaux de chaleur de L´Haÿ-les-roses, d´Alforville...ou pompe à
chaleur), mais aussi de l´électricité (projet pilote à Soultz sous
forêt en Alsace)
L´éolien
Le solaire thermique : il permet des réductions significatives de
la consommation des carburants fossiles, pour l´Eau Chaude
Sanitaire et le chauffage
L´hydraulique
L´hydraulien : au début. Consiste à mettre des éoliennes sous la
mer, dans les courants.
Problème du stockage de l´énergie : batteries, stockage sous forme
de réservoir d´hydrogène produit par électrolyse (voir ci-dessous)
? il y a peu de solutions clés en mains, et le stockage de
l´énergie est un domaine à explorer. Par exemple, un barrage peut
permettre de stocker l´énergie produite sous forme d´énergie
potentielle.
Rappelons néanmoins les réserves officielles des différents
combustibles :
Pétrole : 40 ans
Gaz : 70 ans
Uranium : environ 70 à 90 ans, dans des réacteurs à fission. Les
réacteurs à fusion (ITER, Laser Mégajoules) étant très
hypothétiques dans l´état actuel des connaissances
Charbon : 200 ans
De toutes évidences, les énergies renouvelables ont de l´avenir, et
il serait intéressant de confirmer le nombre d´emplois attendus par
leur développement. Mais elles impliquent, même si des avancées
sont possibles en matière de stockage d´énergie, une réduction
drastique de nos consommations. Or, celles-ci continuent
d´augmenter. Ainsi, la part des énergies renouvelables en France
dans la consommation d´électricité est passée de 18 % en 1994 à 13,
5 % aujourd´hui ! Nous sommes loin de satisfaire les objectifs de
2010 qui sont de 21 % ! En particulier si le lobbying d´EDF et des
amendements politiciens viennent freiner le développement des ENR,
l´éolien en particulier.
D´où viennent ces surconsommations énergétiques : l´incitation des
pouvoirs publics à consommer (EDF se vante de battre des records de
production en plein hiver...), le développement d´un certain confort
superficiel : électroménager (ne peut-on se passer de la
télévision, du four à micro-ondes, de l´aspirateur du congélateur,
de climatiseurs... ?), mais aussi la faible prise de conscience du
gaspillage d´énergie (qu´en est-il de la « chasse au gaspi » des
années 80 ?). Le chauffage électrique est moins cher à
l´installation mais très coûteux en consommation, malgré les longs
discours que nous entendons sur le « kWh le moins cher d´Europe ».
Un autre facteur doit entrer en ligne de compte : Les nouvelles
innovations technologiques (NTIC), incontournables aujourd´hui, et
qui impliquent la création de nouvelles consommations
d´électricité, par la climatisation nécessaire aux Centres
d´Hébergement Informatiques (Internet). Ainsi, selon la revue
Silence, les CHI ont entraîné une augmentation de 8 % de la
consommation d´électricité aux Etats-Unis.
Le transport :
Difficile d´envisager l´après pétrole. Une remise en cause de notre
modèle de société sera nécessaire, c´est certain. On ne pourra
faire autant de kilomètres que nous en faisons depuis plus d´un
siècle.
Les différents moyens de transport envisagés peuvent être :
La marche à pied
Le vélo
La traction hippomobile, en particulier dans le milieu agricole, et
qui pour des raisons de coût du pétrole, reviendra sans doute
Le biogaz : certains bus à Lille roulent au biogaz, mais la
production reste très limitée
Les biocarburants : oui, mais ne risque-t-on pas de développer un
nouveau productivisme ? : de vastes champs de colza ayant pour
unique fin un carburant au dépend de l´auto-suffisance alimentaire
du Sud et du Nord. Et le risque est grand que la filière OGM s´y
engouffre. On nous a déjà sorti l´argument fallacieux de l´OGM «
pour résoudre les problèmes de faim dans le monde », on va nous
sortir la même litanie sur le carburant propre OGM
L´hydrogène. Irréaliste. Les US utilisent même du charbon pour
produire de l´hydrogène. On marche sur la tête. Il faut beaucoup
d´énergie pour effectuer une hydrolyse de l´eau ou un craquage de
la molécule de méthane. L´eau est à disposition mais pour combien
de temps ? Quant au méthane, il vient des carburants...fossiles ou du
biogaz. L´énergie pourrait venir d´un four solaire ou...d´une
centrale nucléaire. Je pense que la filière hydrogène relève de la
fuite en avant, et d´une vision technoscientiste.
La pile à combustible : elle fonctionne au combustible fossile ou...à
l´hydrogène. Il reste à trouver comment produire de l´hydrogène
(voir précédemment). Néanmoins, la PAC a de très bon rendement et
la recherche progresse très vite. Si la filière hydrogène était
réaliste, la voiture de demain serait à PAC. Mais on reste dans
l´incertitude de l´économie de l´hydrogène. Seuls les pays les plus
riches seront à même de la développer.
La voiture solaire : totalement utopique.
Ne rêvons pas, il est probable que les transports feront l´objet
d´une décroissance forcée (ou éclairée ?). En tout cas le transport
aérien disparaîtra en premier, c´est certain, d´ici une vingtaine
d´années. Le prix du Brent risque, même s´il se stabilise, de
rester élevé. Actuellement, ce sont les professions pour qui les
combustibles n´ont pas de taxes qui amortissent les hausses du brut
qui payent le tribut d´un coût élevé : pêche, agriculture,
transport.
L´habitat :
Plusieurs solutions existent pour améliorer le rendement
énergétique des habitations. En Allemagne, il y a des maisons
passives qui n´ont pas besoin d´aucun chauffage. Elles sont
équipées d´une serre exposée au sud, et très bien isolées.
Mais on peut aussi revoir les surfaces d´habitat, et la conception
globale de l´habitat, permettant une circulation d´air et une
rationalisation des échanges thermodynamiques : cela s´appelle la
bioclimatique en architecture.
Certaines habitations intègrent de la géothermie peu profonde (une
pompe à chaleur échange de l´énergie entre l´intérieur et le sol),
mais le réseau est enfouie dans la pelouse (pas de culture) et il
contient du fréon. Une autre solution est le puits canadien qui
consiste à faire circuler l´air du sous-sol pour réchauffer en
hiver et refroidi en été.
De manière générale, la construction de demain devra intégrer les
données des habitations traditionnelles, souvent empreintes de bon
sens (je pense à la case mélanésienne sous les tropiques) ou les
données de la Nature (un rideau de végétation constitue une
barrière thermique naturelle). Il est important que les architectes
étudient la nature au lieu de nous concevoir des grands tours
vitrées mettant en pratique...l´effet de serre dans les bureaux.
L´objectif est de réduire les consommations de chauffage, d´eau
chaude et d´électricité par habitat. Il ne suffira pas de maîtriser
nos consommations. Il faut apporter des solutions techniques. En
chaleur, les consommation sont de l´ordre de 21 kWh/m² habitable/an
en Eau Chaude Sanitaire, ou 45-50 m3/logement par an. En chauffage,
il faut compter 10 MWh/logement.
Pour l´électricité, cela demande de favoriser les ampoules basse
consommation, ou les LED, mais aussi de remettre en question le
tout électroménager, et les instruments laissés en veille : autre
débat sur la consommation que nous avons évoqué plus haut : quels
sont les éléments vraiment utiles ?
Thierry Folliard (commission écologie),