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Afrique 24 janvier 2006

EN DIRECT DU FORUM SOCIAL MONDIAL DE BAMAKO


24-01-2006 - UNE PREMIERE ETAPE FRANCHIE DANS L'ALLEGRESSE

Au cours de la manifestation de cloture hier, dans le stade Modibo Keita, les intervenants sont revenus sur ce premier Forum Social a une echelle mondiale en Afrique.

Bernard Pinaud, du CRID (collectif de 50 ONG francaises, tres implique dans l'organisation des FSM), a rappelle que lorsqu'en janvier 2005 il avait ete decide de tenir un FSM "polycentrique" dans 3 lieux de 3 continents differents, beaucoup avaient considere qu'il s'agissait d'une idee folle. "Et bien, le premier triangle de cette nouvelle tri-continentale a ete un franc succes, avec 20 000 inscrits, dont 1/2 de maliens, 1/4 d'autres ressortissants africains, et 1/4 de non-africains. Et, en ce moment meme, 70000 personnes sont en train de s'inscrire a Caracas".

Tous ont insiste sur l'excellent travail realise dans des conditions difficiles par le collectif d'oragnisation de ce FSM de Bamako, malgre quelques couacs inevitables dans ce pays tres pauvre.

Et ce comite de remercier largement les soutiens recus: certains ne surprendront personne, comme celui du Gouvernement Venezuelien (pres de la moitie du budget d'apres des rumeurs a verifier), d'une kyrielle d'ONG internationales, comme NOVIB (NL), OXFAM-Belgique, CCFD - France..., mais aussi du Gouvernement du Mali, qui a mis a disposition l'ensemble des infrastructures. Ce dernier a d'ailleurs ete chaleureusement applaudi par toute l'assistance, altermondialistes les plus libertaires compris.

Ce consensus ne s'est pas exprime pour d'autres soutiens financiers, qui ont tout juste recu quelques applaudissements polis, comme la Cooperation francaise, suisse ou canadienne, ou encore le Gouvernement Catalan.

Taoufik Ben Abdallah, membre du comite international des FSM et aussi de celui du FS Africain, par ailleurs membre d'une tres importante ONG africaine (ENDA Tiers Monde), a lui aussi insiste sur la dimension africaine, "avec plus de 40 pays du Continent representes". Pour lui, commence une annee cruciale d'ici le FSM prochain prevu a Nairobi, au Kenya, en janvier 2007: "nous avons 1 an pour elaborer une charte de l'unite et du futur de l'Afrique".

Passer des debats ouverts et autogeres a un programme d'action en commun ?

Toujours selon lui, il devient urgent de passer d'un espace de debats a un "espace d'action collective pour l'emancipation mondiale, a construire ensemble de veritables strategies de changement". S'agit-il la d'un retour a la tentative d'elaborer un "consensus des FSM" pour faire piece au "Consensus de Washington des tenants du monetarisme et de l'ultraliberalisme"? On pensait pourtant cette option ecartee depuis l'an passe, apres l'echec de l'appropriation collective des "12 propositions de Porto Alegre". Mais les choses semblent evoluer, comme le prouve la participation d'opposants a cette ligne a l'initiative organisee par leurs tenants juste avant l'ouverture du FSM, lors d'un seminaire nomme "Bandung: 50 ans apres" (reference a l'acte de naissance du mouvement des non-alignes a l'invitation de Sukarno en Indonesie).

La fin de la ceremonie a ete une vraie mise en scene du pan-africanisme renaissant, avec un passage de temoin a une vingtaine de kenyans presents, qui ont fait chante et danse l'assistance "NAWATI NISSARA", dont je vous laisse deviner la traduction en francais. Et un avertissement: "vous etes toutes et tous invites a Nairobi en 2007. Mais soyez prets a changer, soyez prets a une experience speciale...".

Un autre rendez-vous africain en 2007

Un peu avant, Jose Bove, courtise comme jamais, avait annonce la tenue d'un FSM thematique specifiquement consacre a la souverainete alimentaire en fevrier 2007, ici meme au Mali. Cette idee est nee dans les tetes des membres de Via Campesina grace aux tres nombreux contacts noues ici avec les organisations paysannes: On estime qu'il y avait pres de 8000 representants de ces OP ici. Ce theme est fondamental sur un continent dont 70 a 80 pour cent de sa population est rurale.

L'idee est de montrer qu'il existe une alternative paysanne, a base de reforme agraire, de regulation des echanges a l'echelle nationale, regionale et mondiale, et de refus du productivisme et tout particulierement des OGM. Les Alternatifs en seront bien-sur, inch Allah...

Cote figures emblematiques de l'altermondialisme, etaient la en bonne place Aminata Traore (ecrivain, ancienne Ministre de la Culture du Mali), Aminata Toure (presidente de la tres importante coalition des associations feminine au Mali et du Forum des Peuples) et aussi Madjiguene Cisse (senegalaise, porte-parole des sans-papiers de Saint Bernard, qui avaient ete expulse de cette eglise du 18eme arrondissement de Paris il y a une dizaine d'annee).

Un trio doublement symbolique. D'abord de la force des association feminine et de leur prise de parole dans ce FSM (beaucoup plus de la moitie des participants etaient des femmes). Ensuite, de l'importance de la thematique de l'emigration dans ce forum. D'ailleurs, Jose l'a dedie "aux refoules de Ceuta et de Mellila".

Si la libre-circulation des personnes semble faire consensus, il n'en est pas de meme de l'emigration des forces vives de ce continent, qui semble etre generalement percue comme un pis-aller.

Un spectacle de danse tres emouvant peut resumer a lui seul ce FSM: des danseurs emergeant de tres larges corolles jaunes, vertes, bleues, rouges sous un chant lancinant a capella, tels des hommes emergeant de la glaise qui les retient prisonnier. Un 9eme rentre sur scene, semblant chevaucher des flots liberateurs. Les danseurs tournent alors sur eux-memes jusqu'a prendre silhouette humaine.

Pour paraphraser la delegue kenyane: Longue vie a l'Afrique, Longue vie a l'Humanite, Vive le FSM.

Philippe, dernier alternatif encore a Bamako





23-01-2006 - UN FORUM VRAIMENT POPULAIRE

La dispersion des 10 lieux dans lesquels se déroulent les débats ne facilitent pas les improvisations ni le passage d’une thématique à l’autre. En revanche, cela fait le bonheur des chauffeurs de taxi : les distances sont vraiment très longues pour être parcourues à pied le long des avenues pétaradantes, et les transports en commun (des minibus VW verts olive à la tôle découpée pour être plus accessibles en marche) strictement réservés aux initiés, les rabatteurs criant au passage, en bambara, leur quartier de destination.

Mais, plus sérieusement, cette dispersion a aussi un intérêt, d’ailleurs recherché par les organisateurs : il permet une véritable « infusion » du FSM dans la ville. Tant et si bien qu’il est fréquent qu’on nous interpelle dans la rue, à la vue de nos badges FSM, et pas seulement des militants a priori. Un marchand de son échoppe, un chauffeur de taxi, une cuisinière des rues peut ainsi nous demander « comment se passe le forum », « qu’est-ce qui se décide pour le coton ? », « à quelle heure Aminata Traore doit-elle intervenir ? »… D’autres bien sûr doivent vraiment se demander ce qui se passe avec tous ces babas toubabs qui se baladent là. Mais ceux-là ont le tact de ne pas nous le demander ! Dommage sans doute. Bon, j’exagère, car la TV et les radios locales FM, couvrent largement le forum et doivent bien participer à le populariser.

Quant aux lieux, ils sont réellement ouverts : chacun entre là sans avoir eu à payer son inscription, celle si, même modique pour les ressortissants du Sud (1250 CFA ou 2 Euros), coûtant tout de même 2 kg de mil. Et les discussions s’engagent facilement.

Mais le plus impressionnant reste le concert de Tiken Jah Fakoly de vendredi soir, qui a comblé le stade Modibo Keita, avec ses paroles tout à fait dans le ton du FSM, une vraie synthèse à lui tout seul, sur un reggae diablement entraînant. Enfin, comme on avait très faim, et qu’on avait un peu épuisé notre énergie dans la journée, on n’y a même pas assisté : ouououh pour nous!

Quelques flashes d’ateliers qu’on a pu suivre les uns ou les autres.

L’accès aux médicaments.

Animé par 2 ex-salariées d’Avantis (du Centre de recherche de Romainville, en cours de fermeture), qui proposent une campagne pour un contrôle international des médicaments. Peu d’assistance dans ce lieu assez perdu au fin fond du Campus universitaire, mais un débat très animé autour des génériques, des « dons de médicaments » aux ONG (venant en particulier du système CYCLAMED en France) et ensuite de leur usage sans contrôle, voire de la destruction du système de santé local que cela provoque. Nathalie y reviendra !

2 débats beaucoup plus suivis à la Bibliothèque nationale, avec environ 300 personnes chaque fois, sur « néolibéralisme en Afrique et « OGM ».

Mais il faut dire que José Bové y intervenait, ceci expliquant peut-être cela. Et puis, il y avait aussi Roland ! Pour le premier, beaucoup de témoignages d’associations de pêcheurs, de producteurs de cotons ou vivriers, de syndicalistes des mines d’Afrique du Sud… Pour le 2ème, 2 exposés très pédagogiques de généticiennes, 1 béninoise, et 1 malienne. La première a écrit un ouvrage avec l’Association Grain, sur lequel on reviendra. On y a appris en particulier que le Burkina sert aujourd’hui de cheval de Troie pour le coton BT (OGM « résistant » naturellement aux pucerons). Et que le Gouvernement Compraoré, avec le soutien de Monsanto, a fait venir des agriculteurs Sud-Africain qui avaient commencé à le cultiver pour convaincre la Confédération Paysanne Burkinabe (qui n’a pas grand chose à voir avec son homologue française, se méfier des contrefaçons). Des intervenants ont suggéré de trouver des fonds pour faire revenir les mêmes témoins sud-africains pour les faire témoigner 2 ans après, avec la résistance des pucerons qui est apparue, et des endettements monstrueux de beaucoup d’entre eux pour se payer les semences et les produits phytosanitaires supplémentaires alors que les cours du coton baissent.

Blandine a participé à un séminaire très dur selon elle sur les violences faites aux femmes.

Où, paradoxalement, les femmes ont aussi été mises en accusation, en tous cas celles qui excisent, qui marient de force leurs filles… Mais d’autres ont insisté sur la domination des femmes, par les maris, ou par les autorités traditionnelles, masculines celles-ci, qui ne leur donnent pas vraiment le choix. Ce qui reste très impressionnant ici à Bamako, c’est la considérable mobilisation des associations féminines pour nous français. Nathalie fera un compte-rendu et a fait des interviews qui figureront dans le journal.

Toujours à propos d’initiatives féminines, l’atelier organisé par le Forum Social Local d’Ivry et Consom’Solidaire a permis d’en faire ressortir énormément. Un atelier foisonnant, où on a parlé aussi bien des initiatives au Nord et au Sud, de leurs rapports éventuels, des problèmes de monnaies… avec en particulier les interventions de William (AMAP Paris Sud) et de Martine (SEL Vannes, coopérative d’achat, Jardins solidaires). Et à la mise en procès des « micro-crédits ». Là encore, on y reviendra plus à fond.

Les Alternatifs ont organisé en tant que tel 2 ateliers. L’endroit assigné ne facilitait a priori pas les choses : sous les cocotiers de la maison des jeunes, entre le bar et les étals des cuisinières, dans un lieu nommé « point G ! ». Donc pas facile de se concentrer dans ce lieu de passage. Mais finalement, on a réussi à retenir des gens qui passaient pour d’autres raisons.

Côté intervenants sur la souveraineté alimentaire, à part Michel, Malik Sow, représentant sénégalais des agriculteurs agro-pastoraux, Jean Cabaret, représentant les éleveurs à la Confédération Paysanne Française… et puis aussi bien d’autres témoignages de représentants de paysans mauritaniens, maliens, burkinabe, éthiopiens, de syndicalistes kenyans ou maliens « ajustés », de militants d’ONG… On est largement revenus sur l’articulation entre les luttes à l’échelle nationale (partiellement victorieuse pour les producteurs d’arachide au Sénégal contre la baisse de prix après la privatisation de la filière ; inscription de l’objectif de souveraineté alimentaire dans la constitution malienne… mais pour l’instant sans trop de traduction concrète), les luttes internationales (bilan très mitigé de Hong-Kong malgré une très forte mobilisation, en particulier de Via Campesina), les revendications d’un autre équilibre des marchés internationaux.

Une problématique proche a été abordée sous un autre angle aujourd’hui avec un 2ème séminaire sur la régulation des marchés internationaux de produits agricoles. Avec encore d’autres intervenants, plus les mêmes, et notamment une intervention extrêmement pédagogique d’un économiste togolais, liant les politiques d’ajustement structurel, monétaires (avec l’emprise des banques françaises sur l’UEMOA, institut d’émission du F CFA dans la région, qui impose « O déficit budgétaire », pire que les critères de Maastricht chez nous), insécurité sur les marchés, appauvrissement et exode rural…

Difficile de relater en quelques lignes la richesse de tous ces débats là, et encore d’autres même pas évoqués ici.

Maintenant, en cette presque fin de forum, se pose encore la sempiternelle question : et demain ?

Avec une forte envie de coordonner au moins un calendrier de luttes et de mobilisation pour les prochains mois : contre la fin du cycle de Doha à l’OMC, contre la signature des accords de partenariat économique entre UE et pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique), au moment de la Conférence des Nations Unies sur le Climat et ses demis mesures proposées etc.

Nathalie et Philippe





21-01-2006 - ENFIN L'AFRIQUE

Quelques chiffres rassurants, avant hier pour la manifestation d'ouverture environ 5 à 6 000 personnes, mais visiblement tout le monde ne l'avait pas rejoint, sur les 30 000 accréditations dont 10 000 maliens.

La dispersion des sites dilue l'impression du nombre réel.Ce n'est pas la foule de Mumbai ou la diversité de Porto Alegre, mais les débats sont de haute qualité. Néanmoins, le FSM est quand même très franco-ouest africain, du moins en nombre, avec tout de même une forte délégation italienne.

Trois temps forts, trois lieux et le mot du jour "déflaté"

Sur le site du musée : Eau, énergie, éco système, souveraineté et alternative.

Des effets de la privatisation de l'eau à la souveraineté énergétique, les débats ont glissé vers l'exemple de la privatisation du rail malien. Après traduction, un excellent travail de la CGIL (Syndicat italien) sur l'énergie fera certainement l'objet d'un compte-rendu dans Rouge et Vert. Le président du syndicat CODICIRail, Tiatoura Traoré, a expliqué son combat contre la privatisation du transport ferroviaire malien, une artère économique.

Ce n'est certainement par par hazard qu'était présent à ces débats la CGT Métallurgie et Energie, la commission internationale de la CFDT et l'UFIC (cadres CGT) Transports parmi les personnes reconnues.

Sur le site du Palais de la Culture (en passant "don du camarade Kim Il Sung" ... juste pour la petite histoire) : L'univers des femmes.

Ce qu'il y a de bien quand on suit les problèmatiques des femmes, c'est qu'on ne rencontre pas forcément tout le "gratin de l'altermondialime", mais des femmes du pays dans lequel on est. Donc ce sont elles qui se sont exprimées, du Benin, de Guinée, du Sénégal, du Burkina Faso et bien sûr du Mali, dans l'atelier sur l'appropriation des terres, avec à la fois beaucoup de pragmatisme (exemples concrets) et beaucoup de hauteur de vue. La question a vite tourné autour de la pression qui doit être exercée auprès des gouvernements ou des autorités locales pour ne serai-ce que l'application des textes quand ils existent. Ces textes décrétant les mêmes droits à la propriété pour les hommes et les femmes. Par contre, il faut aussi faire porter l'effort sur leur vulgarisation car ils concernent une population souvent illétrée.

Sur le site de la bibliothèque nationale : Les questions agraires et paysannes (où Michel ne s'est pas privé d'aller pointer son nez)

Un séminaire "Conséquences sur les paysans de la privatisation sauvage du secteur cotonnier au Mali", organisé par l'Association des femmes de cheminots DEFLATES de Kayes (ça y est ... vous l'avez trouvé). Déflatés = ajustés = licenciés.

L'attention a été portée par des représentants d'organisations de petits producteurs de coton sur le fait que la lutte pour cette culture, très médiatisée, cache toute une partie vivrière de cette culture (coton sur la même terre 1 année sur 3).

La suite de Hong Kong abordée dans un atelier sous forme de 3 scénarii (particulièrement défendus par Oxfam) : Le round continue plus ou moins longtemps selon la force de l'opposition et de la synergie des pays opposés aux accords.

La soirée s'est terminée encore autour d'une projection cinéma en plein air, mais avec une température beaucoup plus clémente qu'hier. Un film sur le rêve de l'immigration en Europe brisé par des lois européennes hypocrites et par les dangers de l'immigration clandestine (référence au jeune retrouvé dans le train d'atterissage d'un avion à Roissy) et un témoignage, poignant et "illustré" sur l'inceste au Sénégal, pour encourager les filles à ne plus se taire.

Bon, c'est quand même pas triste du tout, nous avons beaucoup de contacts extrèmement intéressants. Et pis c'est tout pour ce soir... à demain.

Alain et Nathalie





20-01-2006 - DEPRESSION PASSAGERE SUR BAMAKO

Un étrange climat domine ce début de FSM polycentrique. Une température curieusement basse. Pas par rapport à Paris évidemment - il fait quand meme entre 15 et 20 degrés - mais relativement aux moyennes habituelles. Du côté mobilisation, tout le monde semble un peu engourdi encore.

Le grand moment hier a été la manifestation d'ouverture: elle permet traditionnellement d'embrasser l'éventail des participants et de leurs luttes.

Le cortège avait rendez-vous au monument de l'Indépendance. Tout un symbole quand on pressent qu'une thématique fondamentale de ce FSM devrait être la souveraineté des peuples sur leur destin.

On retrouvait là une foule bigarrée, mais moins nombreuse au départ qu'escompté.

Côté spectaculaire, trois touaregs sur leurs dromadaires parvenaient à marcher du même pas pour porter une banderole exigeant l'instauration d'un commerce équitable en Afrique. Ou encore des cortèges de membres d'associations féminines toutes habillées de grands boubous blanc, chantant en canon derrière des banderolles en batik.

Les saharouis étaient en force, chantant et criant pour réclamer la libération des prisonniers politiques récemment arrêtés dans ce pays - l'ex-Sahara espagnol - colonisé par le Maroc. Non loin d'ailleurs de Marocains venus eux-aussi en nombre, en particulier avec ATTAC Maroc, et arborant curieusement le drapeau Cheriffien. Une des contradictions du mouvement altermondialiste, où tout le monde n'a pas encore tiré une croix sur un nationalisme étroit.

Un mouvemet social malien actif et diversifié...

Les maliens dominaient cependant le cortège, avec notamment une importante délégation de syndicalistes du rail malien s'opposant à la privatisation. Ce véritable cordon ombilical qui relie Bamako à Dakar, et donc le pays à la route majeure du commerce international : seulement, cette privatisation sous l'égide des institutions internationales -FMI, BM, France- ne retient que la vocation transport de marchandises en négligeant totalement le désenclavement de tout l'Ouest malien - jusqu'à Kayes, première region d'émigration vers la France. Ainsi, pour préparer cette privatisation, de nombreuses gares locales ont été fermées, supprimant des dessertes fondamentales pour la vie de cette région. Et les habitants en sont réduits, au sens propre, à voir passer des trains qu'ils ne peuvent plus prendre.

On percevait à travers cette manifestation la richesse et la diversité de la "societé civile" malienne: associations paysannes, forum des peuples - qui réunit chaque année plus de 2000 personnes -, Comité pour l'annulation de la dette, de multiples associations de jeunesse, de femmes... En revanche, pas de partis politiques clairement identifiés en tant que tels.

Les autres participants visibles étaient principalement les ONG, avec une forte composante d'origine chrétienne: CCFD, Caritas, Emmaus - avec une délégation particulièrement active d'un comité Pau-Bamako qui scandait alternativement en francais et en Bambarra des slogans tels que "Tous ensemble, tous ensemble...", "OGM, OMC, No Pasaran", "Un autre monde est possible, faisons le". La coordination des ONG francaises est comme lors des précédents FSM coordonnée par le CRID : lors d'une réunion la veille, Gus Massiah, son président, a salué les quelques 200 personnes venues ici a Bamako, soit de France, soit des organisations des pays partenaires à travers le Monde, d'Afrique bien-sûr, mais aussi d'Asie et d'Amérique Latine.

Côté syndicats, quelques drapeaux de la CGT francaise - métallurgie et énergie -, de SUD-solidaires, de la CGIL Italienne, du syndicat Chrétien Belge, des médecins cubains en coopération a Bamako ...

Quant à nous, la petite délégation des Alternatifs présents, nous avons défilé derrière la banderolle des Forums Sociaux Locaux de la Région Parisienne, emmenée surtout par des FSL du Val de Marne - Ivry, Champigny..., et aux côtés de camarades du réseau international No Vox, dont les membres francais les plus connus sont Droits Devant et le DAL.

Au sein des Alternatifs, les implications des un-e-s et des autres sont diverses, de l'organisation de séminaires sur la souveraineté alimentaire et la régulation des marchés des produits agricoles comme le coton - dans la suite des réunion de Porto Alegre l'an passé-, à la mise en place de réseaux de commerce équitable entre Afrique et Région Parisienne ou Bretagne, en passant par la coordination d'actions en faveur des sans papiers, ou pour contrer l'OMC. Cette délégation compte deux personnes qui résident en Afrique et qui sont venues ici en particulier pour structurer l'Association des Amis du Monde Diplomatique qu'ils animent au Burkina : il s'agit de Blandine, la présidente, et de Christian, un des fondateurs de l'Association à Bobo Dioulasso.

Au hasard, on croisait également au long du cortège quelques drapeaux des Verts, des JC, des JCR, quelques responsable du PCF ou d'Alternative Citoyenne élus au Conseil Régional d'Ile de France.

Libérer la parole et agir ensemble

La manifestation est allée de symbole en symbole : au dessus de la Gare de la ligne en voie de privatisation, sous la colline de la résidence présidentielle, sur la paroi de laquelle est accrochée une gigantesque banderolle "un autre monde est possible", jusqu'au stade omnisport qui est aussi le lieu du Campement International de la Jeunesse Thomas Sankara, le président du Burkina porteur de tant d'espoirs en Afrique et dans le Monde dans les annees 80, assassiné par son compagnon qui est depuis président du pays avec l'appui tant de la France que de la Lybie.

A l'arrivée au stade, une surprise: des groupes de tambours et de danse. Les tambours du Burundi tout en rouge et vert ; les danseurs - parfois très jeunes de Guinée ; et surtout les chasseurs Dogon - région de la Boucle intérieure du fleuve Niger dans le haut Mali - avec leurs échasses, leurs coiffes à faire palir des Bigoudènes, leurs masques... et surtout leurs rythmes extrêmement prenants.

Et puis quelques discours bien sur. Le choix des intervenants est significatif de l'orientation de ce FSM polycentrique. La représentante des Associations féminines paysannes maliennes, Fatou Diakite, qui a notamment déclaré: "vous êtes partis loin de chez vous, vous êtes ici chez vous. Le monde, c'est partout chez nous tous". Et ausi Ibrahim Soule, au nom des organisations de jeunesse, qui a clamé son bonheur d'être ici, "notamment pour libérer la parole des jeunes, la parole de l'Afrique", mais aussi pour "commencer à poser des jalons d'actes concrets ensemble".

Beau programme pour les rencontres, séminaires et manifestations qui démarrent réellement ce matin.

Il a en fait démarré dès hier au soir par la projections de films dans le cadre de Ciné Droit Libre. Après Ilha das Florès que plusieurs d'entre nous avaient deja vu - un extraterrestre essaie de comprendre le système qui fait que coexistent des supermarchés très bien achalandés et des familles qui peuvent tout juste récuperer des déchets à Porto Alegre, un film qui est toujours censuré au Burkina. Ce film, "Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo" est une véritable enquête sur la mort du journaliste directeur d'un des plus importants journal "L'Independant": Comment, après une enquête sur l'assassinat du chauffeur du frère du Président, il se retrouve menacé puis executé -brûlé vif- par la Garde Présidentielle. Et surtout comment, après un mouvement social sans précédent dans ce pays à la suite de cet assassinat, des grèves massives, des manifestations au cours de laquelle la gendarmerie tire à balles réelles sur la population, le Président et sa clique sont parvenus à reprendre la main, avec l'aide en particulier de l'épiscopat. Comment, de Commission d'enquête indépendante avec des personnalités d'opposition Burkinabes et d'autres pays, en Comité des Sages, puis en "journée du pardon et de réconciliation nationale", la contestation a été canalisée puis totalement étouffée. Pourtant, tout espoir n'est pas mort. Chaque 13 décembre, des milliers de personnes continuent à commémorer la mort toujours impunie de Norbert Zongo. Et, comme l'a souligné un professeur d'Histoire sénégalais lors du débat, les régimes nés dans le sang finissent toujours dans le sang. Plusieurs interpellations nous ont visé, nous en tant que militants du Nord : faisons- nous suffisamment pour dénoncer le soutien de la France à ce type de régime?

Il est d'ailleurs temps qu'on y aille. A demain!

Blandine et Philippe




MON PREMIER F.S.M .

L’accueil des Maliens : ‘ Vous êtes venus de chez vous ,vous êtes chez vous’ .

La première journée c’est la course pour obtenir un programme officiel détaillant tous les ateliers et leurs emplacements. Peine perdue , nous n’aurons des informations que le lendemain ,après une attente d’une matinée .

Enfin munis d’un kit de participant (carte de Bamako avec les lieux des ateliers, badges) j’ai mesuré l’ampleur du forum ,tant sur le plan géographique que sur la variété des ateliers proposés.

La marche des Altermondialistes a ouvert le forum, plus de 10 000 ,à travers les rues de Bamako avec banderoles et slogans hostiles aux politiques néo-libérales .

Sur dix kilomètres ,la prise de conscience des peuples des injustices et frustrations dont sont victimes les Africains . Le plus frappant reste la mobilisation des femmes ,,paysannes, actrices du petit commerce, teinturières, restauratrices, jardinières, femmes de ménage elles sont concernées .Dans les ateliers, il fut beaucoup question : du coton avec le projet de privatisation de la CMDT (compagnie malienne de coton et de textiles ) qui mettra au chômage nombre de travailleurs ,de l’émigration après les événements de Ceuta , de l’annulation de la dette , de la condition des femmes mais peu d’écologie .

Tout avait de l’importance mais impossible de tout entendre .

Nous sommes allés ,Nathalie ,Alain et moi à la rencontre d’une coopérative de femmes teinturières et vendeuses de Bazin (tissu de coton) .Cette coopérative fait travailler une cinquantaine de personnes, des femmes essentiellement qui teignent les tissus et quelques hommes pour le travail pré-teinture et le martelage des tissus finis. J’ai participé et animé un atelier organisé par l’association Parfum d’Afrique d’Ivry parrainé par Alternative Diffusion 56 ,l’association des Trois Puits et l’association Consom’Solidaire qui traitait du micro-crédit et de micro-projets pour la mise en place de structures nécessaires au développement socio-économique et solidaire .William a parlé des AMAP et du commerce équitable et moi de mon expérience des S.E.L (système d’échange local )et des jardins collectifs. De nombreuses femmes attentives dans l’assistance ,des échanges riches d’enseignements, l’intervention remarquée de Mahamadou Fayinkeeh de Gambie ,coordinateur du GRUC (Gam Rural Unesco Club ).Au détour des stands de présentation des ONG et associations africaines ,mon attention s’est portée sur une petite ONG ,Tamina qui intervient dans les domaines de l’éducation, la santé, l’économie, l’environnement, le social et a pour projet le développement du séchage solaire (fruits et légumes ) ainsi que le reboisement .Cette association a besoin de soutien et j’ai promis de la faire connaître à mon retour. Certaines ONG ne sont pas très appréciées des africains (manque de suivi , méconnaissance des besoins réels ). Mon séjour à Bamako a été aussi l’occasion de mieux connaître certains Alternatifs et je remercie sincèrement Michel et Philippe pour leurs explications économiques et agricoles, Nathalie et Alain pour leur connaissance des méandres d’un forum et Christian ,Blandine et Roland pour la logistique .Sans eux ma première expérience en la matière aurait été un enfer .

Martine Blanchard-Leseur . Alternatifs 56 Séné


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