TRIBUNES LIBRES
     
 
Remonter ]
Europe 24 octobre 2005

REMOBILISER TOUS LES COLLECTIFS ET EN CREER DE NOUVEAUX


Des collectifs se mobilisent

Les assises départementales des collectifs des Bouches du Rhône, les initiatives déjà prises par de nombreux collectifs et le meeting Bolkestein à Paris montrent que la capacité de mobilisation des collectifs "du 29 mai" reste très importante. Près de 600 participants à Aubagne pour une journée entière de débats, à l'issue d'une semaine particulièrement chargée pour les militants de Marseille, cela montre une grande vitalité des collectifs.

Un autre indice doit être relevé. Les entreprises en lutte (Nestlé, SNCM, port autonome), ont toutes envoyé des délégations alors même que les deux dernières vivaient une situation tendue. Et ces délégations nous ont dit : nous avons besoin de vous pour la solidarité ; mais aussi, nous avons mené ensemble la bataille du Non et cela doit continuer. Environ 600 personnes à Paris, où nous avons réussi un meeting Bolkestein convoqué en une semaine. Quelques nouveaux collectifs ont même été créés. Cette dynamique s'appuie sur le mécontentement dont la journée du 4 octobre a montré l'ampleur.


Des interrogations et des doutes

Dans le même temps, nous rencontrons des interrogations et des doutes et certains collectifs semblent ne pas avoir encore redémarré. Nous connaissons une rentrée difficile : l'Europe libérale continue, l'agressivité gouvernementale aussi. Cela ne doit pas nous faire oublier que nous venons de remporter une victoire extraordinaire contre une formidable coalition politique, économique et médiatique. Certes, l'Europe libérale et le gouvernement continuent. Ce n'est pas vraiment une surprise et c'est pourquoi nous avons décidé à continuer aussi.


Continuer comment ?

Ne pas oublier les leçons de notre victoire


En premier lieu, nous n'avons pas mené une campagne de témoignage, mais une campagne pour gagner. Ce n'était pas évident d'entrée de jeu. Le pronostic était pessimiste, les sondages défavorables. Lorsque nous disions, au lancement de l'appel des 200 : "le Non peut gagner", nombreux étaient ceux qui n'y croyaient pas et qui se sont mobilisés très tard. Cela nous rappelle que l'on ne doit pas se fonder sur des pronostics mais sur un objectif, et tout faire pour l'atteindre sans jamais pouvoir garantir que ce sera le cas.

En deuxième lieu, nous avons proposé un cadre unitaire original. Nous avons refusé les coupures traditionnelles qui affaiblissent la gauche anti-libérale. Celle entre militants du mouvement social et militants politiques ; celle entre sensibilités politiques dont nous savions qu'elles pouvaient participer ensemble à cette campagne. Nous avons commencé à dépasser cette opposition. L'amalgame a été déterminant pour créer la dynamique. Il suffit pour s'en convaincre de se souvenir de l'enthousiasme, malgré leur longueur, des meetings qui rendaient palpable cette unité.

En troisième lieu, ce cadre a plutôt bien marché. Avec des tensions, des inégalités bien sûr. L'idylle instantanée eût surpris. Globalement, la manipulation redoutée des organisations n'a pas eu lieu et celles-ci ont pu apparaître sans briser l'unité. Nous devons continuer en veillant à cet équilibre. Les organisations doivent y veiller aussi et prendre garde à ce que leurs initiatives ne provoquent pas un retour en arrière qui serait aussi, pour elles, un retour de bâton.


Continuer, ce n'est pas banal

Nombreux étaient ceux qui prédisaient que le référendum sonnerait le glas de collectifs. Pas seulement nos adversaires. Nous avons souvent entendu ces réflexions, à l'adresse des partis : "ils s'apprêtent à reprendre leurs billes en prévision des présidentielles ; chacun annonce son candidat". Force est de constater que, pour l'instant, personne n'a repris ses billes. D'abord, nous avons décidé de continuer. Ensuite, aucune des composantes nationales ne s'est retirée. Enfin, le collectif national s'est élargi (voir les listes de participation). Chacun sait bien que le malheur guette ceux qui prendraient la responsabilité de rompre la dynamique unitaire.

Ne nous laissons pas plomber par les présidentielles à venir. Qui sait ce que sera alors la situation ? Nombre d¹inorganisés se sentent à l'avance dépossédés par les organisations. Il est légitime que les organisations politiques préparent les échéances politiques. Les collectifs, s'ils le souhaitent, n'en seront pas pour autant dépossédés. Parce que les organisations devront tenir compte de ce qu'ils pensent. Parce qu'ils préparent aussi, à leur manière, ces échéances. Par le débat et l¹action.


Discuter et agir

Les collectifs sont un cadre unitaire pour débattre du contenu des politiques de rupture avec le libéralisme. Il ne doit pas être mené en vase clos. La perspective est de contribuer à la prise en charge la plus large de ce débat et d'aller vers des assemblées ouvertes. La démarche n'est pas simple car elle ne correspond à aucune tradition. Elle se construira dans la durée. Pour commencer, il peut être préférable de saisir l'occasion de mobilisations locales pour, sur le sujet de la mobilisation, proposer de débattre des solutions. Il faut garder en tête l'idée des cahiers d'exigences. Si nous pouvions déjà mettre par écrit les aspirations largement exprimées dans des mobilisations populaires et précisées dans des débats publics, ce serait un premier pas important.

Toutefois, dans un premier temps, la remobilisation générale des collectifs passera par l'action sur des objectifs précis. C'est l¹occasion de reprendre contact avec tous ceux qui ont mené la bataille du Non. Le soutien aux luttes locales est évidemment essentiel. Nous ne prétendons pas nous substituer aux organisations qui mènent ces luttes. Nous sommes en revanche pleinement dans notre fonction pour mener la bataille de l'opinion, expliquer le plus largement possible les raisons de la lutte, la nécessité du soutien et le lien avec les politiques libérales.


Nous devons en outre enclencher très vite une grosse campagne Bolkestein-Services publics.

Parce que nous pouvons peser. La directive Bolkestein dépasse les services publics mais les menace aussi. Il n'est donc pas artificiel de lier les deux. Nous insisterons sur les mensonges de la droite. Chirac avait juré que la directive était retirée, elle est discutée au Parlement et les députés de droite y soutiennent le projet que Chirac avait prétendu combattre. La droite prétend privatiser la SNCM au motif qu'elle perd de l'argent, alors qu'elle veut privatiser aussi EDF qui en gagne, etc.

Pour cette campagne nous devons utiliser l'expérience de la bataille référendaire. Tracts d'information, multiplication des réunions publiques, internet, etc. En sus, nous proposons des initiatives plus amples réunissant toutes les forces qui réclament son retrait. Nous devons traquer les élus de droite sur les deux sujets. Une échéance permettra une première centralisation : la manifestation du 19 novembre appelée par le collectif "Guéret" dont nous sommes évidemment partie prenante. L'ouverture du capital d¹EDF peut être décidée rapidement. Le vote Bolkestein en commission est prévu pour le 22 novembre. Celui du Parlement devrait avoir lieu à la mi-janvier 2006. L'accord du conseil des ministres européens est nécessaire. Un Non du gouvernement français bloquerait, en pratique, l¹adoption de la directive. Il n'y a pas de temps à perdre. Cette fois aussi nous pouvons gagner.


L'enjeu

Par delà ces luttes immédiates, l'enjeu est que la gauche anti-libérale se renforce et dispute la prédominance à gauche au social-libéralisme. C'est nécessaire pour restaurer l'espoir de la transformation sociale. Par nos débats et par l'action commune, nous allons consolider et amplifier l'acquis de la campagne du Non.


Yves Salesse

haut