OPPOSITION & DIVERSITE CULTURELLES
La DIVERSITe au secours de la décroissance culturelle
CULTURE et libertés, autogestion, politique et marché.
A l'heure de la bataille à l'UNESCO (octobre 2005) sur la diversité
culturelle, que nous offrent l'Europe et la France en s'appuyant sur les
principes de l'exception culturelle ? Retour sur un héritage en lambeaux
qui annonce notre appauvrissement culturel, les politiques culturelles
s'enracinent loin dans l'histoire française, la fin du mythe français
s'annonce pourtant. L'UNESCO s'est engagée originellement à travers sa
déclaration universelle sur la diversité culturelle de novembre 2001 qui
elle-même trouve un écho dans la conférence de Johannesburg de septembre
2002, ou la diversité culturelle est présentée comme la garantie du
développement durable, comme un élément de la biodiversité uniquement. La
culture englobe tous les évènements de l'environnement, traditionnel ou
contemporain, l'identité liée au patrimoine pour conserver ses racines,
l'ouverture liée à l'histoire pour penser le monde contemporain. La
mondialisation de la communication nous force à poser la question de
l'altérité, la culture doit être reconnue comme condition indispensable au
développement au même titre que l'eau, l'éducation. Sortir des
conformismes pour défendre les identités culturelles, les langues, les
patrimoines en tenant à distance les industriels de la culture rompus à la
logique économique en contradiction avec le respect de la diversité, c'est
l'enjeu de notre sauvegarde collective.
Aujourd'hui les espaces de liberté se restreignent avec la judiciarisation
de la société. La sécurisation est généralisée, les caméras nous
surveillent, les médias nous endorment (enfouissant nos consciences
collectives), que nous reste-t-il en ce début de XXIème siècle ?
A la croisée de l'art et de l'artisanat, le théâtre, musiques, cinéma et
création plastique sont-ils les ultimes remparts ? Loin de la jungle
guerrière et de celle des affaires, un espace peut paraître préservé:
celui de la culture. Internet, espace de libre expression ? Le réseau
informatique mondial s'est transformé en autoroute de l'information
codifié et surveillé (les juristes s'en chargent) même s'il représente un
outil de communication essentiel pour les médias alternatifs. Les labels
musicaux indépendants l'utilisent largement pour survivre et protéger leur
originalité et leur touche « auto-prod' », aujourd'hui le peer to peer et
le téléchargement démocratisent les accès, le système nourri aux « gros
médias » prospère.
Cultures alternatives ?
Territoire qui subit les assauts de la mondialisation, le champ culturel
voit aujourd'hui émerger des échanges sans intervention des pouvoirs
publics ni du marché. Axe d'intervention protégeant l'intellect et nos
libertés, refuge contre la violation de notre imaginaire, la culture
libérée de la logique de marchandisation est le principal recours dans la
quête d'alternatives. Ouverte et pluraliste, s'appuyant sur la diversité
créatrice, elle nécessite une politique d'accessibilité, éloignée de tout
élitisme et constitue de fait un défi à l'imagination, à la solidarité. La
bohème culturelle et l'expression libératrice font front à leur manière,
l'art s'impose contre la coercition et le contrôle de nos vies. La culture
participe de la construction de l'âme collective, c'est un bien commun et
une loi de survie. Prédominance de l'art marchand, des publicistes et de
l'art officiel, la culture aidée, subventionnée est sous la coupe de
bien-pensants qui favorisent l'uniformisation. La standardisation est
accentuée par le lobbying des multinationales et des groupes de presse aux
mains des industriels, un formatage idéologique qui met en avant le culte
individuel et un consumérisme appauvrissant socialement. Le déficit
relationnel ambiant rend difficile l'enrichissement mutuel. La France est
le mauvais élève de l'apprentissage artistique et de langues étrangères
(monolinguisme persistant).
Alternatives culturelles et Droit à la culture
La culture se construit sur les relations, des réseaux, des «tribus» et de
l'entraide qui l'accompagnent, d'où un foisonnement d'initiatives, une
multiplicité d'expressions. Elle est un mélange de spiritualité et de
liberté, d'alternative au matérialisme généralisé et donne une valeur à la
vie. Elle peut impliquer des coopérations, don, troc, autonomie et
désintéressement en offrant un espace à la militance. Quelle est la place
de l'art dans l'expression revendicatrice et quel crédit donner à la
révolution culturelle ? L'art par essence est subversif car il est
indomptable et incontrôlable. Une reprise en main des cultures par la
population initie une transformation, une réappropriation des moyens de
production, la diffusion des arts et des pensées et impose une
horizontalité dans les rapports. Le développement de l'autonomie et
l'indépendance au marché est une phase clef. L'affirmation d'un engagement
en découle, la culture introduit du politique, la précarisation de
l'existence de l'individu le politise et amène à reconsidérer son travail
et sa rémunération, phénomène apparu notamment à travers les requêtes des
intermittents (pas de culture sans droits sociaux !). Car il y a encore
réduction de la culture à du bénévolat, à un don, l'art se doit d'être
remis à sa juste place avec ses valeurs. L'espace d'expression est souvent
réduit (une petite illustration dans votre journal favori), pourtant l'art
est un chantier propice à l'affirmation et à la création d'outils. Le
développement d'alter-médias laisse entrouverte une fenêtre d'espoir :
l'édition et la communication s'opposent au laminage du capital. La
création de collectifs, d'espaces de gratuité, de squats, de galeries «
accessibles », et la reconnaissance des arts de la rue participent à cet
élan de créativité pacifiste. Freud disait « ce qui travaille à la culture
travaille aussi contre la guerre », la connaissance face à l'ignorance et
à la barbarie à l'heure des conflits internationaux et ceux larvés au sein
d'institutions qui jouent avec nos destins. Loin d'être un espace
inaliénable, la culture n'en demeure pas moins une expression libératrice
malgré le laminage issu de la mondialisation. Sous l'égide de l'OMC,
l'AGCS remet en question les subventions et le financement d'activités
culturelles qui doivent être livrées à la concurrence. La programmation de
la disparition des aides spécifiques (cinéma d'auteur, théâtre, art et
essai...) est annoncée, les productions du spectacle pourront être elles
aussi délocalisées, l'exception culturelle deviendra-t-elle bientôt de
l'histoire ancienne ?
L' Union Européenne multiculturelle ne freine en rien cette tendance à
l'ouverture au marché, au grand dam de l'émancipation des peuples. Les
directives menacent l'accessibilité (prix fixe du livre), la domination
des majors s'accroît (avec les fusions) de même que l'application des
normes du pays d'origine et l'externalisation des productions à l'étranger
inquiètent (proposition Bolkestein). A l'Unesco le projet de convention
sur la diversité cultuelle vacille, le courant de marchandisation
généralisée promue par l'OMC veille au grain.
Standardisation de la production artistique qui a accès aux moyens de
diffusion, diminution de l'enseignement artistique & culturel à l'école au
vu de la nécessité de former des «petits soldats de la guerre économique»,
l'industrie de la World Culture triomphe, le financement public
s'amenuise, que nous reste-t-il d'exceptionnel ?
Décroissance culturelle
La culture globalisante de consommation anesthésie chaque jour plus de
(télé)-spectateurs, la résistance est rude contre cette intrusion
pernicieuse dans notre quotidien. S. Latouche en proposant de reconstruire
notre imaginaire en le décolonisant, indique que « la diversité des
cultures est sans doute la condition d'un commerce social paisible », dans
un cadre de démocratie des cultures, de « pluriversalisme » éloigné d'un
gouvernement mondial. L'émergence de l'écologie comme enjeu politique se
traduit par le fait d'unifier les problèmes du monde, la culture se
traduit différemment en prenant en compte l'immense diversité, l'écologie
place nos problématiques contemporaines à l'échelle globale. La
mondialisation a des effets différents selon les aspects de la vie, elle
déstabilise toutes les identités en rendant plus visibles les inégalités,
en accentuant le poids de la modernité. La cohabitation culturelle1
s'impose aujourd'hui avec le refus de l'ethnocentrisme, pour autant sortir
de l'occidentalisme ne doit pas nous faire oublier que l'universalisme
trouve ses racines dans la pensée occidentale. Et pour ne pas entamer
notre décroissance culturelle il ne faut jamais sous-estimer les
revendications culturelles. L'Europe et l'Amérique, à travers la
décolonisation et le néocolonialisme continuent de le constater avec le
rejet croissant d'une partie de l'identité culturelle occidentale au
niveau mondial.
1- concept de D.Wolton l'autre mondialisation Flammarion
Gwelan