TRIBUNES LIBRES
     
 
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Culture 30 octobre 2005

OPPOSITION & DIVERSITE CULTURELLES

La DIVERSITe au secours de la décroissance culturelle

CULTURE et libertés, autogestion, politique et marché.


A l'heure de la bataille à l'UNESCO (octobre 2005) sur la diversité culturelle, que nous offrent l'Europe et la France en s'appuyant sur les principes de l'exception culturelle ? Retour sur un héritage en lambeaux qui annonce notre appauvrissement culturel, les politiques culturelles s'enracinent loin dans l'histoire française, la fin du mythe français s'annonce pourtant. L'UNESCO s'est engagée originellement à travers sa déclaration universelle sur la diversité culturelle de novembre 2001 qui elle-même trouve un écho dans la conférence de Johannesburg de septembre 2002, ou la diversité culturelle est présentée comme la garantie du développement durable, comme un élément de la biodiversité uniquement. La culture englobe tous les évènements de l'environnement, traditionnel ou contemporain, l'identité liée au patrimoine pour conserver ses racines, l'ouverture liée à l'histoire pour penser le monde contemporain. La mondialisation de la communication nous force à poser la question de l'altérité, la culture doit être reconnue comme condition indispensable au développement au même titre que l'eau, l'éducation. Sortir des conformismes pour défendre les identités culturelles, les langues, les patrimoines en tenant à distance les industriels de la culture rompus à la logique économique en contradiction avec le respect de la diversité, c'est l'enjeu de notre sauvegarde collective.

Aujourd'hui les espaces de liberté se restreignent avec la judiciarisation de la société. La sécurisation est généralisée, les caméras nous surveillent, les médias nous endorment (enfouissant nos consciences collectives), que nous reste-t-il en ce début de XXIème siècle ?

A la croisée de l'art et de l'artisanat, le théâtre, musiques, cinéma et création plastique sont-ils les ultimes remparts ? Loin de la jungle guerrière et de celle des affaires, un espace peut paraître préservé: celui de la culture. Internet, espace de libre expression ? Le réseau informatique mondial s'est transformé en autoroute de l'information codifié et surveillé (les juristes s'en chargent) même s'il représente un outil de communication essentiel pour les médias alternatifs. Les labels musicaux indépendants l'utilisent largement pour survivre et protéger leur originalité et leur touche « auto-prod' », aujourd'hui le peer to peer et le téléchargement démocratisent les accès, le système nourri aux « gros médias » prospère.


Cultures alternatives ?

Territoire qui subit les assauts de la mondialisation, le champ culturel voit aujourd'hui émerger des échanges sans intervention des pouvoirs publics ni du marché. Axe d'intervention protégeant l'intellect et nos libertés, refuge contre la violation de notre imaginaire, la culture libérée de la logique de marchandisation est le principal recours dans la quête d'alternatives. Ouverte et pluraliste, s'appuyant sur la diversité créatrice, elle nécessite une politique d'accessibilité, éloignée de tout élitisme et constitue de fait un défi à l'imagination, à la solidarité. La bohème culturelle et l'expression libératrice font front à leur manière, l'art s'impose contre la coercition et le contrôle de nos vies. La culture participe de la construction de l'âme collective, c'est un bien commun et une loi de survie. Prédominance de l'art marchand, des publicistes et de l'art officiel, la culture aidée, subventionnée est sous la coupe de bien-pensants qui favorisent l'uniformisation. La standardisation est accentuée par le lobbying des multinationales et des groupes de presse aux mains des industriels, un formatage idéologique qui met en avant le culte individuel et un consumérisme appauvrissant socialement. Le déficit relationnel ambiant rend difficile l'enrichissement mutuel. La France est le mauvais élève de l'apprentissage artistique et de langues étrangères (monolinguisme persistant).


Alternatives culturelles et Droit à la culture

La culture se construit sur les relations, des réseaux, des «tribus» et de l'entraide qui l'accompagnent, d'où un foisonnement d'initiatives, une multiplicité d'expressions. Elle est un mélange de spiritualité et de liberté, d'alternative au matérialisme généralisé et donne une valeur à la vie. Elle peut impliquer des coopérations, don, troc, autonomie et désintéressement en offrant un espace à la militance. Quelle est la place de l'art dans l'expression revendicatrice et quel crédit donner à la révolution culturelle ? L'art par essence est subversif car il est indomptable et incontrôlable. Une reprise en main des cultures par la population initie une transformation, une réappropriation des moyens de production, la diffusion des arts et des pensées et impose une horizontalité dans les rapports. Le développement de l'autonomie et l'indépendance au marché est une phase clef. L'affirmation d'un engagement en découle, la culture introduit du politique, la précarisation de l'existence de l'individu le politise et amène à reconsidérer son travail et sa rémunération, phénomène apparu notamment à travers les requêtes des intermittents (pas de culture sans droits sociaux !). Car il y a encore réduction de la culture à du bénévolat, à un don, l'art se doit d'être remis à sa juste place avec ses valeurs. L'espace d'expression est souvent réduit (une petite illustration dans votre journal favori), pourtant l'art est un chantier propice à l'affirmation et à la création d'outils. Le développement d'alter-médias laisse entrouverte une fenêtre d'espoir : l'édition et la communication s'opposent au laminage du capital. La création de collectifs, d'espaces de gratuité, de squats, de galeries « accessibles », et la reconnaissance des arts de la rue participent à cet élan de créativité pacifiste. Freud disait « ce qui travaille à la culture travaille aussi contre la guerre », la connaissance face à l'ignorance et à la barbarie à l'heure des conflits internationaux et ceux larvés au sein d'institutions qui jouent avec nos destins. Loin d'être un espace inaliénable, la culture n'en demeure pas moins une expression libératrice malgré le laminage issu de la mondialisation. Sous l'égide de l'OMC, l'AGCS remet en question les subventions et le financement d'activités culturelles qui doivent être livrées à la concurrence. La programmation de la disparition des aides spécifiques (cinéma d'auteur, théâtre, art et essai...) est annoncée, les productions du spectacle pourront être elles aussi délocalisées, l'exception culturelle deviendra-t-elle bientôt de l'histoire ancienne ?

L' Union Européenne multiculturelle ne freine en rien cette tendance à l'ouverture au marché, au grand dam de l'émancipation des peuples. Les directives menacent l'accessibilité (prix fixe du livre), la domination des majors s'accroît (avec les fusions) de même que l'application des normes du pays d'origine et l'externalisation des productions à l'étranger inquiètent (proposition Bolkestein). A l'Unesco le projet de convention sur la diversité cultuelle vacille, le courant de marchandisation généralisée promue par l'OMC veille au grain.

Standardisation de la production artistique qui a accès aux moyens de diffusion, diminution de l'enseignement artistique & culturel à l'école au vu de la nécessité de former des «petits soldats de la guerre économique», l'industrie de la World Culture triomphe, le financement public s'amenuise, que nous reste-t-il d'exceptionnel ?


Décroissance culturelle

La culture globalisante de consommation anesthésie chaque jour plus de (télé)-spectateurs, la résistance est rude contre cette intrusion pernicieuse dans notre quotidien. S. Latouche en proposant de reconstruire notre imaginaire en le décolonisant, indique que « la diversité des cultures est sans doute la condition d'un commerce social paisible », dans un cadre de démocratie des cultures, de « pluriversalisme » éloigné d'un gouvernement mondial. L'émergence de l'écologie comme enjeu politique se traduit par le fait d'unifier les problèmes du monde, la culture se traduit différemment en prenant en compte l'immense diversité, l'écologie place nos problématiques contemporaines à l'échelle globale. La mondialisation a des effets différents selon les aspects de la vie, elle déstabilise toutes les identités en rendant plus visibles les inégalités, en accentuant le poids de la modernité. La cohabitation culturelle1 s'impose aujourd'hui avec le refus de l'ethnocentrisme, pour autant sortir de l'occidentalisme ne doit pas nous faire oublier que l'universalisme trouve ses racines dans la pensée occidentale. Et pour ne pas entamer notre décroissance culturelle il ne faut jamais sous-estimer les revendications culturelles. L'Europe et l'Amérique, à travers la décolonisation et le néocolonialisme continuent de le constater avec le rejet croissant d'une partie de l'identité culturelle occidentale au niveau mondial.

1- concept de D.Wolton l'autre mondialisation Flammarion


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