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TRIBUNE POLITIQUE FRANÇAISE 18 septembre 2001

NOSTALGIE CITOYENNE

 

La nouvelle donne internationale gèle provisoirement la campagne présidentielle alors que le dispositif des candidatures à gauche est à peu près bouclé. Si l'on excepte les candidatures encore incertaines de la LCR et du Parti des Travailleurs, cinq candidatures sont à ce jour prévisibles, a l'extrême gauche Arlette Laguiller, pour la majorité gouvernementale Lionel Jospin, Robert Hue, Alain Lipietz et ailleurs Jean-Perre Chevènement.
Les sondages révèlent pour le moment le maintien d'un potentiel électoral appréciable pour la candidate de Lutte Ouvrière, un bon démarrage de la campagne Chevènement et des scores décevants pour les candidats du PCF et des Verts Une telle configuration n'est guère encourageante pour Lionel Jospin dont les plus proches alliés parviennent difficilement à s'affirmer. 

La fête de " l'Humanité " a une fois de plus révélé les contradictions internes au PCF et son extrême difficulté à faire vivre une espace critique auto-limité au sein de la gauche plurielle. Les débats qui traversent le parti portent à la fois sur l'organisation interne, notamment depuis le congrès de Martigues, et sur les perspectives politiques. Ils contribuent à désorienter la direction mais touchent également les oppositions internes "conservatrice" et "refondatrice". Social-démocratisation, réaffirmation identitaire ou contribution à la naissance d'un nouvel espace radical, choisir ou ne pas choisir n'évitera pas la redistribution des cartes à moyen terme.

Pour leur part, les Verts ont manifesté une nouvelle fois les tendances autodestructrices qui en font un objet politique de perplexité. En définitive la candidature Lipietz est confirmée, en dépit de la pression, notamment médiatique, en faveur d'un Noël Mamère dont le babil sociétal se serait pourtant efficacement inscrit dans la lignée de la campagne européenne de Daniel Cohn Bendit. Le potentiel électoral écologiste plus que Vert devra sans doute être partagé, notamment avec Corinne Lepage appoint utile pour la campagne chiraquienne de deuxième tour.

Olivier Duhamel, député socialiste, appelait, dans une récente tribune libre du journal " Le Monde ", au retrait des candidatures d'Alain Lipietz et de Robert Hue. La direction du PS est consciente qu'un mauvais score des alliés de la " majorité plurielle " handicaperait gravement la campagne Jospin au deuxième tour. La présence de Jean-Pierre Chevènement accroît encore son trouble : alors que les Verts et le PCF ont besoin du soutien du PS aux législatives, les uns au premier tour, les autres au second (et, qui sait, bientôt au premier), la campagne du " candidat de la Nation " et celle d'un homme plus que d'une formation politique, ce qui la rend moins vulnérable au " donnant-donnant ", ciment idéologique de la gauche plurielle.

La campagne Chevènement rencontre des interrogations fortes qui traversent la société française, sur les réponses à apporter à la globalisation, sur questions de sécurité ou sur la redéfinition du " pacte républicain ". Mais les réponses du dirigeant du MDC sont souvent partielles, régressives ou inopérantes.

Si la résistance au rouleau compresseur de la globalisation capitaliste s'impose et si un certain nombre d'acquis, comme les services publics ou des éléments du système de protection sociale " à la française ", fruits de longues luttes sociales, doivent être défendus bec et ongles, il est illusoire de penser que l'Hexagone peut constituer durablement un cadre efficace de résistance. 
C'est à une plus large échelle, notamment au niveau européen, que doit se concrétiser la contre offensive pour l'égalité sociale, une démocratie active et un développement soutenable.
S'il est nécessaire de faire en sorte que les enfants des quartiers et cités populaires puissent bénéficier d'une scolarité efficace, que les enseignants puissent y travailler dans des conditions correctes, s'il est inacceptable que la vie des habitants de ces quartiers et cités soit gâchée par les dérives mafieuses et les violences, les réponses doivent d'abord se situer sur le terrain social (lutte contre les inégalités, renforcement de la présence des services publics,, développement d 'une police de proximité) plutôt que sur celui des incantations à la Loi et à l'Ordre.

S'il faut faire front aux dérives intégristes et ethnicistes et si un certain nombre de valeurs héritées des combats démocratiques et laïques restent d'actualité, ces valeurs ne sont ni immuables ni incompatibles avec le pluralisme culturel et linguistique dans notre pays : elles doivent rester un projet à construire et partager non un dogme d'allégeance à un État monolithique.

Or Jean-Pierre Chevènement tend à confondre Nation et État, comme il confond Société et Nation. 

Avec au bout du compte la tentation de retrouver la tradition gaulliste du " recours ", comme un écho lointain à la tradition bonapartiste, en transcendant les contradictions de classe et en aboutissant à l'appel aux " républicains des deux rives ".

Les Alternatifs font plus confiance aux mobilisations sociales qu'aux sauveurs suprêmes, se référent à la société plus qu'à l'État, ne jugent pas obsolètes les clivages gauche-droite, même si la politique d'un gouvernement qui se réfère à la gauche contribue souvent à brouiller les repères.
Certains combats de Jean-Pierre Chevènement et du MDC peuvent permettre des bouts de chemin ensemble, mais le national-républicanisme ne constitue pas un projet d'avenir.
A la nostalgie citoyenne nous préférons une alternative rouge, verte et autogestionnaire.

Jean-Jacques BOISLAROUSSIE

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