TRIBUNES LIBRES
     
 
Remonter ]
TRIBUNE ECOLOGIE mars 2003

PRESTIGE - DEFICIT D'EMOTION?

  Six mois après le naufrage du Prestige au large des côtes ibériques, le 19 Novembre 2002, la Bretagne a eu la mauvaise surprise de voir arriver sur ses côtes des échouages de mazout en provenance de ce navire. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour qui regarde une carte des côtes atlantiques de l’Europe, ce n’est pas seulement le littoral sud de la Bretagne qui a été touché: Des boulettes de mazout sont également entrées en baie de Douarnenez et en rade de Brest; il en est même passé en Manche. Quelques salopards ont aussi profité de l’occasion pour procéder à des dégazages sauvages, comme le “Voltaire”, porte conteneurs de “propriété” allemande, battant pavillon libérien et affrété par l’armement français CGM, pris la main dans le sac au large de Ouessant.

Certes, il ne s’agit pas d’une marée noire comme la Bretagne en a trop connu depuis le Torrey Canyon jusqu’à l’Erika. On a ici affaire à de petites galettes visqueuses qui, au gré des marées, peuvent venir s’échouer sur les plages ou dans les rochers en s’agglutinant au goémon. Suffisamment quand même pour justifier l’intervention des bénévoles et des services municipaux qui se mobilisent pour ramasser le coaltar quand il arrive à la côte. Le trajet parcouru par ce mazout au fil des 6 mois passés montre bien la difficulté qu’il y a à contenir les effets des catastrophes écologiques sur le site même où elles se produisent. Pour reprendre une formule célèbre, un battement d’aile d’un papillon en Amazonie peut avoir des conséquences insoupçonnées à l’autre bout de la planète. Raison de plus pour tout faire pour empêcher que les activités humaines ne débouchent sur de telles catastrophes.

Dans cette affaire, le gouvernement Aznar et ses affidés de la droite au pouvoir en Galice ont fait preuve d’une bêtise criminelle incommensurable: Alors que le Prestige se trouvait en avarie à quelques milles de leur côte, ils ont préféré le remorquer au large du Portugal plutôt que de l’amener dans l’une des nombreuses échancrures de la côte galicienne. Certes, cette zone aurait probablement été gravement polluée, mais cela aurait grandement facilité le confinement des fuites et le transbordement de la cargaison. On mesure aujourd’hui toutes les conséquences de cette irresponsabilité!

Reste à savoir s’il y aura vraiment réparation intégrale des préjudices subis par les populations du littoral Atlantique depuis la Galice jusqu’en Bretagne en passant par le Pays Basque et le Golfe de Gascogne. A voir les tergiversations du FIPOL et des autorités gouvernementales, on peut en douter. Reste surtout à savoir si l’Europe dont on nous rabat les oreilles finira par se doter d’une réglementation sérieuse en matière de sécurité du transport maritime, si elle se décidera enfin à interdire les navires poubelles et si elle se donnera les moyens de faire appliquer une telle politique. Une question qui, dans les régions maritimes, doit être au coeur du débat des élections européennes de 2004.

Jean-Louis GRIVEAU (Alternatifs Finistère)

haut