TRIBUNE POLITIQUE FRANCAISE |
Avril
2004 |
Des mots pour les maux régionaux
Soif d'autonomie, expression d'indépendance, diversité culturelle,
quête d'émancipation, l'énergie issue des régions est mal représentée dans le
paysage politique français. De l'autre coté des Pyrénées, en développant un
sentiment anti-basque, le gouvernement est lourdement sanctionné par la
population lors du dernier scrutin électoral dans une psychose sécuritaire. En
se sacrifiant à la logique impérialiste du grand frère gringo, l'Etat espagnol
qui renoue avec l'héritage du franquisme s'est mis à dos l'essentiel des
régions autonomes. Le contexte des élections si particulier conduit à
reconsidérer notre analyse des singularismes, des mouvements d'expression
régionaliste et au sein même de l'hexagone.
Simultanément, le procès des 11 autonomistes bretons dans un scrutin régional
morose rompu aux logiques nationales et qui voit l'affaiblissement des
revendications issues des spécificités régionales, nous ramène sans cesse aux
préoccupations d'intégrité nationale. Passé sous silence par les média, ce
procès qui met en lumière une série d'attentats imputés à l'ARB 1 vise à
annihiler l'expression d'autonomie politique sur le territoire en décapitant
Emgann 2 et dissiduant par la même les autres mouvements de revendication
d'autodétermination.
Coup d'arrêt symbolique d'une cour d'exception qui réprime au nom de la raison
d'état afin de préserver la cohésion nationale. Centralisme récurrent qui
malgré la volonté de décentralisation de 1981 des socialistes perdure encore
aujourd'hui. Après le jacobinisme ambiant développé par les années
chevènementistes, la République est la tour d'ivoire des intérêts nationaux au
mépris des droits des minorités (Breizh, Euzkadi, Corsica.).
Comment peut-on criminaliser les nationalismes régionaux quand il est
communément admis ailleurs ? Quelle menace pour la démocratie ? Vus de Paris,
les mouvements d'émancipation culturelle sont dans l'oil du cyclone, l'amalgame
est omniprésent, l'autonomisme est ridiculisé, absorbé par les partis
traditionnels. La question du droit des peuples est minorisée, balayée d'un
revers de la main par les mêmes républicains, les aspirations identitaires sont
freinées.
Et pourtant à l'heure où les altermondialistes s'attendrissent sur le quotidien
des indigènes du Chiapas, nul ne s'offusque du sort des militants bretons, pour
certains emprisonnés près de 4 ans sans avoir été jugés. La CARB 3 dénonce les
détentions arbitraires, le mépris et la stigmatisation du mouvement
régionaliste.
Lors du FSE, le volume des ateliers consacré au droits des minorités en Europe
était insignifiant, la globalisation poursuit son chemin inexorablement, le
laminage des minorités se poursuit au profit du formatage ; les petits partis
régionalistes (Occitanie.) sont phagocytés et noyés dans les préoccupations des
plus forts ayant une vision plus globale. Le fédéralisme peut clamer sa
légitimité dans une Europe des régions plus favorable, le centralisme politique
a de beaux jours devant lui en France.
Pour autant le vote nationaliste progresse en Espagne sans faire de vagues, la
gauche républicaine indépendentiste catalane (ERC) compte 8 sièges, elle
devient la 4ème force parlementaire, les « modérés » peuvent gouverner au pays
basque. La dérive néo-franquiste d'Aznar est sévèrement critiquée lors du
scrutin post-11Mars, ETA est blanchi, les Démos non-violents continuent leurs
actions de rue.
L'héritage historique de dévalorisation de l'identité régionale, l'humiliation
des « provinciaux » et les disparités de développement sur le territoire
national accentuent la rancoeur des populations éloignées des grands centres
urbains dans un pays qui a encore du mal à ratifier la charte des langues
régionales. L'Etat français sera rattrapé à nouveau par la cour européenne des
droits de l'homme, le droit au secours des divers nationalismes, puissent les
revendications culturelles trouver un interlocuteur dans un monde qui aspire
les différences sans les digérer. L'obsession centralisatrice à la française à
l'heure des autonomies et des fédérations (Lander) dans une Europe éclatée se
poursuit, la région vient souvent en aide à l'Etat-nation.
Quand particularisme rime avec droits de l'hommisme et fertilité des
différences loin des clichés folkloriques dégradents, c'est un premier pas vers
la reconnaissance. L'enrichissement mutuel par les disparités n'est pas une
simple carte postale ; de même les initiatives auto-gérées localement issues
des compétences régionales, la reconnaissance des identités participent à la
valorisation d'un capital humain tant apprécié en dehors des frontières pour
une population qui aspire à une représentation politique digne, juste et
respectueuse de la multiplicité des voix. La droite libérale s'est attribuée
les bénéfices de la décentralisation récemment, la gauche doit marquer son
ouverture à l'expression plurielle et avancer vers des propositions d'autonomie
pour éviter la marginalisation et la tentation extrémiste des mouvements
radicaux.
La clémence des juges dans le dossier breton ne fait pas oublier le climat de
terreur qui s'est installé à l'heure où les manipulations et le terrorisme
d'Etat se diffusent largement restreignant l'espace d'expression pour les
régions, méprisant les acquis de gestion territoriale.
Fustigeant les dérives fascistes et sectaires telles les campagnes menées en
Alsace, la cause régionale par la défense d'un patrimoine commun et des langues
participe à l'émulation communautaire et aux ouvertures dans un projet «
décomplexé » lié au renouveau régional et ses perspectives d'émancipation. La
fierté d'appartenance ajoutée à l'acceptation de la diversité des cultures sont
des éléments essentiels à la résistance antilibérale dans un environnement
globalisé.
Quand la mondialisation opprime, l'éveil des minorités se manifeste et
l'affirmation culturelle devient le seul rempart commun bien loin des images
terroristes que nous font passer en boucle les mass media.
1-l'Armée Révolutionnaire Bretonne à qui est attribuée des vols d'explosifs et
une série d'attentats (17) de 1993 à 2000 dont le Mc Do de Quévert qui a fait
une victime -non revendiquée, niée par les participants au procès TGI Paris
03.2004 et déculpabilisés par le verdict-
2- gauche révolutionnaire bretonne (combat en breton)
3- Coordination anti-répression en Bretagne, un de ses membres s'est vu
poursuivi par la DNAT(anti-terroriste) pour avoir rédigé un chèque à La Poste
en breton
Gwelan