Les Alternatifs

Comment répartir le revenu ?


Dépassement du salariat

Dans le cadre d’une économie capitaliste, une partie du revenu revient aux détenteurs de capitaux, que ce soit sous la forme de l’intérêt (pour le prêteur) ou du dividende (pour l’actionnaire). Cette accaparement d’une partie du revenu global de la société au profit des détenteurs de capitaux est justifié par le risque qu’ils encourent à investir. A l’inverse, le salaire constitue la « juste valeur » du travail [Marx, 2008b] : le travailleur ne prend aucun risque particulier et reçoit une rémunération qui lui permet de vivre et de se renouveler, notamment en mettant au monde et en élevant des enfants. Dans cette optique, la répartition entre les profits et les salaires serait déterminée par le libre jeu du marché.

On comprend que cette approche correspond à celle d’un capitalisme pur qui nous basculerait immédiatement dans la barbarie. Dans la réalité, ce mode primaire de formation des revenus est complété par de nombreux dispositifs de redistribution. En effet, certains individus (enfants, seniors ou encore handicapés) ne sont pas en capacité de travailler et il serait indécent de les mettre à disposition du capital. Par ailleurs, il est admis dans les capitalismes à tonalité sociale-démocrate, qu’une personne malade n’a pas à subir une double peine en ayant à s’acquitter des frais médicaux ou à subir un perte de revenu pour absence au travail. De même, il est parfois reconnu que les personnes privées d’emploi le sont pour des raisons indépendantes de leur volonté et qu’elles doivent donc être indemnisées en conséquence. Deux types de mécanismes bien identifiés agissent pour effectuer cette redistribution : les cotisations sociales et la fiscalité. Les cotisations sociales sont une partie collectivisée du salaire versée aux travailleurs qui permettent, suivant les législations, de financer les retraites des anciens, l’assurance maladie ou l’assurance chômage. Si l’objectif premier de la fiscalité est de financer le fonctionnement de l’État (armée, police, justice, équipement, éducation…), ce dernier réalise aussi une redistribution envers certains individus (Allocations familiales, Aide Personnalisé au Logement, Revenu Minimum d’Insertion, Allocation de Parent Isolé…). De même, le mode de prélèvement de certains impôts (taux progressifs, prise en compte de quotient familiaux…) constitue, en tant que tel, un mécanisme de redistribution évident.

Comme nous l’avons envisagé préalablement, une sortie progressiste du capitalisme passe par une appropriation collective du capital que nous avons concrétisée par un secteur bancaire et financier public et la transformation des entreprises de capitaux en services publics dirigés par leurs travailleurs et usagers. K. Marx envisageait deux étapes dans cette révolution se différenciant par la distribution des revenus : la première, le socialisme, se résumant par la formule « de chacun selon son travail », précédant le communisme se synthétisant par « de chacun selon ses besoins ». Il estimait notamment que l’épanouissement de la société communiste ne serait possible que dans le contexte d’une abondance totale de biens et de services qui annihilerait la notion de rareté. On comprend avec le recul qu’il est difficile de séparer de façon stricte ces deux étapes, notamment parce qu’une répartition selon les besoins est déjà prise en compte, de façon certes partielle, dans la plupart des économies capitalistes. Par ailleurs, Marx critiquait lui-même la notion de « salaire équitable » [Marx, 2008a] et n’a jamais élucidé la question de la valeur du travail de chaque individu : une heure de travail de l’un est elle toujours égale à celle d’un autre ? Cela paraît idéal mais reste difficile à soutenir (ardeur au travail, prise en compte d’un investissement personnel antérieur…). Nous avions par ailleurs montré que, dans le cadre de la société future, les rapports marchands seront toujours existants quoique de façon très secondaire. Nous allons donc ébaucher un mode de répartition du revenu qui part de cet état de fait mais qui considère qu’il doit, autant que cela soit possible, préfigurer la société communiste dans la déconnexion des revenus par rapport au travail fourni.

Notre première et indispensable piste de réflexion doit donc porter sur l’abolition du salariat. En effet, la condition salariale est indissociable de l’existence du capitalisme : la formation du capital dévalorise largement le travail et impose aux individus ne disposant que de leur force de travail de se faire embaucher dans des entreprises pour obtenir des revenus. De ce point de vue, le salaire se définit comme le paiement que reçoit le travailleur en échange de la mise à disposition de son temps de travail auprès de l’entreprise. Ce statut du salarié tourne donc le dos à l’idéal démocratique : une fois passée la porte de l’entreprise, l’individu abandonne son statut de citoyen pour se mettre au service exclusif de son employeur en exécutant sans discuter les tâches qui seront demandées. On comprend que l’entreprise-service public que nous avons décrite précédemment, dans laquelle les travailleurs et usagers sont aux postes de commande, rompt de façon radicale avec ce paradigme.

Sécurité sociale professionnelle ?

Un aspect fondamental du rapport salarial est le côté « kleenex » de celui-ci : le salarié n’est embauché par l’entreprise que si ses propriétaires voient un intérêt à l’employer, que s’il est une source potentielle de profit et de mise en valeur du capital. Dès que cela n’est plus le cas, l’entreprise se réserve le droit de s’en séparer, de le licencier. Même si différentes législations (très variables selon les pays) existent et encadrent ce droit au licenciement, la possibilité pour le détenteur de capitaux de mettre un terme au contrat de travail est consubstantiel au capitalisme.

C’est dans ce contexte qu’est apparu le concept de Sécurité sociale professionnelle. Cette proposition a initialement été formulée par Paul Boccara, économiste du PCF, sous le nom de « Sécurité emploi-formation » [Boccara, 1996]. Face à la hausse de la précarité et des emplois de courte durée, cette proposition visait à maintenir la continuité du contrat de travail en cas de perte d’emploi avec une formation payée et rémunérée destinée à permettre à l’intéressé de retrouver un emploi de qualité. Selon son promoteur, cette mesure permet de « commencer à dépasser le marché du travail, avec une sécurité d’emploi ». Son financement serait assuré par « un fonds de développement et de coopération pour l’emploi et la production qui serait alimenté par la taxation des placements et des revenus financiers mais aussi par les fonds publics qui sont actuellement gâchés en cadeau au patronat ». Le côté original de cette proposition réside dans l’idée que désormais, le travailleur n’est plus exclusivement en contrat avec la seule entreprise qui l’embauche mais avec l’ensemble des entreprises qui lui assurent revenu, travail et en cas d’absence de travail, une reconversion vers un nouvel emploi. Une fois posé ce principe novateur, il reste de nombreuses marges d’interprétation et de questionnements. Qui doit décider de la formation à suivre ? Comment serait-elle délivrée ? Pendant combien de temps le salaire sera-t-il assuré ?

Cette idée a ensuite été reprise beaucoup plus tard par la CGT sous le terme désormais consacré de « Sécurité sociale professionnelle » lors de son congrès de Lille en 2006. Plus surprenant, ce terme sera simultanément adopté par l’ensemble de la classe politique, avec des contenus qui n’ont finalement plus grand chose à voir avec le projet initial. Pour les libéraux [Cahuc & Kramarz, 2004], celle-ci ne porte plus que sur la redéfinition de la politique d’accompagnement des chômeurs (« le guichet unique, le profilage des personnes ayant perdu leur emploi, et une définition par le service public de l’emploi des parcours de reclassement adaptés à chaque profil ») et la mise en œuvre du contrat de travail unique en remplacement des actuels CDI et CDD. Le projet des socialistes [Guigou, 2005] ne change guère sur le fond et si ses recommandations n’intègrent pas le contrat de travail unique et les traditionnelles remises en cause des 35h de la part de la droite, il constitue un catalogue assez hétéroclite de 30 propositions différentes, certaines étant vagues (par exemple « avec les syndicats pour plus de transparence »), d’autres ne reprenant que des lieux communs (par exemple « l’économie de la connaissance »). En clair, alors que le projet original de Paul Boccara portait sur l’extension du contrat de travail à l’ensemble des entreprises, ces dernières propositions ne sont plus que de vagues politiques de l’emploi destinées à minimiser le nombre de chômeurs et à fournir le maximum d’individus à la mise en valeur du capital.

Pour autant, il convient de s’interroger sur le pourquoi de cette récupération. Si la caractéristique essentielle de la Sécurité sociale professionnelle est la continuité du contrat de travail, cela signifie alors qu’un travailleur qui n’est plus affecté à un poste de travail voit son contrat maintenu et donc son salaire. Cette approche se conçoit aisément dans le cadre d’une économie de type capitaliste : elle consiste à contester tout licenciement en imposant le transfert de cette exigence à l’ensemble des entreprises. Dans le cadre d’une appropriation collective du capital, c’est alors l’ensemble de la population qui prend en charge cette continuité salariale. Allons-nous compenser l’absence de travail de façon indéfinie ? De même, s’il est indispensable d’indemniser au mieux des individus ayant de bas revenus, est-il légitime d’indemniser à 100% des individus disposant de salaires élevés et ce, jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi au niveau de salaire antérieur ? Même si on admet qu’il y ait un plafonnement quant à l’indemnisation des salaires (par exemple jusqu’à deux ou trois fois le salaire minimum), cela pose la question de la légitimité de l’effet cliquet ainsi induit : dans cette vision, lorsqu’un salaire est augmenté, cette majoration devient ainsi définitive et celui-ci ne pourrait alors plus baisser. Il suffirait alors qu’une entreprise ait décidé unilatéralement d’augmenter un salaire pour que l’ensemble de la collectivité soit engagée par cette décision. On comprend que cette position est discutable. Nous sommes alors loin d’une émancipation de l’individu par l’abolition du salariat mais au contraire d’un renforcement du salariat, le lien entre l’individu et l’entreprise étant remplacé par un lien entre l’individu et la collectivité, un peu à l’image de ce qu’il se passait dans les pays du « socialisme réel ». C’est sans doute pourquoi la droite ainsi que les sociaux-libéraux n’ont eu aucun mal à s’engouffrer dans cette brèche pour dévoyer le terme de Sécurité sociale professionnelle en dispositifs de retour plus ou moins forcé à l’emploi qui manient carotte et bâton et s’éloignent définitivement de tout affranchissement à l’égard du salariat.

Stabilisation des revenus du travail

Dans l’économie que nous avons définie précédemment à base d’entreprises-services publics dirigées par leurs clients et travailleurs, il va de soi que la rémunération des travailleurs est déterminée par la marge que l’entreprise va réaliser entre ses ventes et ses achats. De ce point de vue, la rémunération des producteurs est amenée à être variable, à l’image de ce qui se passe aujourd’hui dans les entreprises autogérées : dans le cas des SCOP, les travailleurs reçoivent un salaire, toujours complété d’une participation sur les résultats. Concevoir une économie autogérée par ses travailleurs sans admettre une fluctuation des rémunérations est un exercice impossible. Même si la présence des usagers dans les assemblées générales d’entreprises est de nature à apaiser les mécanismes de fixation de prix et à stabiliser le revenu des travailleurs, il est clair que cela ne sera pas suffisant.

Une solution peut être la mise en place de la Redistribution sociale généralisée [Borrits, 2005, p. 194]. L’idée de base consiste à extraire une partie du revenu des entreprises pour la redistribuer de façon strictement égalitaire entre les travailleurs. C’est déjà une première façon de démarchandiser la formation des revenus : une partie de ceux-ci échappent ainsi à la loi de l’offre et de la demande. La mise en place d’une telle mesure passe par une caisse de répartition. Chaque entreprise a droit mensuellement à une allocation par travailleur (par exemple, 1 000 €). La richesse créée sera évaluée sur la base des flux de trésorerie (encaissements de factures et subventions moins les paiements de fournisseurs et d’impôts). Il apparaît qu’il faudrait un prélèvement d’environ 30% de ces flux de trésorerie pour financer une allocation mensuelle de 1 000 € par travailleur en équivalent temps plein (ce qui revient à dire que le flux de trésorerie moyen généré par chaque travailleur est de 1 000 / 0,3, soit 3 333 €). Tous les mois, chaque entreprise devra donc déclarer la richesse qu’elle a produite et le nombre d’individus qu’elle emploie et déterminer par différence (1 000 € x nombre de travailleurs – 30% des flux de trésorerie) si elle est contributrice ou bénéficiaire de ce système. Dans le premier cas, elle paiera cette différence au régime de répartition, dans le second cas, elle la recevra quelques jours plus tard (ou immédiatement en cas de création monétaire contrôlée par la Banque centrale).

L’intérêt de cette redistribution est évident en terme d’amortissement des aléas économiques de l’entreprise-service public qui, comme nous l’avons vu, reste partiellement soumise à des rapports marchands : elle permet de garantir à tout moment un revenu raisonnable à tous les travailleurs. On peut aussi y voir une arme, parmi d’autres, contre le chômage, si tant est que son éradication constitue un objectif en soi, ce que nous débattrons ultérieurement. En effet, dans la mesure où une partie du revenu du travailleur est garantie, cette mesure facilite le démarrage d’activités économiques, que ce soit dans le cadre d’une nouvelle entité ou dans le cadre d’une entreprise existante qui souhaite créer un nouveau poste qui ne rapportera pas immédiatement.

Par ailleurs, l’assiette retenue pour le prélèvement basée sur les flux de trésorerie, constitue en soi un formidable outil d’aide à l’investissement et au financement des entreprises. En effet, lorsqu’une entreprise paye une facture fournisseur, elle déduit cette facture de son assiette de prélèvement. Sur la base d’une allocation par travailleur de 1 000 € par mois, cela signifie alors qu’elle va diminuer ses prélèvements de 30% du montant de cette facture, c’est-à-dire que 30% du montant de cet achat est de facto pris en charge par le régime de redistribution. Comment ce financement est-il donc alimenté ? Par les prélèvements de 30% sur les encaissements de factures bien évidemment. Au final, on comprend que cette redistribution est donc une nouvelle façon de concevoir une appropriation collective partielle du capital qui pourrait aussi s’appliquer aux entreprises publiques du secteur bancaire et financier et intervenir en complément de leur action auprès des entreprises.

Vers une simplification de la fiscalité

Outre la Redistribution sociale généralisée, cette base de prélèvement sur les flux de trésorerie a d’autres applications possibles. Actuellement, le budget de l’État, permettant de financer les services publics non-marchands, certaines subventions aux services publics marchands ainsi que diverses redistributions, est alimenté par différents impôts : Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), Impôt sur le revenu (IR), Impôt sur les sociétés (IS), sans compter l’ISF, l’IRPP, l’impôt successoral, les impôts fonciers et locaux ou encore la controversée Taxe Professionnelle (TP). Nous connaissons l’urgente nécessité de mettre en place une fiscalité écologique (qui existe sous forme embryonnaire au travers de l’IRPP). Pour autant, une bonne partie de la base de ces prélèvements est la richesse produite, ce qui donne lieu à diverses polémiques qui sont loin d’être économiquement sans fondement. Prenons le cas de l’IS : les règles comptables sont elles réellement adaptées à la réalité contemporaine de l’économie avec l’émergence du capital immatériel [Rifkin, 2000] ? En effet, l’IS s’applique sur un résultat comptable légèrement retraité. Or, nos normes comptables actuelles ne prennent nullement en compte le capital immatériel. Est-il, dès lors, normal que l’accumulation de ce dernier soit exonérée d’impôt alors que celle de capital matériel est intégré dans le résultat sur lequel s’applique l’IS ?

Dans le contexte d’une société dans laquelle la propriété privée du capital aura disparu, dans laquelle les inégalités de rémunérations seront largement réduites (notamment par l’application de la Redistribution sociale généralisée), on peut légitimement se demander si le côté redistributif de la fiscalité actuelle sera toujours nécessaire. Ne devrons-nous pas alors ne maintenir que des impôts simples et compréhensibles par tous, tels que sur la consommation pour favoriser l’investissement (TVA), sur les revenus extraits des entreprises (cotisations sociales pour financer l’assurance chômage et la retraite), sur la richesse produite et les nuisances écologiques. Les prélèvements sur la richesse produite, sur la consommation ou les nuisances écologiques permettront de financer le fonctionnement des services publics non marchands, les subventions décidées démocratiquement à certains services publics marchands et pourquoi pas une Allocation universelle [Ferry, 1995].

La richesse créée étant réalisée dans les entreprises, on pourrait donc reprendre l’assiette utilisée par la Redistribution sociale généralisée basée sur les flux de trésorerie se définissant comme les encaissements de factures et subventions moins les paiements de fournisseurs et d’impôts. Ainsi pourraient disparaître l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, simplifiant largement la vie des individus et évitant ainsi un gros potentiel de fraude : un des points positifs fréquemment mis en avant dans les économies du « socialisme réel » n’était-il justement pas l’inutilité de l’impôt sur le revenu, inutilité qui est la conséquence même de l’appropriation collective du capital ?

Vers un revenu déconnecté du travail…

Nous venons d’évoquer ici l’Allocation universelle. Celle-ci se définit comme « un revenu versé par une collectivité politique à tous ses membres, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie » [Vanderborght & Van Parijs, 2005, p. 6]. Bien que le débat sur une telle mesure rebondisse régulièrement lors de crises économiques avec recrudescence de chômage qui renforcent l’idée d’une raréfaction du travail [Rifkin, 1996], cette proposition est ancienne et trouve son origine à la fin du XVIIIe siècle avec la proposition de Thomas Paine adressée au Directoire visant à compenser auprès de tout être humain la perte de son accès à l’espace naturel et aux terres agricoles due à la privatisation de celles-ci.

La raréfaction du travail ne s’observe que si la demande de production de la population est inférieure à la quantité de travail que peut réaliser cette même population. On constate alors un phénomène de sous-emploi qui peut se résoudre de deux façons différentes : un partage du travail par une réduction généralisée du temps de travail ou l’acceptation que certains individus travaillent alors que d’autres vaquent à diverses occupations, qui d’ailleurs peuvent ne pas être dénuées d’un intérêt social. C’est jusqu’à présent, la voie de la réduction généralisée du temps de travail qui a été explorée. La première raison tient au régime économique dans lequel on vit : la revendication de la réduction du temps de travail s’entend à salaire constant, c’est-à-dire qu’elle correspond à une augmentation du salaire horaire, le patronat étant censé embaucher plus pour résoudre le chômage. Dans une société post-capitaliste, cette approche aura moins de sens. Si, pour reprendre l’expression consacrée, quelqu’un souhaite travailler plus pour gagner plus, pourquoi l’en empêcherions-nous ? On se contentera de l’en dissuader par des prélèvements supplémentaires. L’allocation de la Redistribution sociale généralisée est donnée pour un temps plein et ne sera pas perçue pour des heures supplémentaires de façon à encourager les entreprises à embaucher.

A l’inverse, l’approche de l’Allocation universelle tend à autonomiser l’individu face au travail : celui-ci n’est plus obligé de travailler pour prétendre à un revenu. De ce fait, l’Allocation universelle est un puissant moyen de libérer l’individu face au travail qui relève alors d’un libre choix. La mise en place de cette Allocation universelle ne constitue-t-elle pas alors un élément fondateur de mise en pratique du principe « De chacun selon ses besoins » se substituant au « De chacun selon son travail » ? C’est indiscutable même si, dans le contexte actuel de notre société, l’Allocation universelle suscite bien des résistances. Ne craint-on pas que certains se réfugient dans l’oisiveté permanente alors que d’autres travaillent et se verront ponctionnés (exploités ?) pour financer cette allocation ? Il est certain que cette crainte ne pourra être levée que « quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais sera devenu le premier besoin vital » [Marx, 2008a, p.60].

Nous noterons cependant l’analogie qui existe entre l’Allocation universelle et l’allocation de la Redistribution sociale généralisée : dans les deux cas, cette allocation déroge aux relations marchandes. La différence tient à la conditionalité de la seconde : il faut occuper un emploi et on reçoit celle-ci au prorata du temps que l’on occupe par rapport à un temps plein. De ce fait, on peut considérer que l’Allocation universelle ne pourra que se mettre en place progressivement et en remplacement de l’allocation de la Redistribution sociale généralisée, au fur et à mesure que le travail sera de plus en plus une source d’épanouissement et d’accomplissement de soi, au fur et à mesure que la frontière entre travail marchand et activité sociale disparaîtra et que les membres de la société sauront développer un climat de confiance entre eux, climat que seule, cette société post-capitaliste sera en mesure d’apporter.

Bibliographie

BOCCARA Paul, Ce que pourrait être une sécurité d’emploi-formation, paru dans l’Humanité du 21 septembre 1996

BORRITS Benoît, Vers la démocratie économique, Paris : L’Harmattan, Collection L’esprit économique, 2005

CAHUC Pierre & KRAMARZ Francis, De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle, Paris : La Documentation française, 2004

FERRY Jean-Marc, L’allocation universelle, Pour un revenu de citoyenneté, Paris : Les Éditions du Cerf, 1995

GUIGOU Élisabeth, Crise de l’emploi, malaise au travail, Pour une sécurité des parcours professionnels, Paris : Les Notes de la Fondation Jean-Jaurès, 2005

MARX Karl, Critique du programme de Gotha, Paris : les éditions sociales, Collection GEME, 2008a

MARX Karl, Le Capital, Paris : Folio, Collection Essais, 2008b

RIFKIN Jeremy, La fin du travail, Paris : La Découverte, 1996

RIFKIN Jeremy, L’âge de l’accès, La nouvelle culture du capitalisme, Paris : La Découverte, 2000

VANDERBORGHT Yannick & VAN PARIJS Philippe, L’allocation universelle, Paris : La Découverte, Collection Repères, 2005



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