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TRIBUNE POLITIQUE FRANÇAISE 11 décembre 2001


VERTS : TOUT CHANGE, RIEN NE CHANGE !

 

Nous aurons, dans les mois qui viennent, de multiples raisons de regretter l’absence à la Présidentielle d’une candidature de rassemblement porteuse des exigences exprimées par les mobilisations pour l’égalité sociale, une démocratie active, un développement soutenable. Une candidature qui aurait su échapper aux calculs tacticiens et aux incantations protestataires. Cette absence conduit à un émiettement du champ politique à gauche du PS, aucune des candidatures annoncées ne portant l’espoir d’une alternative crédible. Les déterminants tactiques vont donc primer: Arlette avant ou après Robert? Jean-Pierre avant ou après Noël? Que la critique du social-libéralisme puisse être portée par les candidatures d’Arlette Laguiller ou de Jean-Pierre Chevènement en dit d’ailleurs long sur l’état des lieux.

Constat amer d’absence, et nécessaire débat pour toute la gauche alternative, écologiste et féministe: le besoin de redéfinir en profondeur le sens, les moyens, les objectifs de l’action politique, ne doit pas conduire à opposer le local et le global, le social et le politique, les réseaux et les mouvements politiques… sauf à laisser le champ libre à d’autres et à se contenter, au mieux, de choix par défaut.

L’évolution du parti Vert est également riche d’enseignements. Il y a quelques années encore, le débat stratégique se focalisait autour de deux positions: alliance à long terme, quasi-organique, avec le PS en vue de parvenir, par une longue marche dans les institutions au renforcement du parti et à des réformes conséquentes dans le sens d’un développement durable ou positionnement critique dans la perspective d’une alternative à moyen terme s’appuyant sur les mobilisations sociales.
Les partisans de la seconde position ont un temps influencés 40% de l’organisation, mais cette «gauche des Verts» s’est depuis délitée pour trois raisons essentielles :

  • une institutionnalisation en profondeur du mouvement qui conduit de plus en plus à relativiser la pertinence de choix radicaux en regard des dividendes de la participation aux pouvoirs ;

  • une dynamique de recrutement significative, qui a renforcé l’aile pragmatique ;

  • les prises de distance et départs de celles et ceux qui ne se retrouvaient plus dans le nouveau profil de leur parti. Ces reconversions militantes ont, jusqu’à une date récente essentiellement bénéficié à la sphère associative.

Le débat sur l’alliance stratégique rose-verte est clairement tranché: la seule motion s’y opposant frontalement n’a obtenu que 6% des suffrages des adhérent(e)s. Les divergences s’expriment désormais essentiellement à propos des contenus d’une telle alliance et des modalités de contrôle démocratique de sa mise en œuvre. Sur ces deux points des méfiances persistent, dont témoignent à la fois les bon résultats de la coalition entre une partie de la gauche des verts (ALV) et les amis d’Alain Lipietz (27%) et le ressaisissement du courant «environnementaliste» (17%) en regard d’un score modeste texte Voynet-Mamère (35%). Mais nulle perspective de crise politique autre que les habituels prurits internes.

Chacun sait bien qu’en dernière instance un compromis sera trouvé avec le PS, compromis d’autant plus nécessaire qu’il sera peut être difficile de sauver quelques sièges de députés en cas de succès de Chirac à la Présidentielle.
La politique calamiteuse du gouvernement dans le domaine des transports sous la houlette de Jean-Claude Gayssot, les incertitudes sur la reconduction du programme électronucléaire ne pèseront qu’assez peu dans la discussion entre PS et Verts, et il sera toujours temps de promettre pour la prochaine législature ce qui n’a pas été réalisé ces dernières années. Les «derniers des mohicans» qui résistent encore à la normalisation au sein des Verts, ceux, plus nombreux, qui prennent leurs distances, en gardant encore ou non leur carte, sont à la croisée des chemins. Si des contacts sont pris ici ou là avec les Alternatifs ou Écologie Sociale, le découragement prime souvent sur le ré-engagement.

En réalité l’évolution des Verts ces dernières années a suivi avec un peu de retard celles des Grünen en Allemagne. Au sein de ce parti le courant «réaliste» a conquis progressivement l’hégémonie sans que la marginalisation des «fondamentalistes» et «radicaux» ait conduit à des crises majeures et à l’émergence de forces politiques concurrentes crédibles. Daniel Cohn-Bendit est un bon symbole de ces évolutions parallèles, de part et d‘autre du Rhin.
Cette évolution présente aussi quelques traits communs avec celle du champ politique: prise de distance d’un grand nombre d’adhérent(e)s avec des débats pollués par les questions tactiques et la place prépondérante de la communication par rapport aux contenus, comme en écho à un abstentionnisme structurel.
Avec sans doute une réponse possible: faire converger une écologie radicale avec d’autres contestations des oppressions et aliénations, en vue d’un projet alternatif, socialement enraciné, et d’une force politique rouge et verte.

Jean-Jacques BOISLAROUSSIE

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